Cette dixième édition du Vendée Globe, « l’Everest des mers », tour du monde à la voile en solitaire, sans escale et sans assistance, est historique à plus d’un titre. 40 skippers, dont 6 femmes, étaient alignés au départ de la course dimanche 10 novembre aux Sables d’Olonne, ce qui constitue un record en termes de nombre de participants. Pour la première fois, un marin originaire de Chine a pris le départ, Jingkun Xu, navigateur de 35 ans au profil tout à fait singulier. Explications.
Un skipper à 23 millions de followers en Chine
Jingkun Xu a déjà participé à plusieurs compétitions internationales de voile, dont la course autour du monde Clipper et la Transat Jacques-Vabre. Sa participation au Vendée Globe 2024 marque un moment historique puisqu'il est le premier marin chinois à prendre part à cette course mythique autour du monde avec son voilier IMOCA 60, Singchain Team Haiku. Né en 1989 dans une région montagneuse de Chine, il a perdu son bras gauche dans un accident à l'âge de 12 ans. Malgré cette épreuve, il a poursuivi sa passion pour le sport et pour la voile en particulier et est devenu un symbole de résilience et de détermination, bénéficiant de 23 millions de followers sur les réseaux sociaux.
Prendre le départ comme une première victoire
Le marin avoue lui-même qu’à l’âge de 14 ans il ne savait pas nager et n’avait encore jamais vu la mer. Autodidacte, plus petit budget de la flotte avec China Dream, un bateau de près de 20 ans, qu’il n’a pas pu adapter à son handicap par manque de moyens, le navigateur s’est battu pendant des années pour franchir les nombreuses étapes nécessaires pour, in fine, être aligné sur la ligne de départ du Vendée Globe. Contrairement à la Bretagne, où tout un écosystème est en place depuis des décennies déjà, en Chine la mer n'a pas été une priorité jusqu’aux années 1980 sous Deng Xiaoping. Puis sous l’impulsion du gouvernement, à la suite de la désignation de Pékin pour les Jeux olympiques de 2008, la Chine a démarré des opérations de détection de talents dans tout le pays afin de former de futurs champions. Néanmoins, la priorité a d’abord été mise sur d’autres disciplines nautiques comme la planche à voile.
Un exemple pour les futurs navigateurs chinois
« Jackie », tel que le surnomment les fans de voile, fait véritablement figure de pionnier pour toute une génération de navigateurs. Cela est rendu d’autant plus vrai, qu’il n’a pas bénéficié d’une structure déjà solidement établie. Son équipe a longtemps été composée de son épouse et lui-même. Il a dû, malgré son handicap, apprendre à s’adapter à son bateau, malgré la complexité de la navigation sur un tel navire. Ambitieux, Jingkun Xu se voit déjà aligné sur la ligne de départ de l’édition 2028. Le skipper compte bien capitaliser sur cette édition, pour laquelle son objectif principal est de boucler le tour du monde. Bénéficiant de plus de followers sur les réseaux sociaux que les 39 autres skippers réunis, il y a fort à parier que l’engouement qu’il suscite déjà va continuer à progresser dans les prochaines années. Il a fondé une école de voile à Sanya, sur l'île de Haïnan, et compte prochainement en créer une antenne dans le Finistère.
En solitaire, sans escale et sans assistance
Les marins du Vendée globe vont faire le tour de la Terre d'ouest en est. Ils sont partis des Sables-d’Olonne en France, pour y revenir comme point d'arrivée, après avoir traversé 4 océans. Le parcours est d'une longueur théorique de 21.638 milles nautiques, soit plus de 40.000 kilomètres, en ne tenant pas compte de la « zone d'exclusion » introduite pour éviter les icebergs, ni des options prises par les coureurs pour optimiser leur course face aux contraintes météorologiques. Lors des différentes éditions du Vendée Globe, certains concurrents ont ainsi parcouru parfois plus de 28 000 milles.
L'épreuve commence par une descente vers le sud de l’océan Atlantique qui leur fait d'abord traverser le golfe de Gascogne souvent agité par des dépressions d'ouest, surtout en cette saison, avant d'atteindre la zone des alizés plus favorable. Les coureurs traverseront ensuite, au niveau de l'équateur, le « Pot au noir », une zone de calme aux contours difficilement prévisibles entre le Brésil et le continent africain. Plus au sud, ils retrouveront une région plus ventée mais devront éviter l’anticyclone de Sainte-Hélène. Puis, ils passeront le cap de Bonne-Espérance et s'engageront dans l’océan Indien.
Traversée des « cinquantièmes hurlants »
La partie la plus difficile de la course débutera lorsque les voiliers atteindront la latitude des « quarantièmes rugissants » puis celle des « cinquantièmes hurlants ». Ces régions sont balayées en permanence par des dépressions très creuses qui lèvent des mers particulièrement fortes, car aucune terre ne bloque les vagues. Facteur aggravant en cas de naufrage : la zone traversée est très éloignée des terres habitées et il n'existe pratiquement aucun trafic maritime. Les voiliers seront alors hors de portée de secours héliportés et les marins ne pourront pas compter sur le détournement d'un cargo ou d'un navire de pêche pour leur porter secours. Les bateaux navigueront toutefois cette région dans des conditions relativement favorables : ce sera en effet l'été dans l'hémisphère sud et ils navigueront généralement « au portant ».
Après avoir franchi le cap Horn, les voiliers entameront la remontée de l'océan Atlantique, en coupant leur trajectoire aller, avant de retrouver l'hémisphère nord. Ils devront affronter tous les obstacles météorologiques qu'ils ont connus durant la descente. Les skippers les plus rapides de la flotte devraient revenir aux Sables d’Olonne après plus de 2 mois et de demi de course.