Images par excellence de l’exotisme oriental, sampans et jonques sillonnaient autrefois les ports et côtes chinois. Voici l’histoire de la gloire et du déclin de ces embarcations mythiques.
Jonques et sampans en Chine
Le développement de la navigation en Chine n’est pas si ancien que cela. En effet, la population s’est longtemps consacrée au développement autour des deux grands fleuves et n’a entrepris les échanges maritimes que tardivement. Si la célèbre expédition de Zheng He (1371-1433) vers les côtes africaines est restée gravée dans les mémoires, c’est surtout au XVIeme siècle que s’établissent en Asie des lignes commerciales régulières et avec elles la construction de bateaux robustes capables de transporter des marchandises dans leurs cales compartimentées. La jonque, dont le nom vient du malais "djong" via les Indes Néerlandaises avec lesquelles la Chine a de nombreux échanges, se caractérise par sa construction en bois, de forme ventrue pour assurer un tirant d’eau suffisant et sa célèbre voilure faite de toile de coix lacryma, une feuille cultivée au sud de la Chine, renforcée par des lattes de bambou. C’est cette voilure à nervures qui décorera pendant plusieurs siècles les différentes côtes et ports d’Asie. L’essentiel de la fabrication des voiles se fait dans le Guangdong et le Fujian produisant les fibres de feuilles utilisées pour les jonques. Les sampans ont ceci de différent des jonques que leur fond est plat, leur usage étant limité à la navigation côtière et le cabotage. Ils utilisent en revanche le même type de voilure.
Jonques de pirates, marchands et tankas
Parallèlement au commerce va se développer sur mer une activité tout aussi, voire plus, lucrative, à savoir la piraterie. Les pirates se dotent naturellement de larges flottes disposant de canons et d’hommes d’équipage rompus au corps à corps. Se dissimulant souvent derrière des îles côtières, les jonques lançaient des attaques-éclair sur les navires lourdement chargés et dont les passages étaient connus grâce à un large réseau d’informateurs dans les ports, au premier rang desquels figuraient les filles de joie.
Malgré la piraterie, le commerce fait la fortune des marchands installés dans les ports de Canton, Quanzhou, Xiamen ou Ningbo. Ceux-ci étaient constitués en guildes, leur conférant un pouvoir économique et politique de tout premier rang. Ainsi, ce sont ces armateurs de Ningbo qui seront à la base du tout premier système bancaire chinois, donnant naissance à de grands réseaux financiers à partir du 19ème siècle.
Sur les jonques et sampans vivaient aussi une autre catégorie de population, immortalisée en particulier sur les anciennes photos du port d’Aberdeen à Hong Kong ou sur la rivière Suzhou à Shanghai. A Hong Kong, on les nomme les "gens sur l’eau" ou "Tankas" ("peuple œuf" du fait de la forme de leurs embarcations). Privés de l’accès à la propriété terrienne par les Chinois, ils ont longtemps résidé dans les baies du sud de la Chine. Leur activité principale était la pêche mais on se souvient aussi que les femmes ont fourni les premiers contingents de prostituées pour les marins anglais. Dans le film "Le monde de Suzie Wong", on voit William Holden être sollicité par des femmes des bateaux de Causeway Bay alors qu’il recherchait Suzie Wong.
A Shanghai, s'entassaient jusqu'à la fin des années 30 les immigrants venus travailer en ville et trop pauvres pour payer un loyer. Ceux-ci fournissaient une main d'oeuvre bon marché aux promoteurs immobiliers qui avaient décidé de transformer la ville en nouvelle New York. Sur le fleuve Huang Pu croisaient jusqu'aux années 40 des embarcations à voile, qui venaient au contact des canonnières et bateaux de guerre occidentaux pour faire du commerce au meilleur prix.
Les dernières jonques de Chine
Si les jonques ont fourni la toile de fond des films et photos du Hong Kong des années 1960, la mécanisation et l'assimilation des populations vivant sur les bateaux à la fin des années 1970 font qu'elles ont presque totalement disparu du paysage de la ville. Il est tout de même possible pour les nostalgiques de nourrir l’illusion grâce aux deux dernières jonques agrémentées de voiles, bien que celles-ci soient purement décoratives, pour une visite du port ou une excursion à la carte. L’accès se fait au pier 8 ou bien à Tsim Sha Tsui. L'un des bateaux, le "Dukling" est une authentique jonque ancienne datant de 1955 et restaurée pour accommoder les touristes. Même si la formule est un peu kitch, vous pourrez peut-être encore vous prendre, qui sait pour un pirate ou un "sea gipsy". Alors bon vent!