Jean Couteau journaliste et écrivain sera à Jakarta le 20 et 27 septembre pour présenter " Bali - 50 ans de changements", nous re-publions l'article que nous avions consacré à ce livre au moment de sa parution.
- 20 septembre 19h - conférence en anglais organisée par Indonesian Heritage Society à l'Institut Culturel Italien
- 27 septembre à 15h30 - conférence en indonésien organisée par l'Institut Français d'Indonésie
« Bali - 50 ans de changements » vient de paraître. Un ouvrage qui dépoussière les idées convenues. Ce livre est la retranscription d’échanges entre Jean Couteau, journaliste et écrivain installé en Indonésie depuis 50 ans, et Eric Buvelot, journaliste. Notre chroniqueuse Cécile a eu la primeur de pouvoir lire ces entretiens. Elle nous raconte.
Bali bénéficie d’un statut très particulier dans l’imaginaire touristique, aujourd’hui comme hier ; grand nombre d’expatriés de longue date ou de touristes éphémères demeurent à la recherche de ce paradis révélé au grand jour par les Walter Spies et autres Colin McPhee des années 1920. Mais ne leur en déplaise, mondialisation et modernisation ont profondément changé Bali. Pour nous aider à comprendre ces transformations profondes, Jean Couteau, journaliste, écrivain, traducteur et chroniqueur extraordinaire, nous livre ici ses réflexions sur le chemin que Bali a parcouru au cours des 50 dernières années.
Arrivé dans les années 70, justement lorsque cette île entamait sa métamorphose à travers l’essor du tourisme et le développement économique de l’Indonésie, il a pu remarquer comment la structure de la société, les pratiques religieuses, l’économie, l’occupation des sols ont évolué au fil des ans. Expert, à son corps défendant tout d’abord, peu à peu « L’Indonésien devint [son] langage, l’Indonésie, un lieu et une référence indestructibles de [son] identité ».
Une vingtaine d'heures d'entretiens sur Bali
Eric Buvelot, certain qu’il avait devant lui un observateur précieux, à la fois partie prenante mais analysant toujours d’un regard extérieur, s’est entretenu avec lui pendant une vingtaine d’heures, étalées sur plusieurs mois. On imaginerait presque les deux compères attablés depuis le début de l’après-midi, oublieux du temps qui passe, une main discrète allumant une lampe afin qu’ils continuent leur discussion tard la nuit.
Cet ouvrage est la retranscription de cette conversation qui n’est pas sans rappeler celle entre Mathieu Ricard, moine bouddhiste et traducteur du Dalaï-Lama avec son père, le philosophe et académicien Jean-François Revel, dans "Le Moine et le Philosophe", notamment lorsqu’ils abordent les questions de religion et de spiritualité. Mais heureusement, grâce au ton parlé, vif et enlevé, à leur humour aussi, ces conversations-ci sont nettement plus faciles à lire, plus ancrées dans la réalité.
A deux, ils jettent un pavé dans la mare, battant en brèche les idées reçues et les clichés sur l’île bénie des dieux. Le Bali d’hier, d’aujourd’hui et de demain est évoqué sans tabou ni pudeur, notamment lorsqu’ils parlent de corruption ou de sexualité. On revient d’ailleurs fréquemment dans le livre à ce dernier sujet, sans ambages ni état d’âme, avec un détachement proche de l’anthropologie.
Le vrai visage de Bali
J’ai mieux compris grâce à eux, entre autres, la pression de la communauté, du village, du clan, voire de la corporation de métier sur l’individu. Également le rôle joué par les castes dominantes sur le développement économique du sud de Bali et le contrôle des terres développées en hôtels de luxe. Ou comment l’hindouisme balinais, qui historiquement n’avait qu’un rapport assez distant avec l’Inde, est en train de « s’indianiser », s’éloignant par exemple du culte des ancêtres et se rapprochant vers une orthodoxie et un durcissement des pratiques religieuses. Les auteurs rappellent également que Bali fait bel et bien partie de l’Indonésie et ceux qui prêteraient aux Balinais des velléités d’autonomie, voire d’indépendance, auraient tort : le principe politique unificateur du Pancasila est cher dans leur cœur et leur fierté d’être un acteur prépondérant dans le schéma narratif de l’Indonésie moderne n’est pas prêt de s’éteindre.
Toujours avec leur franc-parler, ils présentent aussi une vision sévère des occidentaux vivant à Bali : les naïfs qui sont venus chercher le paradis et ceux qui y apportent leur enfer (entendons ici criminalité, pédophilie, trafic de drogues etc), voire les néo-colonisateurs. On parle aussi à plusieurs reprises du projet très controversé du polder de Benoa, un feuilleton qui n’en finit pas. On évoque aussi l’histoire, l’artisanat, les arts plastiques, la danse, l’économie et même les réseaux d’intérêts privés. Mais aussi de la présence grandissante de l’Islam avec sa migration économique depuis Java, l’accroissement des déséquilibres sociaux et économiques qui déstabilisent cette région. Et quel en est le résultat ? Un repli identitaire, une crispation des coutumes. Car c’est là qu’apparait le grand paradoxe : une affirmation croissante de la religion et des cultures traditionnelles en réaction avec leur affaiblissement dans la société d’aujourd’hui. Plus elles sont en perte de vitesse, car de moins en moins adaptées à un monde qui bouge, plus ces pratiques se figent (comme celle de Nyepi, le jour du silence, par exemple).
La lectrice presque cinquantenaire que je suis n’aura pas manqué de réagir à la petite pique misogyne page 347. Mais ne leur en tenons pas rigueur : Jean Couteau dénonce à plusieurs reprises la condition désastreuse de la femme à Bali encore aujourd’hui.
Bali - 50 ans de changements, à ne pas manquer
Qu’importe. Qu’il est bon de lire ces deux hommes qui remettent nos idées en place. Je conseille cet ouvrage à tous les rêveurs qui surfent encore sur la vague "Eat, Pray, Love" ou aux instagrammeurs et autres influenceurs. Mais aussi et surtout à tous les amoureux de Bali et de l’Indonésie : même ceux qui y vivent depuis des décennies y apprendront des détails qu’ils ignoraient. Tous bénéficieront du sage recul de Jean Couteau. Une traduction en anglais est en cours ; j’aimerais un jour voir ce livre traduit en indonésien.
Conférence IHS : 20/09
Adresse : Institut Culturel Italien - Jl HIS Cokroaminoto N 117 - Menteng - Jakarta
Pour acheter le livre
Bali – 50 ans de changements – Entretiens avec Jean Couteau -Par Eric Buvelo
En Indonésie : 415.000 Rp + frais de transport via JT express. Contacté via WhatsApp Thierry Vincent + 62 813 53235567
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Livre disponible à la vente au musée du Quai Branly Paris.