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Éclairage sur les relations économiques franco-indonésiennes

J.A Egea ambassade France Jakarta relations économiques France IndonésieJ.A Egea ambassade France Jakarta relations économiques France Indonésie
Écrit par Valérie Pivon
Publié le 30 octobre 2018, mis à jour le 5 novembre 2018

La réunion annuelle du Fonds Monétaire International à Bali est pour Lepetitjournal.com une occasion de rencontrer Jean-Alexandre Egea, chef du service économique de l’ambassade de France en Indonésie depuis un an. Nous avons échangé autour du rôle de ses services, de l’économie indonésienne, des relations franco-indonésiennes ainsi qu’un bilan sur la réunion du FMI et de la Banque mondiale qui s’est tenue à Bali en octobre.

 

Pouvez-vous nous résumer en quelques lignes le rôle du service économique de l’ambassade?

Notre mission, au sein de l’ambassade, consiste à contribuer au développement des relations économiques et commerciales entre la France et l’Indonésie en s’appuyant sur plusieurs organismes.

À travers Business France, nous proposons de nombreux services aux entreprises françaises : des études de marchés, des missions de prospection ou l’organisation de séminaires. Nous avons par exemple en octobre un séminaire autour des chantiers navals, et nous organiserons en novembre un autre sur les partenariats public-privé dans les infrastructures (15 novembre) puis sur les énergies renouvelables (22 novembre). L’Indonésie a de gros projets dans ces domaines et nos entreprises ont une expertise à faire valoir. Les énergies renouvelables sont au centre de notre attention, un club regroupant les sociétés du secteur, appelé FREGI, se retrouve régulièrement pour faire le point sur les avancées et conduire des actions de promotion. Pour rappel, l’Indonésie souhaite qu’à l’horizon 2025, 23% de sa production électrique soit d’origine renouvelable.

L’Agence Française de Développement est également un des acteurs importants de l’action économique de la France en Indonésie. Elle est très présente en Indonésie et contribue au développement du pays grâce à de nombreux financements, pour l’essentiel sous forme de prêts à l’Etat indonésien.

Le service économique est donc là pour coordonner les différents acteurs, suivre l’évolution économique du pays, animer la communauté d’affaires et entretenir le dialogue avec les autorités indonésiennes sur des sujets aussi variés que les projets des entreprises françaises, le climat des affaires, l’accès aux marchés pour nos exportateurs et sur les grandes questions financières internationales (lutte contre le financement du terrorisme, contre l’évasion fiscale, taxation du numérique…)

 

Un accord dit de “nouvelle génération” de libre-échange entre l’Europe et l’Indonésie est à l’étude, à quel horizon ?

Cet accord est négocié par la Commission européenne dans le cadre d’un mandat qui lui a été confié par les Etats membres. La France, notamment via le service économique, est informée régulièrement de l’évolution des négociations. Notre travail est de nous assurer que nos intérêts économiques soient bien pris en compte.  L’UE a déjà signé de tels accords avec Singapour et le Vietnam. Pour l’Indonésie, il n’y a pas encore de date en vue pour sa finalisation. Le 6ème round de négociations a eu lieu mi-octobre à Palembang. Cet accord est dit de nouvelle-génération car il ne concerne pas uniquement la libéralisation des échanges de biens et de services, mais inclut des sujets tels que la protection de l’investissement, le développement durable, la propriété intellectuelle, les règles sanitaires et phytosanitaires, les marchés publics…. il reste de nombreux points et freins à lever mais les discussions progressent. Cet accord devrait permettre d’augmenter nos échanges commerciaux et nos investissements en réduisant les barrières tarifaires et non-tarifaires en créant un cadre légal et réglementaire plus favorable au développement des relations économiques. 

 

Quels sont les freins à cet accord?

Il y a beaucoup de sujets à régler mais l’huile de palme dont l’Indonésie est le premier producteur est le principal point de tension entre les deux parties. En Europe, l’huile de palme a mauvaise presse et on a un peu tendance à confondre le sujet de sa production avec celui de la déforestation. Pourtant, il existe une huile de palme produite de façon durable et une autre ne respectant pas les règles environnementales. Il est illusoire, face aux besoins mondiaux de vouloir supprimer la production l’huile de palme. Pour l’archipel, cette activité représente 17 millions d’emplois et 15 milliards de dollars d’exportations. C’est le 2eme poste d’exportation du pays. L’huile de palme a contribué à la réduction de la pauvreté, la moitié des exploitations étant gérée pas des paysans qui possèdent moins de 10 hectares. Dans le même temps, les dégâts en terme de déforestation sont indéniables. Par conséquent, il faut encourager la durabilité de la filière, améliorer les systèmes de certification et la traçabilité afin de s’assurer que l’huile importée n’a pas induit de déforestation. C’est tout l’enjeu des discussions en cours entre l’Indonésie et l’Union européenne. L’Indonésie a déjà fait des efforts dans ce sens, le président Joko Widodo vient de signer un moratoire de 3 ans interdisant toute nouvelle plantation de palmiers à huile, un acte fort.

L’Indonésie reste méconnue en Europe mais son potentiel est énorme, à l’horizon 2030 elle fera partie des dix économies mondiales les plus importantes. Sa classe moyenne qui augmente de 2,5 millions de personnes par an atteindra 130 millions de personnes en 2035. C’est notre rôle de combler ce déficit d’image dû à une méconnaissance mais aussi à l’éloignement.

 

Comment analysez-vous la situation économique de l’Indonésie?

C’est une réussite. En 20 ans, le pays a multiplié par 3 son PIB par habitant, sa pauvreté a été divisée par 2. Le pays est peu endetté, son déficit public est faible tout comme son inflation. Cela, combiné à une stabilité politique et une forte démographie qui dope les marchés. C’est certain le boum économique de la Chine a bénéficié à l’Indonésie. Ses matières premières ont trouvé ainsi un débouché important. Le pays entre effectivement dans une phase de changement, les tensions commerciales Etats-Unis/Chine et la nouvelle politique monétaire de la FED entrainent une hausse des taux d'intérêt. La facture pétrolière est désormais plus élevée, la balance commerciale a affiché sur les 9 premiers mois de l’année un déficit de 4 milliards de dollars par rapport à un excédent de 12 Mds sur la même période en 2017. Les capitaux étrangers investis à court terme repartent vers les Etats-Unis. Mais la situation n’a rien à voir avec la crise de 1997-98, le pays est plus solide, il possède des réserves de change importantes et le gouvernement a su prendre des mesures pour réduire la volatilité des cours. Les taux d’intérêt ont été relevés par 5 fois depuis le début de l’année. D’autres pays qui n’ont pas su prendre ce type de mesures à temps ont vu leur monnaie décrocher. Certes le déficit d’infrastructures pèse sur le pays, mais chaque année le gouvernement investit 30 milliards de dollars. Le faible niveau de la collecte de l’impôt reste un point noir limitant les investissements publics. Les exportations ont progressé de 16.9% entre 2016 et 2017 mais restent très peu diversifiées : hydrocarbures, charbon, produits miniers, caoutchouc, huile de palme sont les principaux produits exportés. La diversification de l’appareil productif est un des principaux défis que doit relever l’Indonésie, et pour cela elle aura besoin de davantage d’investissements étrangers.

Pour résumer, je dirais que le pays, à l’instar d’autres émergents, traverse une zone de turbulence mais nous sommes confiants sur sa capacité à la surmonter. Le potentiel de croissance économique reste élevé ainsi que les opportunités pour les entreprises françaises.

 

La réunion annuelle du Fonds Monétaire International et de la Banque mondiale s’est tenue à Bali, que doit-on en retenir?

Lors de la crise monétaire de 1997-98, le FMI n’avait pas été tendre avec l’Indonésie. Vingt ans après, organiser une telle réunion mondiale à Bali est une preuve de reconnaissance du travail réalisé par le pays. Une façon de le mettre en avant sur la scène mondiale. L’événement fut par ailleurs très bien organisé.

La France était représentée par la Directrice Générale du Trésor Mme Odile Renaud-Basso. Étaient également présents le gouverneur de la Banque de France et le directeur général de l’Agence Française de Développement. Les ministres du G20 se sont rencontrés pour échanger sur la situation économique et tracer les grandes lignes directrices. Tout en rappelant que la croissance restait solide, le FMI a revu à la baisse sa prévision pour la croissance mondiale et a pointé les risques qui pèsent sur l’économie mondiale, notamment les conséquences des tensions Etats-Unis/Chine ainsi que les risques pesant sur les pays émergents liés à l’endettement et à la normalisation de la politique monétaire américaine. Les pays se sont engagés à ne pas pratiquer de dévaluation compétitive et ont convenu d’améliorer le fonctionnement de l’Organisation Mondiale du Commerce. Les réunions de la Banque mondiale ont en particulier porté sur le rapport 2019 sur le développement mondial, dédié aux mutations du monde du travail, en soulignant la nécessité d’investir davantage dans le capital humain.

La Banque mondiale a également lancé son « indice de capital humain », un classement des pays selon le niveau d’éducation et de santé reçu par leur population, pour leur permettre d’atteindre leur croissance potentielle. La directrice générale du Trésor a participé à un déjeuner sur la finance-climat, en présence du secrétaire général des Nations Unies et du président de la Banque mondiale, pour faire le point sur la mobilisation des responsables économiques et financiers en faveur de la lutte contre le changement climatique, à quelques mois de la COP 24. Enfin en marge de ces réunions ; le directeur général de l’AFD a signé plusieurs accords de financement avec le Ministère des finances indonésien.

 

Valerie Pivon
Publié le 30 octobre 2018, mis à jour le 5 novembre 2018