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Les trésors du palais de Topkapı : splendeur et légendes du patrimoine ottoman

Symbole du faste ottoman, le palais de Topkapı abrite un trésor inestimable. Bijoux mythiques, objets d’art et récits fascinants : plongez dans l’histoire de ces joyaux exceptionnels.

Palais Topkapi Istanbul TurquiePalais Topkapi Istanbul Turquie
Écrit par Gisèle Durero-Köseoglu
Publié le 3 janvier 2025, mis à jour le 8 janvier 2025

Fabuleux joyaux d’Istanbul

C’est au palais de Topkapı, édifié par Mehmet le Conquérant en 1478, qu’a toujours été conservé, jusqu’à la fin de l’Empire, le trésor ottoman. Même si ce n’est qu’en 1924 qu’Atatürk décida de convertir le palais en musée, après que les sultans se soient installés à Dolmabahçe, quelques diplomates ou privilégiés eurent parfois l’occasion de visiter les salles du trésor. Ce fut le cas du poète Alphonse de Lamartine, qui décrit avec précision les bâtiments « où sont enfouies tant de richesses incalculables » mais précise qu’il n’a pas osé demander qu’on lui montre « les monceaux de perles et de diamants »…  

 

Emeraude trésor Palais Topkapi Istanbul
Une fameuse émeraude du trésor

 

Comment s’est constitué le trésor ? 

 

Au fil des siècles, il n’a cessé de s’agrandir par les cadeaux des souverains étrangers, les  tribus de guerre (le sultan en recevait en personne un cinquième) et aussi les pièces fabriquées par la multitude de bijoutiers et orfèvres travaillant au service du souverain. Il comportait  des bijoux et objets d’orfèvrerie mais aussi de précieuses faïences, des reliques saintes, des collections d’armes, des porcelaines de Chine, des miniatures, des vêtements impériaux, des sceaux,  des tapis, ainsi que 6000 manuscrits et des miniatures. Notons qu’à l’exception de boucles d’oreilles, on y trouve peu de bijoux de femmes, beaucoup ayant été transformés suivant les modes ou sortis du palais lors des mariages ; les pièces visibles actuellement sont plutôt celles qui appartenaient aux sultans et retombaient dans le trésor à leur mort.

 

Boucles d'oreilles Palais Topkapi Istanbul
Boucles d'oreilles

       

Quels sont les bijoux les plus extraordinaires du trésor de Topkapı ?

 

Le joyau le plus connu est le « diamant du marchand de cuillères », de 84 carats, dont l’existence a donné lieu à une foule de légendes. Entré dans le trésor au XVIIe siècle, il aurait été découvert dans une poubelle ou échangé contre trois cuillères, à moins que son surnom ne soit dû à sa forme. 

 

Diamant Palais Topkapi Istanbul
Le diamant du marchand de cuillères

 

On trouve ensuite une multitude d’aigrettes destinées aux turbans des sultans. Ce bijou, constitué de plumes et de pierreries, était avant tout une métaphore du pouvoir. On considérait aussi qu’il écartait le mauvais œil en attirant le regard sur les gemmes plutôt que sur le visage du souverain. Le plus célèbre est celui datant du XVIIIe siècle, orné d’une émeraude de 162 carats. Même après l’ordonnance de Mahmud II, en 1828, qui, pour européaniser le vêtement, imposa le costume et le fez rouge, le souverain continua à arborer une aigrette sur son couvre-chef dans les cérémonies.

 

Aigrette de turban Palais Topkapi Istanbul
Aigrette de turban

 

Et les objets les plus prestigieux ?

 

Certains sont mondialement connus, comme les trois trônes de cérémonie à la valeur inestimable :  le « trône d’Ismail », en émaux verts et rouges sur fond d’or enrichi de 25000 pierres précieuses, fabriqué en Inde mais rapporté d’Iran par le sultan Selim Ier, au XVIe siècle ; le trône de fête d’Ahmet Ier, réalisé au XVIIe siècle en écaille de tortue, nacre et ivoire enrichis de gemmes, dessiné pour le sultan par l’architecte de sa mosquée ; et le trône de Murat III, qui comporte des milliers de rubis et de péridots.

 

Trône du Chah Ismaïl Palais Topkapi Istanbul
Trône du Chah Ismaïl

 

Trône de cérémonie d'Ahmet 1er Palais Topkapi Istanbul
Trône de cérémonie d'Ahmet 1er

  

Trône d'or du 18e Palais Topkapi Istanbul
Trône d'or du 18e

 

Quant au poignard de Topkapı, considéré comme le plus précieux du monde et rendu célèbre par le film « Topkapı », de Jules Dassin,  en 1964, où l’on tente de le dérober, il avait été confectionné en 1741 par Mahmud II pour être envoyé en cadeau au Chah de Perse Nadir. Mais la nouvelle de la mort du Chah étant parvenue aux émissaires qui le transportaient, ils le ramenèrent à Istanbul. 

 

Le poignard de Topkapi
Le poignard de Topkapi

 

Le palais possède aussi une impressionnante collection d’objets d’or recouverts de gemmes : armures, casques, gourdes, tasses à cafés, chandeliers, berceaux, écritoires, couvertures de Coran, bagues d’archer pour le pouce, boîtes à tabac, harnachements de chevaux… Ils permettent d’étudier les caractéristiques de l’art ottoman, utilisant des motifs tirés de la nature. En effet, à la différence des Européens, ils taillaient peu les pierres et les gardaient proches de leur état d’origine, se contentant de les polir et de les insérer en relief dans des montures d’or reconstituant des motifs de fleurs. Ils utilisaient beaucoup les émeraudes d’Egypte et le cristal de roche d’Irak, qui faisaient alors partie de l’Empire, mais aussi les diamants d’Inde, le rubis de Ceylan, les turquoises d’Iran et les perles du Yémen. De plus, beaucoup de personnes croyaient aux vertus des pierres, par exemple, on disait que l’émeraude allongeait la vie et éloignait les serpents ou que la turquoise apportait de la joie.

 

Flacon cérémonie ottoman Palais Topkapi Istanbul
Flacon de cérémonie ottoman

 

Casque Palais Topkapi Istanbul
Casque

               

Les vicissitudes du trésor

Même si le trésor est immense, il est certain que certaines pièces ont disparu pour financer des campagnes militaires, offrir des cadeaux ou servir de gage à des emprunts. C’est le cas du casque-couronne à quatre étages du sultan Soliman, orné de cabochons, confectionné vers 1532 pour symboliser l’étendue des territoires de son empire et qui lui aurait valu chez les Européens le surnom de « Magnifique ». Représenté sur des gravures, évalué alors à cent mille ducats, il a disparu et on ignore ce qu’il est devenu. 

 

Casque-couronne de Soliman le Magnifique
Casque-couronne de Soliman le Magnifique

 

En outre, après la déposition d’Abdülhamid en 1909, 419 pièces de son trésor personnel furent vendues aux enchères à Paris, en  novembre 1911. 

 

Vente des bijoux d'Abdülhamid II
Vente des bijoux d'Abdülhamid II

    

Collier d'Abdülhamid vendu aux enchères à Paris
Collier d'Abdülhamid vendu aux enchères à Paris

 

Collier porté par sultane Saliha 1874
Le collier porté par la sultane Saliha en 1874

  

L’historien Murat Bardakçı raconte aussi qu’en 1927, la jeune république turque, manquant cruellement d’argent, envisagea de vendre contre de l’or certains bijoux et demanda au joaillier Rozanès, Rue de la Paix, de faire expertiser les joyaux que l’on avait mis à l’abri à Ankara dans des coffres.

 

Document publié par Murat Bardakçı
Document publié par Murat Bardakçı

 

Ce fut Robert Linzeler qui se déplaça et évalua l’ensemble, dont faisait partie une énorme émeraude brute de 3.26 kg, à trois cents millions de francs. Mais la France, ayant appris que les descendants du sultan envisageaient un procès pour s’opposer à la vente, préféra renoncer à l’achat. 

Le caractère extraordinaire du trésor de Topkapı est donc qu’en dépit des aléas de l’histoire, une partie importante a réussi à parvenir jusqu’à l’époque moderne. Heureusement, car avec les collections du palais de la Hofburg à Vienne et les joyaux de la couronne britannique, il figure parmi les plus prestigieux du monde…

 

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