A l’occasion des 15 ans du Musée Pasifika de Bali, nous sommes allés à la rencontre de Philippe Augier, son fondateur.
« Avec ma partenaire, peintre amateur, nous avons commencé à nous intéresser à l’art en Indonésie au début des années 2000, faisant de nombreuses rencontres avec des peintres indonésiens et internationaux installés en Indonésie. » Arie Smit sera le premier peintre dans lequel ils investissent. C’est ainsi que tout a commencé, au gré de ces échanges.
Philippe Augier arrive en Indonésie en 1983 pour un grand groupe international, et après être devenu le leader sur son marché, il se tourne vers l’entreprenariat avec des activités sur Jakarta et Bali. En 2000, il crée le premier hôtel écosensible d’Ubud, puis le Musée Pasifika en 2006. Conseiller du commerce extérieur depuis une vingtaine d’années, il est également vice-président de l’association des musées de Bali jusqu’en 2018 et président de la Chambre de Commerce Franco-Indonésienne depuis 2014.
La naissance du musée
Lorsque Philippe Augier se sépare de ses activités professionnelles, une question se pose : « que faire ? Un autre hôtel ? Se relancer dans un autre secteur d’activité ? Tournant à 180 degrés : pourquoi pas un musée ? »
Nous sommes en 2004.
Après avoir exploré plusieurs pistes sur le plan de la thématique, il revient invariablement à Bali, plaçant l’ile au centre de la région Asie-Pacifique. « Pour la première fois, un musée va se consacrer entièrement à cette région et sortir des frontières de Bali ».
Une rencontre avec Michoutouchkine et Pilioko, deux artistes du Pacifique, le confortera dans son projet. Ils lui apportent leur aide ainsi qu’une partie de la collection d’art Premier sur l’Océanie.
« La mission du musée est de replacer Bali et l’Indonésie au centre de l’Asie Pacifique, de faire le lien entre les Arts Premiers et les Beaux-Arts, entre les iles de Tahiti et Bali ».
La construction de Pasifika sera confiée à l’architecte balinais Popo Danes, déjà concepteur du Natura, en 2005 et elle durera moins d’un an, pour réaliser un bâtiment de 8000 m2 sur 12 500 m2 de terrain dans le complexe touristique de Nusa Dua.
Une triple vocation pour ” PASIFIKA“ :
Culturelle. Elle permet au visiteur d’élargir son champ de vision et de déborder du cadre strictement balinais et indonésien.
Touristique. Faire de Pasifika une attraction touristique de qualité et de classe internationale.
Éducative. Pasifika convie élèves et étudiants afin de leur faire connaitre la richesse de l’Indonésie et de Bali. Pas moins de 50.000 enfants de plus de 700 écoles ont visité le musée, entre 2009 et 2020.
Une scénographie pour mettre en avant la collection
En couvrant une zone aussi large qu’est l’Asie-Pacifique, le visiteur risque de s’y perdre, mais à aucun moment cela ne peut être le cas.
Le musée se présente en trois parties :
Une première aile couvre l’Indonésie. Artistes indonésiens et étrangers ayant représenté l’Indonésie se côtoient sur 5 salles.
Un pavillon central permet d’accueillir des expositions temporaires.
Une deuxième aile couvre l’Asie-Pacifique avec l’Indochine, l’Asie du Sud-Est, les arts premiers d’Océanie, la Polynésie et les grandes œuvres sur la Chine, le Japon et l’Inde.
Une salle complète est dédiée aux arts premiers d’Océanie. Quelques 400 sculptures et tapas (tissus obtenus à partir d’écorce) ont été arrangés de manière aléatoire par les artistes Michoutouchkine et Pilioco. Le visiteur, surpris par le côté anarchique de la présentation, déambule entre ces œuvres.
Humblement, Philippe Augier est fier de nous confier : « sur la partie Océanie, le musée possède le même nombre de pièces en quantité, peut-être pas en qualité, que le musée du Quai Branly, ouvert lui aussi en 2006 ».
Le visiteur peut admirer dans la dernière salle deux papiers peints panoramiques, tous deux commandés par Napoléon 1er. L’un, complet, de l’Hindustan, datant de 1807, édité par la Manufacture Zuber. Le second intitulé « les sauvages de la mer du Pacifique » produit par la Manufacture Dufour en 1806. Napoléon sera le premier à conceptualiser le voyage dans le Pacifique d’après les 3 grands explorateurs : Bougainville, James Cook et Le Comte de La Pérouse.
« Pasifika possède plusieurs livres originaux de cette période dont l’atlas du voyage du Comte de La Pérouse, les voyages du Capitaine Cook en 7 volumes ainsi que sa cartographie. »
Une passion pour deux artistes
S’il y a deux artistes qui touchent particulièrement Philippe Augier, ce sont le mexicain Miguel Covarrubias et le belge Adrien-Jean Le Mayeur.
Miguel Covarrubias, initiateur de la Balimania à New York dans les années 40 par la réalisation de 6 grandes fresques, à l’occasion de la première exposition sur le Pacifique à San Francisco et de ces nombreuses œuvres publiées dans les magazines. « Ses peintures sont le reflet de la culture indigène et coloniale du Pacifique, à l’image de ses aquarelles illustrant le livre Typee, d’Herman Melville ». Il a aussi publié le premier livre sur la culture Balinaise « Island of Bali » en 1937, qui fait toujours référence et qui est illustré par ses peintures sur Bali.
Pasifika possède 4 de ses aquarelles du livre Typee, ainsi qu’une très belle collection de ses pièces balinaises, dont l’emblématique Rice Granary en deux versions.
Adrien-Jean Le Mayeur, autre référence artistique sur Bali en Asie du Sud-est. « Au même titre que Gauguin avait imaginé le paradis terrestre à Tahiti, Le Mayeur le réalise à Bali ». Peintre emblématique de la mise en valeur de Bali, de la référence à Gauguin et à Tahiti, et donc de la conceptualisation du Pacifique.
Deux pièces indonésiennes emblématiques du musée
L’une, commandée en 1952 par le roi du Karangasem, à l’occasion d’une cérémonie de meligia (cérémonie d’accompagnement de l’âme du défunt au ciel). Il s’agit d’un tableau monumental de 6m x 4m de l’artiste I Gusti Kobot et illustrant l’histoire du Ramayana. Le tableau sera sauvé par deux fois. La première, après avoir servi de bâche durant 3 ans pour la voiture du docteur Djelantik (petit fils du roi), lors de son séjour en Hollande. Une fois restauré sous le patronage du Président Sukarno, le tableau est coupé en deux afin de pouvoir rentrer dans la maison du docteur Djelantik à Denpasar, une moitié dans le séjour, l’autre dans la salle à manger. Confié par la famille, après son décès, le tableau sera restauré par le musée, sauvé pour la deuxième fois.
La chasse au tigre, 1845, peint par Raden Saleh, l’un des plus grands peintres javanais. Ami et suiveur de Horace Vernet et de Eugène Delacroix. Le tableau est présenté en parallèle de 2 estampes de tigres faites par Delacroix et une toile du Douanier Rousseau sur laquelle deux tigres attaquent un cheval blanc. Le tableau s’inscrit dans la thématique des peintres orientalistes dont se sont inspirés Raden Saleh et Le Douanier Rousseau.
Visiter Pasifika, célébrer son anniversaire, passer d’une salle à l’autre, comme si on partait en voyage. Une belle visite à ne pas manquer lors de votre prochain séjour à Bali.
Détails adresses et contacts :
Museum PASIFIKA
Nusa Dua Complex, block P, Bali
Téléphone : 0361 774935
Contact : info@museum-pasifika.com
Ouvert tous les jours de 10h à 18h