Alexis Badel : "Je suis jockey à Hong Kong"

Je viens d'une famille dans le monde du cheval

Parlez-nous de vous et de votre parcours professionnel

J'ai grandi dans une écurie de course à Lamorlaye. Ma mère (Myriam Bollack-Badel) est entraîneur de chevaux de course depuis une cinquantaine d'années et la première femme entraîneur de course en France. Mon père (Alain Badel) était un jockey de renom, aujourd'hui à la retraite. Mon frère a également suivi cette voie. J'ai arrêté l'école à 13 ans pour me consacrer à ma carrière de jockey. J'ai commencé à monter en course officielle le jour de mes 16 ans. Ma mère m'a formé dès mon plus jeune âge pour que je puisse monter à cheval et comprendre les subtilités de ce sport. Mon parcours a été naturellement influencé par cet environnement familial et passionné.

Qu'est-ce qui vous a conduit aujourd'hui à Hong Kong  ?

Hong Kong est un hub incontournable pour les courses hippiques. Chaque hiver, les meilleurs jockeys du monde viennent y tenter leur chance pour quelques moi lorsque la saison est creuse dans leur pays (Visiting license). Après plusieurs séjours d’hiver réussis à Hong Kong, j'ai obtenu une licence permanente par le Hong Kong Jockey Club, et je me suis installé ici avec ma famille. Je fais partie des rares français à monter à Hong Kong avec une license permanente. Ce choix a été motivé par les opportunités financières et la compétitivité unique de ce circuit.

 

Je vis pour la course

 

A quoi ressemble la vie d’un jockey à Hong Kong ?

Quand on est jockey on vit pour la course, à Hong Kong la vie de jockey est intense et exigeante. Je dois m'adapter à un rythme de course rapide, Les courses sont principalement des sprints, avec des distances courtes comme 1000 mètres, 1200 mètres et 1400 mètres, contrairement aux courses de longue distance plus courantes en France. La chaleur et l'humidité ajoutent un défi physique supplémentaire, surtout pendant les mois d'été.

Je vis directement sur l'hippodrome de Shatin avec ma femme et mes deux filles, où les chevaux sont logés et où se trouvent les écuries. Je m‘entraîne tous les jours, l’hippodrome ouvre entre 4h30 et 8h30, pour préparer les chevaux et moi-même aux courses. Je peux monter entre 1 et 8 chevaux suivant les besoins d’entrainements, ma côte de popularité, et de l’entraineur pour qui je monte.

On court pendant dix mois sans vacances de début septembre à mi-juillet, avec deux réunions par semaine : le mercredi à Happy Valley et le dimanche à Shatin, avec plusieurs courses par session. L'année dernière j’ai monté 584 fois.

La communauté des jockeys à Hong Kong est également très soudée. Nous vivons tous dans le même bâtiment, ce qui crée une dynamique unique. Nous sommes à la fois compétiteurs et voisins, ce qui peut parfois générer des tensions, mais aussi un fort sentiment de camaraderie.

 

Les différences avec la France sont nombreuses

 

Quelles sont les différences avec la France  ?

Les différences entre Hong Kong et la France sont nombreuses, et à commencer par l’esprit de la course. Hong Kong est connu pour ses gains élevés et son environnement compétitif, où les jockeys doivent constamment prouver leur valeur pour renouveler leurs contrats annuels avec le Hong Kong Jockey Club.

Le circuit est très sélectif, avec seulement une vingtaine de jockeys locaux contre plusieurs centaines en France. Les courses sont orientées sur le gain, elles comprennent des handicaps, où les chevaux portent des poids différents pour égaliser leurs chances, contrairement aux courses à poids fixe en France.

Les jockeys n'ont pas d'agent et doivent gérer eux-mêmes leurs relations avec les propriétaires et les entraîneurs, pour trouver les meilleurs chevaux. Le Hong Kong Jockey Club impose des règles strictes et des contrats annuels, tandis qu'en France, les jockeys bénéficient de plus de flexibilité.

Les propriétaires à Hong Kong jouent un rôle déterminant et voient les courses comme un loisir et une source de paris, changeant fréquemment de jockey et étant très exigeants, ce qui ajoute une couche de stress supplémentaire. Ce n'est pas un business, c’est un jeu, ce qu'ils aiment, c'est parier et gagner avec leurs chevaux favoris.

 

M'installer à Hong Kong est le grand défi de ma carrière

 

Comment votre expérience à Hong Kong a-t-elle influencé votre carrière et votre approche de la course ?

M’installer à Hong Kong a été le plus grand défi de ma carrière, parce qu’il ne fallait pas simplement être fort mentalement, Il m’a fallu comprendre comment cela fonctionnait. ici, la pression est constante. Les courses sont principalement des courses de handicap, ce qui égalise les chances et rend chaque course extrêmement compétitive. L'expérience à Hong Kong m'a rendu plus compétitif et résilient. J'ai appris à m'adapter rapidement aux changements et à gérer la pression constante. La compétitivité élevée m'a poussé à toujours donner le meilleur de moi-même, sachant que chaque course peut être décisive pour ma carrière. J'ai également développé une meilleure compréhension des attentes des propriétaires et des entraîneurs hongkongais, ce qui est crucial pour réussir dans ce milieu.

Comment gérez-vous la pression et le stress liés à cette profession ?

Le soutien de ma famille est essentiel pour moi. Ma femme, Eva, comprend parfaitement les exigences de mon métier et m'apporte un soutien inestimable. La méditation et la préparation mentale sont également des outils importants. J'analyse chaque course en profondeur, j'étudie mes concurrents et je me projette mentalement dans chaque situation pour être prêt à prendre les bonnes décisions. Mon amour pour ce métier et la passion de la compétition m'aident à surmonter le stress.

 

Le Derby est la course la plus importante de Hong Kong

 

Quelles sont les qualités pour être un bon Jockey ?

Pour être un bon jockey, il faut être un excellent cavalier et un homme de cheval. Une intelligence de la course est cruciale, incluant la capacité d'observer et de comprendre les situations. Cela nécessite un "QI de course" pour prendre des décisions rapides et stratégiques, similaires à celles prises en Formule 1. Les jockeys expérimentés doivent être capables de prendre leurs responsabilités et de faire des choix tactiques, même contre les consignes, pour réussir. Enfin, un aspect psychologique est également important pour gérer le stress et la pression de la course.

Quelle est la course la plus importante pour vous ?

Le Derby de Hong Kong la course annuelle la plus importante et la plus prestigieuse. Elle est réservée aux chevaux de quatre ans, et elle se tient mi-mars. La course se déroule sur 2 000 mètres à l'hippodrome de ShaTin. C’est l’évènement phare du programme de courses locales. Le Derby attire une grande attention locale et internationale, consolidant sa place comme un événement majeur dans le calendrier des courses hippiques. Les chevaux ne peuvent participer qu'une seule fois au Derby de Hong Kong, car il est réservé aux chevaux de quatre ans, leur offrant une unique chance de gloire.

Quels sont vos objectifs à long terme dans votre carrière de jockey ?

Mon objectif est de gagner le plus de courses possibles, notamment des courses de très haut niveau comme le Hong Kong Derby. Je cherche constamment à trouver des chevaux exceptionnels qui me permettront de remporter des victoires prestigieuses. Mon ambition est de rester à Hong Kong aussi longtemps que mon corps et mon esprit le permettront, tout en continuant à performer au plus haut niveau. Ma carrière est guidée par la passion et la détermination de toujours viser l'excellence. Chaque course est une nouvelle opportunité de me dépasser et de prouver ma valeur.

Alexis Badel court les mercredis à Happy Valley et tous les dimanches à Shatin. N'hésitez pas à aller le soutenir.