L’Agence française de développement (AFD) est l’établissement public qui met en œuvre la politique de la France en matière de développement et de solidarité internationale. Créée en 1941, elle est présente aujourd’hui dans 115 pays et, depuis 2008, en Indonésie. Emmanuel Baudran, directeur de l’agence indonésienne, nous explique le rôle et le fonctionnement de l’AFD. Le projet de redémarrage de la pêche artisanale à Palu en Sulawesi est un exemple concret d’une réalisation sur le terrain.
Lepetitjournal.com/jakarta: Pouvez-nous expliquer le rôle de L’AFD, son fonctionnement et son financement ?
Emmanuel Baudran : L’AFD finance les projets de développement de la France dans les pays du sud et les pays émergents, soit plus d’une centaine désormais, depuis plus de 75 ans. Nous sommes la plus vieille banque de développement au monde ! Notre métier est de financer les investissements publics ou privés en faveur de l’éducation, de la santé, de l’agriculture, de l’énergie, du développement urbain et bien d’autres secteurs encore, à partir du moment où ils contribuent au développement socio-économique des pays partenaires et à la mise en œuvre des engagements qu’ils ont pris dans l’Accord de Paris sur le changement climatique. Ces financements représentent une part importante de l'aide publique française ; l'État s'est donné pour objectif à l'horizon 2022 que 0.55% du résultat national brut soit assigné à l'aide au développement. Des subventions aux prêts en passant par les lignes de crédit bancaires ou les garanties, nous mobilisons la diversité des outils financiers d’une banque de développement, en fonction des situations des pays et des priorités du gouvernement français. Chaque dossier fait l’objet d’études approfondies avant d’être financé par l’AFD.
En 2018, l’AFD a financé 11,4 milliards d’euros de projets dans le monde, essentiellement sous forme de prêts aux Etats et à leurs acteurs publics mais aussi sous forme de subventions, dédiées en particulier à l’Afrique et aux pays en crise.
L’AFD est présente en Indonésie depuis 2008, quels sont les projets réalisés et en cours ?
Suite à l’aide apportée à l’archipel après le tsunami de 2004 à Aceh, l’AFD s’est définitivement installée en Indonésie en 2008. Elle a depuis mobilisé plus de 2,2 milliards d’euros de financement dans le pays, à 99% sous forme de prêts, qui contribuent à faire de la France le deuxième partenaire financier bilatéral du pays après le Japon. Les prêts que nous accordons au gouvernement indonésien sont en lien avec des secteurs d’activité qui améliorent concrètement la vie des populations indonésiennes et qui contribuent en même temps à l’objectif global de lutte contre le changement climatique. Nous cherchons également à renforcer les échanges d’expertise entre nos deux pays. Par exemple, lorsque nous finançons le développement des infrastructures portuaires, nous mobilisons une subvention pour que les responsables et les experts du Grand port maritime du Havre viennent former et échanger avec les cadres des autorités portuaires indonésiens. Dans le domaine marin, qui sera notre « majeure » de ces prochaines années, nous avons financé les bâtiments et les équipements du Centre de Denpasar, qui permet d’utiliser l’imagerie satellitaire pour la gestion durable des pêches, et nous préparons un financement en faveur de l’amélioration de la météorologie marine avec le BMKG. D’autres projets d’investissement ont été financés, comme l’extension d’une centrale à gaz à cycle combiné, la construction de centrales hydroélectriques, la production d’eau potable grâce notamment à notre partenariat avec PT SMI, la future banque de développement de l’Indonésie.... Nous travaillons aussi sur la réforme de la fiscalité et l’informatisation du budget de l’Etat.
Vous venez de signer une convention de financement avec l’association « CCFD - Terre solidaire » qui porte sur une contribution d’un million d’euros pour venir en aide aux populations des villes côtières de Palu en Sulawesi. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Suite au tsunami de septembre de 2018, la France a immédiatement réagi pour venir en aide aux populations sinistrées de la zone de Palu en Sulawesi. En faisant parvenir des tentes, des vivres, deux unités de traitement de l’eau et en mobilisant une quarantaine de personnes de la sécurité civile, elle a été une des premières sur place. Il est maintenant important de reconstruire et faire redémarrer l’activité économique locale. Le souhait de notre Ambassadeur et la mobilisation de l’ONG CCFD-Terre solidaire ont été déterminants pour identifier un appui concret permettant ce redémarrage. Nous avons donc décidé, après une étude des besoins, d’attribuer une subvention de 1 million d’euros pour aider les communautés locales à reprendre leur activité. Les villageois rescapés sont tous principalement des pécheurs qui ont perdu leurs moyens de pêche. Plus de 7.000 bateaux ont disparu ou ont été détruits. “La mer est notre vie, la pirogue notre maison” nous ont dit les populations de Palu. En partenariat avec l’ONG française Terre Solidaire et KIARA (ONG indonésienne) qui travaillent ensemble à Palu, nous allons donc permettre de construire et de distribuer 650 pirogues et de replanter 100.000 arbres dans les mangroves. Les pirogues seront faites localement par les artisans de la région avec du bois issu d‘arbres à croissance rapide. Elles seront toutes équipées de petits moteurs permettant de sortir de la baie de Palu. L’idée est également d’aider à une meilleure commercialisation des produits de la pêche. Des formations aux réactions de survie face à un tsunami vont être mises en place. Concernant la mangrove, nous allons planter 6 hectares dès septembre. Le but est d’améliorer bien sûr la protection côtière, mais aussi que la biodiversité reprenne sa place car les mangroves sont des nurseries naturelles pour les poissons. Les racines et les sols de la mangrove permettent aussi de stocker entre quatre et cinq fois plus de carbone que les forêts, ce qui est loin d’être négligeable pour la planète et l’engagement de l’Indonésie à l’Accord de Paris. Ce projet va s’étaler sur deux ans et toucher huit villages, soit 10% de la population affectée par les tsunamis. Le gouvernement local, les institutions financières, les institutions indonésiennes ou internationales pourraient s’inspirer du projet et étendre son action.
crédits photos: AFD