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LES DAYAK DE KALIMANTAN - Le groupe Ngaju qui vit à Kalimantan-Centre

Ngaju kalimantanNgaju kalimantan
Groupe Ngaju@AnneMarieWirja
Écrit par Anne Marie Wirja
Publié le 15 février 2022, mis à jour le 9 mars 2022

Signifiant « en amont », Dayak est un terme générique regroupant les peuples de l'intérieur de Bornéo – côté indonésien ou malaysien – et les distinguant de la population côtière de l’île. Selon une estimation de 6.150.000 individus vivant à Kalimantan en 2020, 45% seraient d’origine dayak.

Les marqueurs identitaires étaient à l’origine :

  • un mode de subsistance : chasseurs-cueilleurs et culture sur brûlis,
  • une localisation spécifique : essentiellement le long des rivières,
  • un habitat sur pilotis, le plus souvent en "maisons longues",
  • des croyances animistes et devenues plutôt chrétiennes aujourd’hui,
  • pratiquant la « chasse aux têtes » et parlant de très nombreux dialectes de souche austronésienne,
  • ils se singularisent « des gens de l’aval », pêcheurs et cultivateurs, commerçants et musulmans.

Ces tendances sont à nuancer en fonction d’une centaine de sous-groupes où chacun développera une typologie particulière. Nous n’avons pas pour objectif ici une étude exhaustive... nous essaierons de nous attarder sur quelques groupes provinciaux de Kalimantan affichant une forte individualité, à savoir les Ngaju de Kalimantan-Centre, les Benua’q et Kenyak de Kalimantan-Est et les Taman de Kalimantan-Ouest.

 

Mode de vie Ngaju et strates sociales

Les villages sont étirés le long des rivières mais les maisons longues n’ont jamais été prépondérantes dans ce groupe car la famille est nucléaire, élargie aux familles des filles mariées.

La société traditionnelle était divisée en trois classes : les « utus gantong » vivaient en amont, personnes influentes et riches, statut inhérent à leur possession d’objets rituels, gongs et porcelaine ; les « demang » ou chefs étaient issus des précédents alors qu’en aval, les « utus rendah » étaient libres mais manquaient de biens de prestige. Les esclaves entraient en servitude pour payer une dette ou comme prisonniers de guerre, parfois désignés pour des sacrifices humains. Si l'esclavage a été aboli en 1892, le stigmate de l'ascendance demeure. Le droit coutumier assure le bon ordre social de la communauté.

 

Les Ngaju demeurent les plus animistes des Dayaks

Le Kaharingan, « élixir de vie », est une croyance traditionnelle regroupant 25-30% d’adeptes. Cependant, elle ne peut être reconnue comme religion, tout comme bien d’autres fois autochtones polythéistes, car l’idéologie nationale exige « la croyance en un Dieu unique ». Le Kaharingan chercha une « domiciliation » et n’eut pas d’autre choix que de se placer comme « une ramification » de l’hindouisme, l’une des six religions officielles en Indonésie. La lutte continue pour une reconnaissance à part entière, intrinsèque.

shamanisme kalimantan
Shamanisme@AnneMarieWirja

 

Parmi leur panthéon de divinités, les Ngaju adorent Mahatala Jata, un dieu androgyne. La partie mâle est Mahatala qui règne sur le monde supérieur, représenté comme un calao ; la partie femelle est Jata, qui gouverne le monde marin sous la forme d'un serpent d'eau. Mahatala Jata est servi par des « balian », femmes hiérodules et les « basir », chamans transgenres, métaphoriquement décrits comme « des serpents d'eau se transmutant en calaos ». Ils parlent un langage ésotérique, possédés par des esprits.

 

Parmi les rites de passage, la pratique des « doubles funérailles »

Les premières funérailles ont lieu juste après la mort, suivies du « tantulak » trois jours après. Le sang d’un porc sacrifié est mélangé à du riz et piétiné par la famille, du pied gauche vers le soleil couchant et pour enfoncer le mal, du pied droit vers le soleil levant pour accueillir les ondes positives. La dépouille est temporairement inhumée alors que des danseurs masqués protègent le défunt contre les mauvais génies et que les prêtres chantent afin d’envoyer l'âme au ciel. Suite à son voyage en bateau, elle atteindra les strates les plus basses, jusqu’au moment où se tiendra le deuxième rituel, le plus important.

Tiwah@AnneMarieWirja
Riwah@AnneMarieWirja

 

Il se déroulera plusieurs mois ou même années après l'enterrement physique. Il se nomme « tiwah », événement long et complexe. Son coût varie entre 6.000 et 12.000 $ que plusieurs familles peuvent partager : les âmes monteront ainsi ensemble vers le Lewu Tatau, les cieux les plus hauts. Là, elles rencontreront le dieu suprême Ranying afin d’éloigner à jamais souffrance et fatigue. Ce sont les deuxièmes funérailles qui transforment le défunt en ancêtre, pour le commuter en une entité bienfaisante pour les vivants. C’est à cette occasion qu’autrefois on coupait les têtes pour que le mort soit servi par la victime. On y mit un point final en 1894 par un accord entre les clans.

 

sandung et Sapundu kalimantan
Sandung et sapundu@AnneMarie Wirja

 

Lors de ce cérémoniel, les os sont exhumés avant d’être placés dans un ossuaire spécial individualisé appelé « sandung » alors que le « pambak » est souvent le réceptacle de toute une famille. Cet art funéraire ne se trouve qu’à Kalimantan-Centre. Les « sandung » sont des maisonnettes de 2 m de haut, où les sculptures illustrent le dualisme cosmique calao / naga mais où se trouve retracée aussi la vie du défunt, ses actes de bravoure, ses petits vices et menus plaisirs.

Alors que les gongs et tambours résonnent, chants et formules propitiatoires sont entonnés par l'Upo et repris par l’assemblée. Ainsi l'âme est-elle éveillée, invitée à se vêtir convenablement pour recevoir diverses gourmandises. Prête à changer de statut, elle reçoit un nouveau nom et son voyage se poursuivra jusqu'au Lewu Tatau.

La cérémonie atteint son point culminant lors du sacrifice d'un buffle à coups de lance, par plusieurs personnes, à tour de rôle. L'animal est attaché à un poteau appelé « sapundu » qui est interprété comme une échelle vers le ciel, placée sur le côté du « sandung ». Là, les sculpteurs ont laissé libre cours à leur imagination : démons arborant crocs terrifiants et langue saillante, longs nez mais aussi images touchantes de mère avec leurs enfants, de paysans piqués par des serpents, de héros de l’indépendance, de chasseurs émérites ... un portrait du mort, véridique ou enjolivé.

Les « pantar » ressemblent aux « sapundu » mais ils sont décrits comme des « voies express vers le ciel », culminant parfois à 10 mètres, couronnés par le calao pour honorer la vie (et la mort) d'un membre particulièrement notable de la communauté. La direction du calao montre la direction où se tint le « ngayau », là où eut lieu la coupe de tête, indispensable pour pouvoir ériger un « pantar ». Cela n’a donc plus cours aujourd’hui.

Une autre pièce d'art funéraire est le « sengkaran / sanggaran », un poteau de 3 à 6 mètres de haut transperçant une jarre souvent d’origine chinoise. Au sommet se trouve un calao survolant une forêt de lances plantées dans le dos d'un naga, allusion au monde inférieur. Ainsi se trouve représenté le concept divin sous tous ses aspects.

 

Anne-Marie propose un voyage à Kalimantan à la découverte de ces tribus via le voyagiste Clio. Plus d'infos cliquez ici.

 

Rendez-vous bientôt à Kalimantan-Est (2/4) parmi les Dayak Benua’q.

 

 

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