Située dans le nord de la mer Égée, Bozcaada (aussi connue sous le nom de Ténédeos) est la troisième île turque par sa superficie (moins de 40km2) après les îles de Gökçeada et de Marmara. Rattachée à la province de Çanakkale, Bozcaada est située près de l’entrée du détroit des Dardanelles. Cette île représente une destination idéale pour passer quelques jours ou plus... Vignes, plages de sable fin, centre-ville de charme, entre autres, sont au programme pour cette destination touristique privilégiée des Stambouliotes.
Depuis le ferry, on est surpris par l’imposante forteresse qui s’élance devant nous ; la date de sa construction n’est en revanche pas connue, mais elle aurait pris sa forme actuelle - suite à des travaux - en 1455, à l’époque de Mehmet II.
En se rapprochant de l’embarcadère d’arrivée, les muezzins des deux mosquées et le clocher de l’église, que l’on aperçoit au loin, laissent présager la richesse de l’histoire de l’île.
À la sortie du bateau, on se laisse vite dépayser, commençant à déambuler dans le centre de l’île à l’ambiance nonchalante.
Le centre-ville de Bozcaada
Si l’île compte environ 500 habitants en hiver, sa population augmente énormément en été avec la fréquentation touristique.
Bozcaada est le seul endroit de Turquie où il n’y a pas de village. Le centre-ville de l’île ne porte ainsi pas de nom, si ce n’est les deux "quartiers" dont il est constitué, le "Rum mahallesi" (le quartier grec), et le "Türk mahallesi" (le quartier turc), situés au nord-est de l’île. Ce centre est constitué majoritairement de ruelles aux jolies maisons en bois, briques, ou en pierre blanche - ornées pour certaines de bougainvilliers - toutes aussi attrayantes les unes que les autres, et dont les portes et volets sont peints de différentes couleurs. Le visiteur a envie de tout photographier, tant de belles façades s’offrent à lui ! Quant aux nombreux hôtels et pensions du centre-ville, ils rivalisent de charme.
Le "Rum mahallesi"
Balades dans les rues pavées (talons, s’abstenir !), flâneries dans les cafés tous aussi accueillants les uns que les autres, dîners dans des restaurants de mezzés et poissons – pieuvre et calamar font la réputation de Bozcaada - shopping dans les magasins proposant des articles autour du vin et des produits locaux, voici autant d’activités qui combleront le visiteur.
En déambulant dans les ruelles du centre-ville, il est possible d’entendre quelques mots de grec. En effet, le traité de Lausanne (1923) avait accordé les îles de Bozcaada et Gökçeada à la Turquie, à condition qu’elles puissent conserver leur population majoritairement grecque, mais dans les décennies qui ont suivi, nombreux sont ceux qui ont préféré partir ; certaines personnes originaires de l’île reviennent en revanche pour la période estivale.
Le vin de Bozcaada
L’île est connue depuis l’Antiquité pour ses vignes qui recouvrent environ 25% de la superficie de l’île.
Les vins de Bozcaada sont réputés : s’il était possible de faire de la dégustation dans le passé (jusqu'en 2013), désormais, seule la vente est possible (la dégusation est payante). Corvus est la marque la plus connue ; mais on trouve aussi les marques Amadeus et Talay, ou encore, Ataol, Gülerada, Yunatçılar.
Le propriétaire d’Amadeus, Oliver Gareis (d'origine autrichienne), venu à Bozcaada au milieu des années 90, indique s'être lancé (après un long parcours administratif) dans la production de vin en tant que hobby en 2010, en commençant par du Cabernet. Puis, sa production s’est poursuivie, entre autres, avec du Shiraz et du žlahtina (blanc originaire de Croatie). Il s’est adjoint la collaboration de deux œnologues, un Italien et un Autrichien, qui ont travaillé pour la marque.
Oliver Gareis explique qu’Amadeus n’utilise que les raisins de l’île, et a une capacité de production d'environ 45 000 bouteilles/an (même s’il n’en produit pas autant). Il précise "on fait aussi deux trois rosés, parfois du Shiraz, parfois du Zinfandel", mais regrette aussi que les goûts des clients changent : "aujourd’hui les gens veulent du blush ! Je me bats contre ça !". Mais il souligne le fait que ces dernières années, les Turcs s’intéressent davantage au vin, ce dont il se réjouit.
Concernant l’exportation de vins de l'île, Oliver Gareis pointe deux difficultés : l’obstacle de leur réception dans les pays européens (a fortiori les pays producteurs), mais aussi les prix.
En dehors de la saison estivale il précise rencontrer sur l'île quelques Néo-Zélandais ou des Australiens notamment, en visite dans la région des Dardanelles.
Il indique également que depuis la réglementation de 2013, le festival du vin qui se tenait chaque année n'est plus organisé, et trouve dommage qu’une "route des vins" ne soit pas balisée, "les 6 marques de vins de l'île n'arrivent pas à s'asseoir autour d'une même table !" ajoute-t-il.
"C’est en 1948 que les frères Necati et Hayati ont créé la marque Talay", nous raconte Mehmet Talay, alors que la production en bouteilles a commencé en 1955.
La marque a aujourd’hui une capacité d’un million et demi de litres ; la production s’élève actuellement à 600 000 litres par/an, dont 400 000 avec le raisin propre de la famille Talay, le reste complété par d’autres producteurs de l’île.
Les cépages les plus réputés sont le Çavuş, le Vasilaki, le Karalahna et le Karasakız (Kuntra) ; donc du vin rouge principalement.
Mehmet Talay explique que leurs distributeurs principaux se trouvent à Bursa, à Çanakkale et à Izmir, mais que les vins Talay sont également vendus dans les supermarchés Métro ; l’objectif reste pour la marque, de produire du vin à un rapport qualité-prix satisfaisant.
La tentative d’export aux Pays-Bas, il y a quelques années, n’a pas été concluante : “cela revient trop cher”, regrette Mehmet Tolay.
Il rappelle le lien historique de Bozcaada aux vignobles, qui en fait une particularité de l’île : “On sait que des pièces de monnaie datant de 3000 ans av. J.-C., portaient le symbole du vin”. Mehmet Talay insiste sur l’importance de la viticulture locale : “Notre île ne doit pas seulement attirer les touristes pour ses plages et son coucher de soleil ; il faudrait que la place du vignoble soit valorisée, qu’on mette davantage en avant le raisin, dans les hôtels et les restaurants par exemple, et que les visiteurs arrivent sur l’île avec les grappes de raisin à l’esprit !"
Si, grâce à un projet de l’Union Européenne, une route d’un kilomètre et demi avait été établie en 2011, il n’existe malheureusement pas de “vraie route des vins de qualité”, soupire Mehmet Talay.
Donc, même s'il n’existe pas à Bozcaada de vraie "route des vins", il est recommandé à ceux qui souhaiteraient se balader dans les vignes de l'île, de s’y rendre de préférence dans la belle lumière de la fin du mois d’août ou de début septembre.
Depuis quelques années, il est devenu à la mode de séjourner dans des "maisons de vigne", comme proposé par les Talay Bağları.
Les activités et balades sur l'île de Bozcaada
À Bozcaada, il est possible de circuler soit en voiture, en minibus, en taxi, à vélo (loueurs de bicyclettes en centre-ville) ou à scooter.
Des minibus proposent des tours de l’île ; leurs chauffeurs, volubiles, sont heureux de fournir indications et explications.
Quelques lieux d'intérêt :
. La forteresse et ses alentours.
. Les moulins à vent (au-dessus de la forteresse), pour admirer la vue sur la mer Egée.
. L’église de la Vierge Marie (dans le quartier "Rum").
. Le musée, dans le centre ville, qui retrace l’histoire de l’île et permet de découvrir sa double culture gréco-turque, ainsi qu’une petite collection de photos d’Ara Güler.
. La mosquée d'Alaybey, dans le centre-ville.
. Le monastère d’Ayazma (chapelle), qui se trouve au sud de l’île (juste au dessus de la plage d'Ayazma), sous huit platanes. Un café-restaurant se trouve sur place.
. Le sanctuaire de Ahmet Dédé (centre-ville de l'île, au bord de la mer).
. Yeni Kale (ruine sur les hauteurs de l’île).
. Gün batımı (à la pointe ouest de l’île) est l’endroit où beaucoup se retrouvent en fin de journée pour boire du vin et admirer, depuis les falaises, le coucher de soleil.
C’est aussi là que se trouvent les fameuses éoliennes ; elles fournissent l’électricité à plus de 30 000 foyers (à la fois pour l’île, mais aussi pour une partie de la ville de Çanakkale).
. La colline de Göztepe (à une grosse demi-heure de marche depuis le centre-ville) qui culmine à 192 m, et qui offre une vue magnifique sur les vignes ainsi que sur les alentours de l’île. Quand le temps est clair, de là-haut, on peut même apercevoir l’île de Gökçeada, ou encore l’île grecque de Lesbos.
. Quelques forêts, dans l’intérieur de l’île, permettent balades et pique-niques.
. Les fonds marins de l'île offrent un spot de plongée idéal, et la planche à voile se pratique au nord de l’île, balayée par des vents forts.
Les plages de Bozcaada
Avant d’envisager des vacances à Bozcaada, il est important de savoir que l’eau de la mer, turquoise et transparente, est cependant assez froide (environ 18-20 degrés) même au plein milieu de l’été !
La plage d’Ayazma, de sable fin, est la plus populaire et la mieux aménagée de l’île.
Le restaurant Vahit’in yeri, qui domine cette plage fera le bonheur des amateurs de mezzés.
Les plages de Sulubahçe, Habbele, et la baie de l’aquarium offrent d’autres spots agréables pour se baigner.
Les plages d’Ayazma, Habbele et la baie de l’aquarium sont desservies en minibus ; il y a donc moins de monde dans les autres baies, qui sont elles-mêmes entrecoupées de criques sauvages.
Le climat de Bozcaada
Bozcaada possède une nature et un climat différents de la région dans laquelle elle se situe. On dit que le climat de la mer Egée change à Bozcaada. Le vent du nord, Poyraz, souffle tout l'été, de manière légère mais constante. C’est un vent frais permettant de passer des vacances agréables pendant la chaleur estivale. En revanche, dans les parties de l'île exposées au Poyraz, aucune végétation ne pousse.
L’île de Bozcaada, qui échappe encore à la frénésie touristique (au moins internationale), garantit un dépaysement pour des vacances idéales, de quelques jours ou plus.
Comment se rendre à Bozcaada ?
L’embarcadère pour se rendre à Bozcaada depuis le continent se situe à Geyikli.
Depuis Istanbul, il est recommandé d’y aller en voiture.
Deux itinéraires sont possibles pour aller à Geyikli en voiture depuis Istanbul :
(1) par le sud, pont de Osman Gazi, en passant par Bursa,
(2) par l’ouest (direction de Gelibolu), pont de Çanakkale qui traverse le détroit des Dardanelles.
Sans voiture : un bus + ferry, ou un vol jusqu’à l’aéroport d’Edremit+bus+ferry, constituent d'autres possibilités, moins pratiques.
Cet article a été publié une première fois en août 2020.