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Edmond Dounias – Éco-anthropologue et le peuple Punan de Bornéo

Edmond Dounias est le représentant de l’Institut de Recherche et Développement pour l’Indonésie et pour le Timor Leste. Une quarantaine de chercheurs sont venus travailler en Indonésie en 2017. Une équipe de quatre chercheurs permanents l’assiste dans son travail de recherche et de soutien aux missions scientifiques. Edmond Dounias se définit avant tout comme un éco-anthropologue, il est intarissable lorsqu’il nous parle de son métier et de ses travaux à Bornéo avec le peuple Punan. 

IRD Indonesie expéditionIRD Indonesie expédition
Edmond Dounias
Écrit par Valérie Pivon
Publié le 29 avril 2019, mis à jour le 24 mai 2024

L’organisation des expéditions vers la forêt Punan :

Edmond s’intéresse au début des années 2000 à Bornéo et au peuple Punan qui vit dans les régions montagneuses de l’île le long de la rivière Tubu. Le gouvernement a proposé à cette communauté de venir s’installer en ville à Malinau. Une partie des Punan a accepté, les autres sont restés dans leurs villages, un beau sujet d’étude pour un éco-anthropologue !

Les premiers périples ne sont pas simples pour se rendre dans cette région : depuis Jakarta, pas encore de vol direct jusqu'à Tarakan, encore moins de speed-boat régulier pour se rendre à l’intérieur des terres dans la petite ville de Malinau. Ensuite, la remontée de la rivière Tubu ressemble aux aventures d’Indiana Jones. Il faut trouver une équipe, la bonne pirogue en fonction du tirant d’eau, de nombreux rapides à passer, il faut souvent décharger et recharger la pirogue pour traverser les obstacles. Le trajet peut varier entre 3 à 6 jours pour atteindre les populations. Les missions peuvent durer plusieurs semaines voire plusieurs mois.

Aujourd’hui, les équipes sont organisées, on peut se rendre à Malinau en une journée et les nouvelles technologies comme le GPS facilite la logistique. À la question qui est de savoir ce qui est le plus dangereux dans ces forêts, Edmond répond sans hésiter les sangsues ! La meilleure solution : porter des shorts et tee-shirts et se surveiller les uns les autres, car une morsure de sangsue peut entrainer de graves problèmes de santé.

Edmonddounias/Ird/Borneo

 

Les Punan des forêts et des villes :

Edmond divise les Punan en deux catégories : les Punan de la forêt et les Punan des villes. Dans les années 1970, le gouvernement décide de donner des terres aux Punan afin qu’ils s’installent à Malinau, petite ville de 3000 habitants. En l’espace de 6 ans, la population s’est multipliée par 4, la pression immobilière est forte. Quant à la forêt des Punan, elle diminue pour laisser place au commerce du bois comme celui du bois d’aigle, le gaharu en indonésien qui est un bois reconnu pour ses qualités aromatiques, ou le damer qui produit une résine utilisée dans l’industrie de la laque et du vernis (intervient aussi dans la confection des batiks et des kreteks). La collecte de nids d’hirondelles rapporte beaucoup et les plantations de palmiers à huile se développent aussi.

Dans l’organisation sociale des Punan il n’y a pas de chef, les décisions sont collégiales. Il est alors facile pour les entreprises de venir négocier avec ces populations. Même si certains ont construit des routes et des écoles, bien souvent elles ne sont entretenues que le temps de l’exploitation des richesses…

La jeune génération des Punan malgré leur désir de porter des jeans et de boire des sodas est fière de sa culture et ne souhaite pas forcément vivre en ville. Ils voyagent régulièrement entre la ville et la forêt et trouvent ainsi un équilibre. La population Punan des forêts est estimée à 700 habitants, elle vit soit dans des villages sédentarisés le long de la rivière ou est encore nomade et se déplace en fonction des ressources nutritionnelles qu’elle trouve.

Pour les Punan des villes estimée à 800 personnes, la situation n’est pas facile car outre la pression immobilière, ils ont dû s’adapter au programme de transmigration organisé par le gouvernement indonésien dans les années 80 pour faire face au surpeuplement des îles comme Java ou Bali. Des terres ont été données aux paysans Javanais, Balinais et Bugis afin qu’ils viennent s’y installer. Celles des Punan ont été repoussées au-delà des limites de la ville, ils doivent aujourd’hui parcourir de nombreux kilomètres pour les cultiver. 

Étudier les populations pour mieux les protéger ou les fragiliser ?

La ligne est sensible, de l’étude de ces populations on retient leur adaptation aux changements environnementaux. Les données recueillies permettent aux responsables du GIEC - Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat- d’améliorer les modèles et de mieux comprendre les enjeux de demain. Pour ces populations dont seulement 2% dépassent l’âge de 65 ans et où les femmes ont en moyenne 8,6 enfants avec un taux de mortalité infantile qui varie de 7 % à 36 % (il est de 2,7 en Indonésie et 0,4 en France), l’arrivée des médecins peut paraître une solution. Mais l’expérience montre qu’en améliorant simplement les conditions d’hygiène, le taux de mortalité infantile baisse, les femmes se retrouvent alors avec plus d’enfants, l’équilibre des villages n’est plus. Tout demande à être remis en question, alors un pas en avant et peut-être deux pas en arrière…

Edmond n’a pas revu les Punan depuis 5 ans, il prépare une mission et ira les retrouver en septembre. Quels changements découvrira-t-il ? 

Deux cartes pour comprendre :

carteborneo
@gaveauetal2014@ird

 

Crédits photos: Edmond Dounias, IRD.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Valerie Pivon
Publié le 29 avril 2019, mis à jour le 24 mai 2024

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