À 2h30 d’hydroglisseur (deniz otobüsü) d'Istanbul au départ de l'embarcadère de Yenikapı, l'île de Marmara située sur la mer du même nom permet de s'évader et de se reposer un week-end ou plus pour ceux et celles qui ont envie et/ou besoin de recharger les batteries.
Le temps semble en effet s'y être arrêté et il y règne une nonchalance et une quiétude bien agréables, loin de l'agitation de la mégalopole.
La mosquée située dans la rue principale de Marmara
Deuxième plus grande île de Turquie après celle de Gökçeada, Marmara s'appelait jadis Prokonnesos, l'île aux chevreuils - et comportait une importante communauté grecque qui, dans le cadre du traité de Lausanne signé en 1923 et des échanges de population ayant suivi, a été contrainte de quitter les lieux. Il reste encore des traces visibles du passé grec de Marmara, notamment certaines belles constructions traditionnelles caractéristiques. Des escaliers aux marches des plus irrégulières dégringolent des ruelles situées dans les hauteurs.
Ancienne maison de Marmara et un des innombrables escaliers du village
Pour humer l'ambiance du village principal portant aussi le nom de Marmara, rien de tel que de prendre place à l'ombre des vignes qui couvrent une bonne partie des différents jardins à thé (çay bahçesi) situés le long de la rive et d'observer la vie de ses habitants.
Jardins à thé de Marmara
Cette occupation bien tranquille ne sera que plus agréable en sirotant soit un thé, soit une limonade maison, soit en été la spécialité du lieu, le koruk, jus de raisin vert préparé quotidiennement avec grand soin et additionné de sucre pour en réduire l'amertume.
Koruk suyu, le jus de raisin vert servi en été à Marmara
Quelques hommes, certains coiffés de casquettes, font la causette, jouent au backgammon (tavla) ou lisent le journal. A côté, des femmes qui devisent bruyamment, une cigarette entre les lèvres. Deux portraits d'Atatürk, accrochés l'un au-dessus du comptoir, l'autre tout près, meublent les lieux. Les jeunes et souriants serveurs de ce jardin à thé arborent fièrement deux drapeaux turcs - sinon rien - sur le recto de leurs polos et le nom du lieu où ils travaillent au verso.
Dégustation d'un verre de koruk suyu à la table d'un jardin à thé à Marmara
Une autre table est occupée par deux amies, Hülya et Zeliya, les mains protégées par des gants en caoutchouc. Elles passent une bonne partie de la journée à nettoyer le raisin qui servira à réaliser le breuvage typique de Marmara.
Hülya et Zeliya préparent le raisin destiné au koruk, boisson estivale de Marmara
L'avenue Atatürk, sur laquelle sont situés les jardins à thé donnant sur la mer, est aussi l'artère commerçante principale du village. On y fait ses emplettes quotidiennes mais on y flâne aussi surtout le soir -, le nez au vent et prêt à saluer telle ou telle connaissance car ici tout le monde se connaît... et on vous reconnaît également rapidement... Quelques vieilles dames en şalvar - pantalon anatolien traditionnel et bouffant- côtoient d'autres en robe de plage courtes ou en short, quelques vieux messieurs commercent.
Sur l'avenue Atatürk de Marmara
Le muezzin voisin invite les rares fidèles à la prière pendant qu'un chien s'arrête devant une pizzeria, semblant avoir un petit creux et attendant patiemment qu'un client veuille bien partager avec lui un bout de pide, cette délicieuse pizza turque croquante recouverte de fromage ou de viande soit hachée, soit en petits morceaux. Juste au-dessus de la pâtisserie voisine, un balcon joliment fleuri attire le regard avec son arc de verdure du plus bel effet.
Sur L'île de Marmara
La verdure est omniprésente à Marmara, qu'il s'agisse des innombrables et majestueux platanes, des tonnelles couvertes de vignes, de fleurs dégageant des odeurs délicates, des herbes aromatiques ou destinées à réaliser quelques tisanes aux vertus apaisantes.
Beaucoup de verdure à Marmara
Ici, on se balade à pied ou à vélo souvent équipé d'une remorque pour y mettre les provisions ou d'une cagette destinée au rejeton -, en scooter électrique... Les voitures y sont rares et n'ont pas le droit d'emprunter une bonne partie de l'artère principale, le bonheur !
A Marmara, le vélo est roi !
Jeudi, c'est jour de marché à l'ombre des platanes situés sur la place entre les jardins à thé et le port, une occasion supplémentaire de faire la causette et d'acheter un t-shirt ou un accessoire pour la vie quotidienne à prix défiant toute concurrence.
Marché hebdomadaire à Marmara
Un homme muni de son équipement… et de son stéthoscope propose ses services aux habitants dans les différents jardins à thé et aux alentours pour mesurer leur tension. Des marchands ambulants déambulent toute la journée avec leurs cargaisons de gâteaux secs ou d'ustensiles en bois, s'arrêtant régulièrement à l'ombre des arbres.
Marchand ambulant à Marmara
Le soir venu, le marchand de barbe à papa ainsi que les petits stands vendant petits bijoux fantaisie ou idée de cadeaux à prix attrayants font des affaires.
Balade nocturne à Marmara
Quelques hôtels et pensions ont pignon sur rue, notamment sur l'artère principale. L'endroit le plus agréable et le mieux situé reste incontestablement le Mola Butik otel, dont la magnifique terrasse surplombe leur petite plage privée contiguë à celle où règne le pétillant Ibrahim, une des figures du village qui s'occupe de distribuer les places et de nourrir et d'abreuver ses clients.
Vue sur la mer de Marmara de la terrasse de Mola Butik Otel
Au fil des heures, les chaises longues sont occupées et les familles passent du bon temps dans l'eau et à faire des châteaux de sable comme au bon vieux temps.
Plage de Marmara
Quelques chiens errants des plus affables et faisant partie intégrante du paysage leur rendent visite. Ils apprécient aussi de se baigner ou de poser l'arrière-train dans l'eau transparente avant d'aller s'écrouler pour une sieste bien méritée à côté de l'un ou l'autre transat, sans être dérangés par les moineaux venus faire provision de miettes de repas sur la plage.
Sur la plage de Marmara
Pendant ce temps, le marchand de maïs fait inlassablement l'aller-retour au-dessus de tout ce petit monde pour vendre ses épis bouillis.
Vendeur ambulant de maïs, Marmara
Après la station de minibus permettant de se rendre dans le village voisin de Çinarlı ou celui de Saraylar situé à l'autre bout de l'île, et renommé pour ses carrières de marbre blanc et les décorations ornant le bord de mer, le cimetière de Marmara abrite un mélange de tombes ottomanes traditionnelles et d'autres actuelles sur lesquelles on apprend par exemple que sont enterrés là d'anciens maires du coin, un petit bout d'histoire au milieu de la végétation ambiante.
Cimetière de Marmara
Près du port s'amoncellent des filets de pêche offrant parfois un décor pour le moins original aux hommes venant durant l'été en fin de journée les remettre en état avant la reprise de la saison.
Filets de pêche, Marmara
Les étrangers sont rares sur l'île, soit par ignorance de l'endroit, soit peut-être parce qu'elle est trop tranquille. Dans ce cas, ils peuvent toujours se rabattre sur l'île voisine d'Avşa - plus proche de Bandırma - connue pour ses plages et sa vie nocturne plus animée.
Marmara, c'est aussi le paradis des moules pour les amateurs, les meilleures du pays assurément! Récoltées tous les matins durant l'année, vous pourrez les déguster au déjeuner ou au dîner, soit farcies (midye dolma), soit frites en brochettes (midye tava) entourées d'une pâte à frire légère et accompagnées d'une sauce tarator à base de noix moulues, de jus de citron, de gousses d'ail et de pain rassis.
Les brochettes de moules de Marmara, un must !
À déguster dans l'un des restaurants situés à côté du petit pont sous lequel passent les barques des pêcheurs pour revenir au bercail, sur fond de chansons de Tarkan ou d'autres chanteurs turcs à succès mais à un niveau sonore parfait qui permet de profiter tant de la vue que du repas.
Quelques bons restaurants de Marmara au bord de l'eau
Misya, société créée en 2012 et employant près d'une vingtaine de salariés, récolte et commercialise les moules locales que vous retrouverez sur les meilleures tables dans de nombreuses villes du pays. Les crevettes roses pêchées ici sont excellentes et méritent d'être connues, la meilleure façon de les déguster étant de les arroser d'un filet d'huile d'olive de l'île.
Crevettes roses de Marmara
Mûres (böğürtlen), arbousier (dağ çileği) pêche de l'île (zirdalı) et autres fruits de Marmara servent à la réalisation de délicieuses glaces artisanales et de confitures qui feront la joie des gourmands.
Les amateurs de nature et de marche apprécieront les hauteurs de Marmara d’où les vues sur les alentours sont splendides et où le chant des cigales les accompagnera durant la promenade.
Sur les hauteurs de Marmara
Marmara constitue assurément un bout de Turquie authentique et préservé qui n'a pas beaucoup changé depuis une quinzaine d'années et où il fait bon vivre et passer quelques jours de vacances à un rythme paisible et réparateur.
Pour se rendre à Marmara :
En hydroglisseur (deniz otobüsü) : environ 2h30 de trajet depuis l'embarcadère de Yenikapı à Istanbul
Cet article a été publié une première fois en juillet 2020.