C’est la rentrée. À cette période de l’année, alors que certains d’entre vous doivent renouveler leur permis de séjour (ou de travail), d’autres tentent de comprendre le système pour obtenir le fameux "ikamet" (permis de séjour turc). Afin de traiter toutes les facettes et démarches de ce "parcours du combattant", plusieurs articles sur le sujet seront proposés dans les semaines qui viennent.
Ce premier article vise à donner un petit aperçu de la façon de "légaliser" son séjour en Turquie.
A l’instar de l’espace Schengen, tout étranger qui se trouve en Turquie peut y séjourner sur la base d’un visa touristique pendant 90 jours sur une période (glissante) de 180 jours. Passé ce délai, l’étranger qui souhaite rester en Turquie doit légaliser son séjour. Pour cela, il y a plusieurs possibilités.
Un étranger peut résider en Turquie, soit sur la base d’un permis de séjour, soit sur la base d’un permis de travail*. Ce dernier accorde le droit de résider mais aussi de travailler. C’est un permis "deux en un". Le permis de séjour, lui, se divise en sous-catégories.
En ce qui concerne le permis de séjour longue durée, ce dernier est rarement attribué, car il exige une résidence légale non interrompue d’au moins 8 ans en Turquie. Ainsi, le demandeur d’un permis de séjour de longue durée doit justifier qu’il a résidé en Turquie pendant une telle durée, et prouver qu’il a un revenu fixe mensuel (par exemple une pension).
Quant aux permis de séjour de courte durée, on en compte 6 principaux. C’est l’Office des Étrangers ("Göç Idaresi") qui traite les demandes.
Le permis de séjour de courte durée dit "touristique"
Les touristes qui souhaiteraient vivre en Turquie pendant plus de 90 jours doivent faire une demande de permis de séjour. Pour cela ils doivent :
- Justifier d’une résidence (un bail ou bien une lettre de prise en charge par un Turc, ou bien le document d’un hôtel) ;
- Prouver qu’ils ont les moyens financiers nécessaires en Turquie pour la durée du séjour (ouvrir un compte en banque et y mettre au moins 3.600 TL par personne, ce qui équivaut au salaire minimum brut (même si en pratique l’Office des Étrangers préfère que les demandeurs disposent de davantage) ;
- Posséder une assurance santé (prévue pour les étrangers - d’une valeur d’environ 200 TL par personne, sauf exception pour les personnes à risques / âgées. Attention les demandeurs de moins de 18 ans et plus de 65 ans n’ont plus besoin de police d’assurance ;
- Présenter 4 photos d’identité biométrique ;
- Payer les frais de permis de séjour. Ceux-ci s’élèvent à 1.200 TL environ par adulte (moins cher pour les enfants) ;
- Payer les frais de visa (c’est une nouveauté – lors de votre première demande – même si votre pays est exonéré d’un visa touristique, l’Office des Étrangers facture environ 800 TL par personne).
Attention, depuis 3 ans, les demandes de permis de séjour touristique ne sont "en principe" plus renouvelables après la 1ère année. L’étranger qui souhaiterait continuer à résider légalement en Turquie doit basculer sur un autre type de permis de séjour (v. infra).
Le permis de séjour de courte durée sur la base de la possession d’un bien immobilier
C’est le permis de séjour le plus "garanti". En effet tout étranger qui possède un bien immobilier ou bien une part dans la propriété d’un tel bien (maison, appartement) a droit à un permis de séjour de deux ans maximum (renouvelable).
Et contrairement aux autres types de permis de séjour, si tous les documents nécessaires sont soumis à l’Office des Étrangers, ce dernier ne peut pas refuser de délivrer un tel permis.
Permis de séjour de courte durée sur la base de soins de santé
Si un étranger peut prouver que dans son pays d’origine les hôpitaux ne peuvent pas répondre à son besoin en soins de santé, il peut obtenir un permis de séjour afin de se faire soigner et/ou opérer en Turquie.
En pratique, ce permis est principalement délivré à des citoyens de pays moyen-orientaux ou africains.
Le permis de séjour de courte durée sur la base du regroupement familial
Si vous avez un(e) conjoint(e) turc/que, vous avez droit d’office à un permis de séjour d’un an renouvelable (sans limite). Si votre conjoint de nationalité turque travaille légalement en Turquie, la durée de votre permis peut être de 3 ans maximum (renouvelable).
En Turquie, le conjoint étranger peut obtenir la nationalité turque après 3 ans de mariage non interrompu. Outre les conditions administratives (minimes), il est attendu du ressortissant étranger de connaître quelques notions de turc. En revanche il n’y a pas d’examen de langue turque (contrairement au processus en France).
En plus des conditions matérielles mentionnées pour le permis touristique (v. supra), pour le regroupement familial, le "garant" (conjoint de nationalité turque) doit présenter certains documents, comme une copie de carte d’identité, un acte de résidence, un livret de famille, un extrait d’acte civil (avec archive – en turc "Vukuatli Nüfus Kayit Belgesi") etc.
Le permis de séjour de courte durée sur la base des études
Tout mineur (primaire, secondaire, lycée) et tout adulte (licence, master, doctorat) qui poursuit des études en Turquie, peut obtenir un permis de séjour durant la durée de son cursus scolaire/académique. L’avantage de la demande de ce permis de séjour est que l’administration de l’institution éducative (école, université) effectue les demandes au nom de l’étudiant(e) étranger(ère). Néanmoins certains documents, comme le bail ou des documents bancaires, sont exigés.
La Turquie offre la possibilité d’obtenir un permis de séjour également pour les étrangers qui souhaiterait apprendre la langue turque au sein d’institutions agrées (ex : TÖMER). Dans ce cas il est possible d’obtenir un permis de séjour d’un an, renouvelable une seule fois. Néanmoins, il faut fournir une preuve d’inscription et de participation aux examens…
Le permis de séjour de courte durée sur base d’un droit humanitaire
Il peut arriver qu’un étranger ne remplisse pas les conditions précitées, ou bien qu’il ne puisse plus rentrer dans son pays d’origine, ni renouveler son passeport. Dans ce cas, l’Office des Étrangers a prévu un permis de séjour "exceptionnel" : un permis de séjour humanitaire.
A titre d’exemple, on peut penser à la situation d’une mère étrangère qui a un enfant avec un homme turc (couple non marié) et qui serait en situation irrégulière. On imagine que la mère ne peut pas abandonner son enfant (turc) seul et rentrer dans son pays d’origine, l’Office des Étrangers accordera ce permis de séjour "spécial", afin qu’elle régularise sa situation, avant de basculer sur un autre permis de séjour (prévu ci-dessus). Ce permis de séjour humanitaire est, en quelque sorte, un "joker".
Si ces informations ont pour but de vous familiariser avec les différents types de titres de séjour en Turquie, un prochain article traitera du permis de séjour touristique, et de la "saga" qu’il fait vivre à ses demandeurs…
Pour ces démarches, n’hésitez pas à vous informer auprès d’avocats compétents en droit du travail et droit des étrangers, et surtout, ne laissez pas ces tâches administratives (fastidieuses) pour la dernière minute, il faut anticiper afin d’être en règle…
Ihsan Osman Yarsuvat, Avocat au Barreau d’Istanbul
www.yarsuvatlegal.com / ioy@yarsuvatlegal.com
Osman vous propose une rubrique juridique régulière, grâce à laquelle vous pouvez trouver des réponses aux questions que vous vous posez sur vos droits en Turquie.
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(*) Un article sera consacré à part entière au permis de travail, qui s’obtient soit par une première demande depuis le Consulat de Turquie à l’étranger (visa de travail, puis demande auprès du ministère du Travail et de la Sécurité Sociale à Ankara), soit directement depuis la Turquie (dans ce cas, un permis de séjour valable au moins 6 mois est nécessaire).