Le kilim, appelé gelim en persan et kalymma en grec est un tapis tissé et non noué. Il voit le jour au Proche-Orient dans certaines provinces d’Iran telles les Kurdistan, Kerman, Lorestan, Fars, Sistan, Baloutchistan et Golestan ainsi que dans le Caucase et bien évidemment en Turquie.
Si nous prenions quelques minutes pour écouter son histoire…
On estime que son origine remonte à l’époque de la domestication du mouton soit environ 10 000 ans avant l’ère chrétienne. Majoritairement réalisés en laine, d’anciens kilims confectionnés en poil de chèvre peuvent encore se trouver sur certains stands.
Beaucoup plus ancien que le tapis noué dont le plus antique qui nous soit parvenu date du Vème siècle avant J.-C., le kilim servait de couverture, de porte ou de cloison dans les yourtes, de berceau pour les bébés et de protection du sol.
Chaque tribu et chaque village possèdent ses propres caractéristiques de couleurs et de décors. Les motifs constituent une forme d'écriture symbolique qui représente à la fois la mémoire et l'identité des peuples qui les ont tissés.
Du fait de ses origines lointaines et de la transmission orale du savoir, la signification des motifs a évolué différemment au cours des siècles, en fonction des contextes culturels, cultuels, historiques ou géographiques.
La majorité des symboles des kilims puisent leur origine dans les croyances, les coutumes et les superstitions préislamiques, assimilées ensuite par les religions monothéistes et en particulier l'Islam.
Aussi, bien au-delà de toutes ses qualités utilitaires, le kilim, confectionné en un unique exemplaire, est le reflet intime de celle qui l’a réalisé. Il nous dévoile ses états d’âme, ses aspirations et ses espérances profondes dissimulées discrètement et pudiquement sous les représentations graphiques et les couleurs associées.
À nous de décrypter les messages…
Mains sur les hanches
Ce motif représente une femme, parfois enceinte, appuyant ses mains sur les hanches. Présent dès les premières représentations artistiques humaines, il symbolise la maternité, la naissance et la fertilité féminine. On trouve ce motif décliné dans de nombreuses variantes plus ou moins stylisées.
Cornes de bélier
Les cornes de bélier symbolisent la virilité, la fertilité masculine, la force et l'héroïsme. Traditionnellement, le tissage est réalisé par les femmes. L'utilisation de ce motif a pour but de conférer à leur mari la force nécessaire pour affronter les épreuves de la vie.
Rubans dans les cheveux
Pour les femmes anatoliennes, la coiffure est un moyen d’exprimer les sentiments.
Les jeunes femmes nouvellement mariées tressent leurs cheveux et nouent au bout de chaque tresse des fils de différentes couleurs appelés "belik". Chez les femmes célibataires, le motif du serre-tête peut informer d’un désir de mariage.
Coffre de mariage
Ce motif symbolise le coffre contenant le trousseau de la jeune fille. Bien avant le mariage, chacune constitue son trousseau et brode diverses étoffes qui serviront à la décoration de la maison. Très souvent, les broderies reflètent les attentes et les espoirs de la jeune fille.
Eau courante
Il n’est pas nécessaire de rappeler l’importance de l’eau pour comprendre pourquoi ce thème a été, de tout temps, l’un des plus fréquemment utilisés.
Etoile
Le motif étoilé sur un tissage anatolien signifie généralement l’aspiration au bonheur. En raison de contraintes techniques de tissage, ces étoiles ont le plus souvent six ou huit branches L'étoile à six branches généralement connue sous le nom de sceau de Salomon est utilisée en Anatolie depuis l'époque des Phrygiens, bien avant l'époque de Salomon.
Scorpion
Par peur de son venin, les femmes portaient des bijoux en forme de scorpion ou ornés de la queue d'un scorpion afin de se protéger de cet animal. Le motif de scorpion utilisé sur les tissages poursuit le même objectif.
Oiseau
En Anatolie, il n'y a pas d'autre motif portant autant de significations différentes que celui de l'oiseau. Alors que les oiseaux comme les hiboux et les corbeaux sont synonymes de malchance, les colombes, les pigeons et les rossignols sont utilisés pour symboliser la bonne fortune. L'oiseau est le symbole du bonheur, de la joie et de l'amour. C'est aussi la symbolisation de l'âme des morts. C'est l’espérance de bonnes nouvelles.
Serpent
L'histoire de l'humanité est étroitement liée au serpent. L’histoire la plus connue est celle du serpent offrant perfidement à Eve le fruit défendu. Symbole à caractère négatif, le serpent, s’il est noir, représente cependant le bonheur et la fertilité.
Gueule de loup
La représentation du loup est une manière de se protéger de ses attaques. En effet, les peuples tissant des kilims était majoritairement nomades et éleveurs de bétail. Les prédateurs, et en particulier le loup, représentaient donc une menace importante dont il fallait se protéger.
Dragon
Créature mythologique ailée dont les pieds rappellent ceux du lion, et la queue celle du serpent. Il est le maître des airs et des eaux, gardien de l'arbre de vie et des secrets de l'univers, il symbolise la fertilité. Ce motif est très populaire sur les kilims caucasiens.
Arbre de vie
L'arbre de vie est le symbole de la vie dans l'au-delà. Toutes les grandes religions monothéistes ont utilisé ce symbole de promesse de la vie éternelle. Les arbres représentés sont variés, suivant les cultures et les lieux : palmier, cyprès, olivier, pommier, grenadier...
Fertilité
Les deux premiers motifs symbolisent respectivement les fertilités féminine et masculine. Ils peuvent être associés pour représenter la fertilité de manière générale.
Humain
Ce motif exprime le désir d’avoir un enfant.
Quelques motifs au hasard d’un kilim
10 fois, 100 fois par jour nous passons et repassons sur notre vieux kilim sans y prêter l’attention des premiers jours où il est entré dans notre maison. Nous l’avions trouvé beau, son graphisme et ses couleurs correspondaient à notre décor et nous faisions bien attention à ne pas l’abimer. Aujourd’hui, nous l’avons un peu oublié tant il nous est familier et notre regard ne se pose sur lui que lorsque nous faisons le ménage.
Fidèle, il est là, silencieux, tout chargé de son passé.
Accordons-lui l’attention qu’il mérite…
Cet article a été publié une première fois en mars 2022
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