Revenir d’expatriation, 10 récits de retour en France voici le titre du nouveau livre de Sabrina Rouillé paru aux éditions Hikari. Il se place en nouvelle référence à lire pour les expatriés souhaitant rentrer en France. “Il y a toujours un retour et il faut le préparer presque autant que le départ”, explique Sabrina.
Expatriée de 2010 à 2017 au Vietnam, Sabrina revient sur les raisons de son départ et nous parle avec mélancolie de sa vie en Asie. Mais c’est à l’occasion de la sortie de son nouveau livre Revenir d’expatriation, 10 récits de retour en France, que Sabrina développe notamment son idée d’écrire sur les difficultés rencontrées par les expatriés à leur retour en France. Le livre compile des témoignages, des capsules personnelles mais surtout des conseils et sites internet utiles pour anticiper les difficultés lorsque l’on revient dans son propre pays.
Pouvez-vous nous en dire plus, comment et quand avez-vous pris la décision de vous expatrier ?
Cela faisait longtemps que nous voulions partir vivre à l’étranger pour avoir une expérience en famille en dehors de la France. Nous avions deux enfants. Lorsque nous sommes partis, ma fille avait 6 ans et mon fils 2 ans et demi. L’idée était de montrer à nos enfants que nous pouvions vivre différemment ailleurs et que c’était aussi très bien. Nous sommes partis à l’étranger via le métier de mon mari. Je suis arrivée au Vietnam avec mes enfants en février 2010 et nous sommes repartis en juillet 2017.
J’avais déjà personnellement beaucoup voyagé avant, mon mari aussi. Il était marin dans la marine marchande. Là, c’était un projet commun : découvrir un pays en y travaillant et en y vivant. Le but était aussi de se plonger dans une culture, si possible, vraiment différente de la nôtre, ce qui n’est pas possible si nous partions juste en tant que touristes.
L’idée était de montrer à nos enfants que nous pouvions vivre différemment ailleurs et que c’était aussi très bien.
Comment s’est fait votre retour en France?
Notre retour en France s’est fait pour plusieurs raisons. Nous avons vraiment adoré le Vietnam, ce pays nous a marqué. Nous n’étions pas des expatriés de “métier”, c'est-à-dire que nous n’étions pas partis pour le travail. Nous sommes restés 8 ans dans le pays par choix. Nous y avons créé des attaches.
La décision a été difficile à prendre, elle a été vécue comme un déchirement. Mais la ville était devenue polluée, j’avais du mal à concevoir d’y élever mes enfants. Personnellement, je travaillais au Vietnam pour la presse française mais pas autant que je l’aurais voulu. J'avais besoin et envie de revenir en France pour retrouver un métier, si possible pas trop tard, afin de retrouver mon indépendance financière. Avec l’âge passant, cela devient de plus en plus compliqué.
La décision a été difficile à prendre, elle a été vécue comme un déchirement.
Nous vivions une expatriation plutôt confortable. Je voulais que mes enfants reviennent dans un train de vie plus “normal”. La vie n’est pas toujours facile et je voulais qu’ils en prennent conscience. Ils ne le réalisaient pas forcément dans leur statut d’expatrié.
Nous sommes aussi rentrés pour se rapprocher de nos parents. Je pense que tous les expatriés se reconnaîtront lorsque l’on dit qu’il est difficile de les voir vieillir à distance.
Comment vous est venue l’idée d’écrire le livre?
Je ressentais beaucoup d’émotions lorsque nous sommes rentrés. Je trouvais que c’était difficile. Cela l’était aussi pour mon mari. Nous avons ressenti beaucoup de nostalgie et de difficultés à s’adapter. C’était surtout très compliqué pour nos enfants. Ma fille est arrivée en 4e et elle a vécu une année seule, sans comprendre ce qui lui arrivait. Mon fils est arrivé en CM2. De la même façon, cela a été très compliqué. Il n’ont pas retrouvé la bienveillance qui existait dans le milieu international. Les enfants sont très durs, surtout à cet âge là.
J’ai aussi cherché beaucoup de littérature sur le sujet et me demandais si on en parlait, s’il existait des conseils. Je ne voyais pas grand-chose. J’ai proposé l’idée du livre à mon éditeur qui y a directement cru et qui m’a encouragé.
Je me suis lancée dans des portraits car j’aime bien rencontrer des personnes et les faire parler. J’ai effectué un travail journalistique pour arriver à la version finale du livre. En identifiant les problématiques de retour, j’ai cherché des témoignages qui pouvaient les expliquer et les expliciter.
Mon but était de produire un retour et un partage d’expérience pour aider les expatriés dans leurs démarches. Proposer des informations pratiques était primordial. Il y a des liens, des noms d’associations, des numéros de téléphones, des conseils. Faire un livre utile était une priorité.
Nous avons ressenti beaucoup de nostalgie et de difficultés à s’adapter.
Qu’est-ce qui vous a particulièrement marquée?
J’ai été marqué par toutes les similitudes entre les témoignages. Cela m’a conforté dans l’idée qu’il y avait de réelles thématiques à approfondir. Je sentais qu’ils étaient très heureux d’en parler. Je les comprends car quand on revient d’expatriation, on a envie d’en parler. Or on ne peut pas toujours le faire, cela n’intéresse pas les personnes autour de nous. Et c’est bien normal je tiens à le dire, je ne leur en veux pas. Cependant, nous restons seuls avec la nostalgie, un retour difficile, un décalage. Tous les témoignages racontent cela. Ce sont ces similitudes qui m’ont interpellée.
Dans presque tous les témoignages on entend qu’ils se sentent 100% Français. Presque plus lorsqu’ils sont à l’étranger que lorsqu’ils reviennent en France. Comment expliquer ce phénomène?
Je crois que c’est profondément humain, nous ressentons une exacerbation de notre culture parce que nous sommes à l’étranger. Il y a sûrement aussi des choses qui nous manquent à l’étranger. Tout le monde n’a pas la même capacité d’absorber la culture de l’autre. Chacun vit différemment. Lorsque l’on revient, je ne dirais pas qu’on se sent moins français mais en tous cas on se sent différent. L’expatriation nous transforme. Je suis persuadée de ne pas être revenue la même.
Le fait de se sentir “supérieur” lorsqu’on revient d’expatriation est évoqué dans le livre. Comment adresser ce sentiment de supériorité, comment se comporter en revenant d’expatriation?
Le mot “supérieur” est peut-être un peu fort. Cependant, il est indéniable: nous avons vécu des choses qui nous ont fait grandir, qui nous ont changé. Ma plus grande crainte était que les personnes autour de moi pensent que je me prenne pour quelqu’un d’autre parce que j'avais vécu 7 ans à l’étranger. Il faut apprendre à se dire que, non, les gens n’ont pas forcément envie que nous en parlions. Ils n’ont pas envie de savoir que nous avons voyagé et que nous avions une superbe maison. C’est prétentieux et je n’avais pas du tout envie de m’étaler là-dessus.
La vie des gens en France n’est pas la même. Tout raconter n’avait aucun sens. Il faut faire preuve de modestie.
Là, je parle des gens qui ont une vie confortable. Mais il y a de tout en expatriation: des jeunes qui arrivent avec leurs sacs-à-dos, des jeunes qui partent en VIE, des retraités aux faibles revenus. Les expatriés couvrent énormément de situations sociales. Mais les Français ont une idée de l’expatrié fortuné qui a la vie facile.
Ma plus grande crainte était que les personnes autour de moi pensent que je me prenne pour quelqu’un d’autre parce que j'avais vécu 7 ans à l’étranger.
Vos témoignages personnels dans le livre sont assez mélancoliques. Pourquoi les avoir intégrés?
Je ne voulais pas parler de moi dans le livre. Sauf pour le préambule qui était très personnel et qui explique les raisons de pourquoi je l’ai écrit. Il m’est sorti du fond du cœur.
Mais mon éditeur m’a demandé de faire ces interludes, ces capsules personnelles. Je n’avais pas très envie au début puis j’ai suivi l’idée. Il fallait que je trouve comment j’allais les écrire. Cela m’est venu avec le drapeau vietnamien de mes enfants dans leurs chambres. Je me suis dit “ça va être un mot et de ce mot là, je vais écrire quelque chose qui m’est très personnel”. L’idée était de faire des courts textes mais très forts. Je parle vraiment de moi, ce sont des choses importantes. Tout simplement je voulais dire que j’ai adoré ce pays et que je n’y étais pas par hasard.
Vous écrivez : ”L’expatriation n’est pas une fin en soi”. Voyez-vous les choses de la même façon? Conseillez-vous de revenir?
Il y a toujours un retour. Tout le monde ne le sait pas quand il part et surtout n’y pense pas. Cela peut se faire dans très longtemps, on peut passer sa vie professionnelle entière en expatriation. Mais à un moment donné on rentre.
Il y a toujours un retour. Tout le monde ne le sait pas quand il part et surtout n’y pense pas.
Je ne pense pas que c’est un moyen pour mieux vivre en France à son retour. L’expatriation est très personnelle, chacun la vit différemment. On en a envie ou on n'en a pas envie. Évidemment, c’est une prise de risques, il y a des personnes qui ne le feront jamais car ils ne s’en sentent pas capables, et c’est normal.
L’expatriation c’est se demander si on a envie d’aller voir ailleurs ce qu’il se passe. C’est une richesse énorme. Mes enfants ne sont plus les mêmes. L’”autre” ne leur fait pas peur. Pour moi, c’était surtout cela qui était important.
J’ai l’impression que la majorité des témoignages parlent de problèmes administratifs en revenant en France, est-ce un problème que l’on peut améliorer? Existe-t-il un modèle que l’on pourrait suivre?
Je ne sais pas s’il existe un autre modèle à suivre mais dans tous les cas il faut l’améliorer. Anne Genetet, la député des Français de l’étranger, le dit également. Il y a très peu de travail fait dans ce domaine. Notre pays est un pays administrativement compliqué. Bien sûr qu’on pourrait simplifier les choses.
Les expatriés représentent 3 millions de personnes. C’est une petite communauté mais ce sont des personnes qui rentrent avec de nouvelles compétences. Cela devrait intéresser le gouvernement mais on n'avance pas. Les personnes ont toujours autant de difficultés sur des choses basiques. Je pense que la France devrait se poser des questions sur tous ses protocoles administratifs assez compliqués.
Notre pays est un pays administrativement compliqué. Bien sûr qu’on pourrait simplifier les choses.
Le livre se termine par l’idée de l’élaboration d’un registre unique où s’inscrire quelle que soit la durée ou les raisons de l’expatriation. Pensez-vous qu’un tel registre pourrait voir le jour?
Cela serait avantageux que le gouvernement s’intéresse aux expatriés. C’est une communauté pleine de compétences et de richesses. Lorsqu’ils rentrent, ils apportent quelque chose.
Je ne sais pas si cela verra le jour mais permettre de voir exactement combien il y a d’expatriés serait très intéressant. Tous ne s’inscrivent pas aux registres consulaires. Si on pouvait les identifier, on serait plus à même de les aider.
Je sens qu’il n’ y a pas assez d’écoute de la part du gouvernement. Les Français de l’étranger n’intéressent pas forcément lorsque l’on voit les problèmes qui existent déjà en France.