Alors que 900 vols ont été annulés à cause du typhon Mangkhut, on ne peut s’empêcher de penser aux atterrissages spectaculaires par grand vent de l’ancien aéroport de Kai Tak. Cet aéroport est aujourd’hui fermé, remplacé par Chep Lap Kok, au Nord de Lantau, mais les histoires sont encore bien vivantes.
Au temps des pionniers
En 1912, deux hommes d’affaires, Ho Kai et Au Tak, achètent une bande de terrain regagnée sur la mer dans la baie de Kowloon, près de l'ancienne ville chinoise. La révolution de 1911 vient de s’achever et des migrants viennent du continent chercher asile dans la colonie britannique. Les deux associés espèrent donc bâtir des logements pour répondre à cette demande.
Ce projet ne verra pas le jour mais en 1924, le gouvernement récupère ce terrain et y installe un aérodrome pour la Royal Air Force et des écoles de pilotage. Avant cela, seul Shatin permettait aux avions d’atterrir, accueillant d'ailleurs le "Spirit of Shatin" en 1911, le premier avion à se poser dans la colonie dont la réplique est exposée dans l'aéroport actuel.
Le trafic de Kai Tak comprend dès 1928 les hydravions qui disposent de moyens d'accostage, le long du terrain d'atterissage. Une première compagnie de transport domestique de passagers est créé en 1936. L’ancienne ville chinoise de Kowloon toute proche, est alors encore enfermée dans ses murailles, vestiges de la puissance déchue des empereurs Qing. Quant au terrain initial, il est constitué d’herbe sur laquelle atterrira notamment le premier vol Air France en provenance d'Indochine en 1938, un Dewoitine 338.
Ce n'est que l'année qui suit cet événement que sera réalisée la première piste en tarmac. Lorsque les Japonais s’emparent de Hong Kong fin 1941, l’aérodrome de Kai Tak prend une importance majeure car il est un moyen sûr de maintenir un lien rapide avec le reste des conquêtes continentales. Une deuxième piste en béton est alors rajoutée qui croisera la première. Celle-ci est construite par les prisonniers de guerre et ce sont précisément les remparts ancestraux de la ville chinoise et son pont d’accès datant de la dynastie Song qui vont servir de remblais pour supporter ces extensions!
Etoiles et Constellations
Avec la fin des hostilités, la RAF installe sur le terrain le No 80 Squadron, constitué de Supermarine Spitfires, les mythiques chasseurs de la bataille d’Angleterre. Un nouvel ennemi est en effet à craindre avec la Chine communiste à quelques kilomètres de là et il faut surveiller cette nouvelle frontière du monde libre.
Avec l'accroissement du trafic des passagers en Asie vers Hong Kong en priorité, d’autres légendes de l’aviation à hélice atterissent à Kai Tak comme le célèbre Lockheed Constellation, quadrimoteur au triple empennage caractéristique. Ils resteront en service jusqu’au début des années 1960 avant d'être remplacés par les avions à turboréacteurs, refermant la page des temps héroiques.
Point d’entrée privilégié pour la ville de Hong Kong, l’aérodrome est très tôt le site favori des paparazzi. Les premières stars de cinéma se font ainsi photographier devant les hangars de l’aéroclub, véhiculant une image de modernité qui n’est pas sans rappeler le star system du Shanghai des années 1930. Mais ce sont surtout les départs des vols de passagers en provenance ou au départ des États Unis qui font la une des journaux à grand tirage.
Le point culminant de la chasse aux stars arrive le 9 Juin 1964 avec l'arrivée des Beatles dont les nostalgiques des années 1960 se rappellent encore. Lors d’une escale d’une jour en route pour l’Australie, les Fab Four (ou plutôt Fab Three puisque Ringo Starr a été remplacé au pied levé par Jimmie Nicol suite à une amygdalite), déclenchent une véritable hystérie! Suivront Bruce Lee ou encore James Coburn qui n’hésitent pas à poser pour la postérité dans le terminal en attendant leur vol.
L’aéroport de tous les dangers
C’est aussi la configuration de Kai Tak qui fait sa légende. En effet, pour accueillir les long courriers en 1958, la piste 13 est construite sur la baie, rendant chaque atterrissage spectaculaire. Il faut aux pilotes opérer un virage à 47 degrés face à la montagne pour être certain de l'aligner et ensuite plonger vers le tarmac.
Les malchanceux finissent dans la mer comme ce vol China Airlines de 1993 que l’on doit repêcher dans le port. De même, les typhons de mai à octobre obligent souvent les pilotes à se poser par fort roulis latéral.
Les pilotes "agréés Kai Tak" suivent donc une formation sur simulateur pour apprendre à virer à la vue de "l’échiquier", un damier de couleur blanche et orange tracé sur la montagne. Les décollages sont tout aussi périlleux, face à une montagne dont il faut s’écarter au plus vite, aussi les accidents se succéderont-ils avec 59 morts en 1965 et 24 en 1967. A partir des années 1970, l’essor économique rend la fréquence des vols quasi incessante. De plus, pour accéder à la piste, les Boeing 747 doivent survoler des zones urbaines densément peuplées et même frôler les toits du village vertical de Kowloon City. Même si les photos d’avions passant au dessus des voitures restent spectaculaires, la situation est intenable et conduit à la fermeture en 1998. Le projet de redéveloppement de l'ancien aéroport est rapidement envisagé mais sa mise en œuvre attendra quinze ans! En plus du terminal de croisières actuel, l'ancienne piste 13 devrait accueillir d'autres bâtiments commerciaux, ramenant un peu de vie dans ce lieu chargé d'histoire.
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