On estime que le tapis le plus ancien connu à ce jour date du Vème siècle avant J.-C. Découvert dans une tombe de Sibérie orientale, près de la frontière mongole, il est originaire des steppes et est confectionné exclusivement en laine de mouton.
Destiné, à l’origine, à un usage de revêtement de sol, le tapis offre de multiples utilisations telles l’obstruction des ouvertures, la protection contre l’humidité des murs, la confection de berceaux, la création de cloison permettant de s’isoler du reste des occupants de la demeure (tente, yourte...).
Par la suite, le tapis devient décoratif, symbolique, didactique, historique, signe de richesse et véhicule de l’image que son propriétaire souhaite montrer à ses visiteurs.
Bien avant qu’il devienne objet de luxe et qu’il soit tissé de matières plus rares comme la soie, le lama, le chien spitz, le guanaco, le mohair, le lapin…, le tapis est d’abord nomade, il accompagne les bergers qui élèvent moutons et chèvres et donc, il est en laine de mouton ou plus rarement de chèvre.
"Là où est ton tapis, là est ta maison", proverbe turc.
La laine...
La laine est une forme particulière de poils de mammifères. Elle protège l'animal des intempéries et elle est d’autant plus épaisse que les conditions climatiques sont rudes.
C’est peut-être en voyant des brins de laine arrachés des toisons par les buissons épineux que les hommes eurent l’idée de récupérer ces fibres. Hélas, aucun écrit ne nous informe sur le moment précis où les bergers commencent à tondre leurs bêtes.
Très vite, les hommes comprennent l’intérêt de cette substance dont ils vont exploiter la solidité et les capacités d’isolant thermique.
Encore faut-il récolter ce précieux don de la nature et trouver les moyens d’en faire le fil idéal et les étapes pour y arriver sont nombreuses.
Du mouton au tapis
La tonte : consiste à couper la toison au plus près de la peau, traditionnellement avec des ciseaux spécialement conçus pour cette opération, en prenant soin à ne pas blesser l’animal. Il y a deux sortes d'"instruments" : les ciseaux et la force (voir illustration ci-dessous).
Aujourd’hui, la tonte des grands troupeaux se fait majoritairement à l’aide de tondeuses électriques.
Le battage et l’épaillage : La toison est battue et secouée pour en enlever éventuellement la terre, puis elle est nettoyée de toutes les particules et débris végétaux.
Le lavage : Les poils sont naturellement très gras car enduits de suint, graisse produite en même temps que la pousse de la laine destinée à imperméabiliser le poil et protéger du froid.
Afin de débarrasser la laine de ce gras, il est nécessaire de la laver plusieurs fois, la battre, la rincer, la presser et la sécher.
Une fois dégraissées, lavées et séchées, les fibres se séparent et la laine présente un aspect plus aéré et plus volumineux.
Le cardage : cette opération consiste à démêler la laine pour séparer les poils et permettre le filage. L’origine du mot cardage vient du mot chardon, plante hérissée de piquants qui pousse le long des chemins. Autrefois, avant l’invention des divers outils à carder, on frottait les toisons avec des bouquets de chardons pour tirer les fils de laine et les rendre plus propres et plus souples.
Après l’opération de cardage, les fibres sont bien détachées les unes des autres et la laine se présente sous un aspect plus léger et vaporeux. C’est à la suite de ce travail que la laine va pouvoir être filée.
Le filage : c’est l’art de confectionner, à partir des filaments irréguliers de la laine cardée, un fil continu, le plus régulier, solide et souple possible, destiné à la confection future de toile, tricot, tapis…
À l’origine le filage traditionnel se faisait à l’aide de fuseaux chez les nomades ou de rouets chez les sédentaires, en raison de son encombrement. Une fois le filage terminé, le fil de laine écru était enroulé en écheveaux qui pouvaient être utilisés en l’état ou teintés selon les besoins.
La teinture : selon l’utilisation souhaitée, la laine peut être teinte de différentes couleurs obtenues par trempage dans diverses décoctions de plantes ou de racines permettant soit directement, soit par mélange, l’obtention de la teinte souhaitée. On compte une cinquantaine de plantes dites tinctoriales dont les plus connues sont : l’Indigo, le Pastel (bleu) - le Noyer, le Sumac (brun et noir) – la Camomille, le Chanvre (jaune) – le Curcuma, le Safran (orange) – La Garance, le Roucou (rouge) – l’Orchilla et l’Orseille (violet pourpre), la Fougère, le Figuier (vert)…
Afin d’obtenir la densité désirée on procède à un ou plusieurs trempages. Pour éviter que la couleur ne disparaisse au lavage, on la fixe selon les cas, par l’exposition à l’air et à la lumière ou par trempage dans de l’urine fermentée*.
Une fois teintés, les écheveaux sont suspendus sur des tiges de bois, à l’air libre pour accélérer le séchage. La laine est enfin prête à être utilisée.
Le tissage : toutes les opérations préalables à la confection, la préparation et la coloration étant terminées, reste maintenant à orienter la laine vers le métier adapté à sa destination finale : couverture, vêtements, tapis... Mais, c’est une autre histoire qui commence !
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(*) À ce sujet, rappelons-nous que l’Empereur Vespasien qui régna de 69 à 79 de notre ère eut l’excellente idée, afin de remplir les caisses de l’état, de faire installer des édicules dans lesquels la population était tenue d’aller uriner moyennant le paiement d’une taxe. Ceci présentait le double avantage de percevoir immédiatement la participation financière des usagers mais, également, de constituer un stock d’urine qui était revendu aux teinturiers. À son fils Titus qui lui reprochait d’avoir imposé une taxe sur un besoin bien naturel, Vespasien lui présenta une poignée de monnaie et la lui fit sentir. "Trouves-tu que cet argent sente mauvais ? Et pourtant, c’est de l’urine". De cet épisode hautement historique nous restent deux souvenirs ; le nom de Vespasiennes donné aux édicules destinés à cette activité et le proverbe "l’argent n’a pas d’odeur" suffisamment explicite pour ne pas nécessiter plus d’explications...