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Etre adolescent expatrié en temps de Covid-19

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Écrit par Adèle Hourdin
Publié le 18 février 2021, mis à jour le 22 février 2021

Quelles sont les problématiques que rencontrent les adolescents qui grandissent dans un pays étranger? C’est la question à laquelle a répondu le psychanalyste Jean-Luc Vannier lors d’une visio-conférence organisée par Armand Meimand, Conseiller des Français de l’étranger établis en Asie Centrale. 

Organisée par Armand Meimand, Conseiller des Français de l’étranger établis en Asie Centrale, en collaboration avec les écoles françaises de Téhéran, Bakou et Tachkent, et avec une introduction par la sénatrice Jacky Deromedi, l’événement en ligne était ouvert à tout professionnel scolaire ou parent d’adolescent qui le souhaitait. Le psychanalyste Jean-Luc Vannier a analysé les problématiques que peuvent rencontrer les adolescents qui vivent dans un milieu étranger, en particulier en temps de Covid-19.

 

Etre adolescent, qu’est-ce que c’est?

L’adolescence se définit par des changements très rapides autant psychiques que physiques. Une période de rupture lors de laquelle l’enfant devient adulte et doit se construire. Le psychanalyste Jean-Luc Vannier différencie trois besoins essentiels des adolescents face à ces changements. 

L’adolescent cherche à se distinguer des adultes. En déconstruisant la relation qu’il entretient avec ses parents il tente de construire sa personnalité propre, qui auparavant n’était définie qu’en rapport avec ses parents. Pour trouver de nouvelles identifications et de nouvelles références, il va tenter de « faire corps avec le groupe des pairs ». Des relations très fusionnelles s’installent entre amis à cet âge là. En parallèle, l’adolescent va chercher à reprendre le contrôle de son propre corps qui évolue à grande vitesse, ce que Freud appelle le « corps étranger interne », un corps qui ne lui appartient plus et qu’il faut réussir à apprivoiser.

 

Etre adolescent à l’étranger : « quitte ou double »

Si ce qui est appelé « les assises narcissiques » - fondations sur lesquelles l’enfant s’est construit, à travers tout ce qui a été prodigué par les parents dès le plus jeune âge -  sont équilibrées, alors l’expatriation sera fructueuse pour l’adolescent. Ce milieu étranger pourra être une façon de s’épanouir pleinement et de trouver sa place dans le monde adulte.

En revanche si ces conditions ne sont pas remplies, il est probable que l’adolescent éprouve des difficultés à s’implanter dans le pays étranger. Il peut percevoir ce milieu qui ne lui est pas familier comme un danger exogène alors même qu’il se bat déjà contre son « alien intérieur » - sa propre mutation physique et psychique. L’adolescent percevra cet environnement qu’il ne s’approprie pas comme une menace pouvant aller jusqu’à la rupture totale.

 

La triple quête adolescente

L’adolescent va tenter par plusieurs stratagèmes de reprendre le contrôle de son corps et son esprit en mutation. Il peut devenir l’auteur de ses souffrances physiques pour reprendre le contrôle sur tout ce qui lui échappe, flirter avec le risque létal pour éprouver des sensations fortes et donner un sens à sa vie, ou alors se signaler avec insistance auprès des adultes avec l’espoir d’être reconnu par eux par l’acte délinquant.

 

L’adolescent face au Covid-19

La crise sanitaire a entrainé de nombreuses restrictions - confinements, couvre-feu, interdiction de sortir du territoire, cours à distance… - et pour l’adolescent, la question de limite est fondamentale. Dans sa quête de soi, l’adolescent cherche à définir et préciser les contours de sa limite interne. En ajoutant à ça que la pandémie frappe particulièrement les personnes âgées, l’adolescent peut se sentir invulnérable face au risque sanitaire. Il va davantage chercher à transgresser les limites imposées en sortant ou voyant des amis. Ces transgressions peuvent aussi s’accompagner d’un sentiment de culpabilité car l’adolescent ne peut non plus ignorer les risques qu’il fait courir aux personnes plus âgées.

La pandémie a aussi mis à mal le désir d’immédiateté des adolescents et la recherche de l’excitation. Lorsque cette satisfaction ne peut être obtenue, comme dans le cas des restrictions liées au Covid 19, l’adolescent peut prendre cette frustration comme une atteinte directe à son mode de pensée. 

Jean-Luc Vannier a rappelé lors de la conférence qu’il est très important de dire « non » aux adolescents, même en dehors du cadre de la pandémie, tout en sachant que l’adolescent ne le respectera pas forcément. Imposer une limite est primordial car l’adolescent se construit sur la transgression des règles imposées par ses parents.

 

Même si la pandémie a mis à mal des éléments importants pour le développement de l’adolescent, il ne faut pourtant pas s’inquiéter. Les chefs d’établissements étrangers présents lors de la conférence ont noté que lorsque l’équilibre familial et que le lien avec l’établissement scolaire était maintenu, les adolescents ne présentaient pas davantage de soucis que durant une période « habituelle ».