Partager son enfance entre la France et le reste du monde n’est pas toujours simple. En quoi vivre une expatriation lors de ses plus tendres années influence le reste de sa vie ? Nous avons réuni les témoignages d’adultes ayant grandi à l’étranger.
Etre enfant d’expatriés revient finalement à embarquer dans une aventure dans laquelle on ne peut rien contrôler, que ce soient la destination ou la durée. Les petits baroudeurs ont pourtant un pouvoir d’adaptation grandement supérieur à leurs aînés et les témoignages que nous avons récoltés prouvent que l’expatriation bien que subie peut devenir une expérience enrichissante et transformatrice.
Une ouverture sur le monde
Passer son enfance à l’étranger c’est avant tout acquérir une certaine ouverture d’esprit, avoir un regard différent sur le monde et appréhender plus facilement les différences culturelles. « J’ai quitté la France avec mes parents il y a …longtemps pour ce que l’on appelait alors l’Indochine. J’avais 5 ans. Après ce fut le Maroc jusqu’à l’âge de 12 ans. Cette expérience a changé totalement ma vie. Je pense que j’ai acquis pour toujours ce que l’on nomme « l’ouverture d’esprit », une aptitude à m’intégrer partout, un regard fraternel et non apeuré sur ce qui est différent. Je me souviens que rien ne m’étonnait, ni les paysages, ni les personnes. J’étais à l’école avec les enfants du pays et, pour moi, c’était seulement naturel. », nous raconte ainsi Marie, aujourd’hui au Portugal.
Pour Lara, ancien expatrié en Afrique, et aujourd’hui résident au Cambodge : « en tant que fils d'expatrié cela m'a donné de gout des découvertes et d'être sociable avec les personnes du cru. »
Louis, qui a suivi ses parents en Indonésie et en Thaïlande, confirme : « Mes années en expatriation m'ont donné, je pense, beaucoup de curiosité et d'ouverture d'esprit. Je m'adapte très vite et suis, d'après mes collègues, très bon avec les différentes cultures. »
Bérengère a vécu au Gabon, au Maroc, en Algérie et en Egypte : « Ce que m’apporté cette vie, c’est une enfance insouciante, mais au contact de la misère. La mixité des gens, que ce soit par la religion ou l’origine. J’ai pu y rencontrer des personnes du monde entier. Cela m’a appris aussi à apprécier ce que j’ai et ne pas me plaindre pour un oui ou pour un non, car en ayant vu des pays pauvres et les gens y travaillant pour quasiment rien, ça relativise. »
Si être ouvert sur le monde leur permet de s'enrichir personnellement, c'est également un gros plus au niveau professionnel et dans la progression de leur carrière. Cécile, partie au Brésil avec sa famille, raconte : « J'avais une ouverture, un regard beaucoup plus critique sur mon pays et aussi je voyais les choses autrement, pas aussi systématique que les autres. J’ai continué le portugais et après aussi espagnol, italien .. aujourd’hui je parle 5 langues ». « Mon niveau d'anglais acquis à l'étranger est un gros plus.», affirme Louis.
Déconnectés de la France ?
Le plus dur pour ces anciens enfants d’expat n’était pas tant l’arrivée dans un nouveau pays que le départ d’une destination dans laquelle ils se sentaient bien. Pas facile alors de construire des relations sur la durée ou même de garder contact avec ses amis du bout du monde. Alors qu’elle venait de passer un an au Caire, Bérangère, 14 ans à l’époque, explique : « lors de notre départ, mon cœur a été déchiré, j’ai très mal vécu ce départ. »
Le départ vers la France n’est pas plus simple. Les périodes d’expatriation s’enchaînant souvent avec des périodes dans l’Hexagone, ces enfants se sentent déconnectés de leurs camarades et même des adultes qui les encadrent. On peut ainsi lire sur le blog de Xavier (expatrié pendant 10 ans) : « Il était difficile pour moi de rentrer en France après avoir vécu 1 ou 2 ans à l’autre bout du monde alors que souvent, même les adultes autour de moi n’y avaient jamais mis les pieds. On est un peu coupé du monde. » Cécile confirme : « Quand nous sommes rentrés en France où j ai poursuivi mes études supérieures, tout était ok, mais j'ai noté que j étais un peu différente de mes cousines, amies qui ne connaissaient que leurs vacances à la mer (toujours la même et la maison des grands-parents) et ne parlaient aucune autre langue »
Enfants d’expats = futurs expats ?
La plupart des personnes interrogées ont enchainé les expatriations et ne sont finalement pas restées longtemps en France. Tout comme le Syndrome Erasmus qui pousse les étudiants à repartir à l’étranger à la fin de leurs études, il semblerait que les enfants d’expatriés suivent le même parcours que leurs parents. « L'expatriation m'a donné un goût prononcé pour le voyage, et le désir d'avoir un métier avec beaucoup de diversité et un contexte international. Je souhaite, comme mon père, aussi travailler en expatriation plus tard, de préférence en Asie Pacifique. » raconte Louis, actuellement à New York dans le cadre professionnel.
Cécile a également embarqué ses enfants dans une vie d’expatriés : « j’ai continué quelque part cette vie là car j’ai vécu dans 6 pays différents. (…) Mes enfants parlent français, italien, anglais et vont à l'école internationale. Pour leur âge (8 et 10), ils ont eux aussi déjà beaucoup bougé (4 pays), bref pour nous c'est devenu un mode de vie »
Ceux qui n’ont pas pu le faire, le vivent finalement mal et souffrent de ne pouvoir continuer cette belle aventure. « Je ne me sens pas chez moi, nulle part. Au bout de plusieurs mois d’installation, je suis obligée de bouger les meubles de place. », confie Bérengère. Elle ajoute : « Mon regret est de n’avoir pas continué à voyager. J’ai fondé une famille très tôt, et ça je ne le regrette pas, mais j’aurais du passer ma vie à l’étranger et non pas en France où des tas de choses me dérangent. »