Troubles de l’apprentissage et inclusion scolaire, un défi à l’échelle mondiale

3,6 % des élèves en France sont en situation de handicap, selon les derniers chiffres donnés par le gouvernement à la rentrée 2023 ; une large définition englobant également les élèves atteints de troubles dys, appartenant à la catégorie des troubles cognitifs (dyslexie, dyscalculie, dysphasie…). En ce qui concerne l’international, aucun chiffre récent n’existe à ce jour, pourtant, sur l’ensemble de la planète, les établissements scolaires se retrouvent plus largement confrontés à des complications dans leur apprentissage. Proviseurs, professeurs et personnels éducatifs du monde entier tentent de relever ce défi, en faisant notamment appel à des services extérieurs. 

La maman souligne également l’absence de structure spécialisée au sein du lycée français de Hanoï

 

Quand les troubles de l’apprentissage défient l’inclusion scolaire

Il est parfois compliqué de permettre l’inclusion de chaque élève au sein d’un établissement scolaire. Malgré la hausse des Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap (AESH) relevée ces dernières années en France (plus de 50 % entre 2017 et 2022, ce qui représente un professeur sur huit, d’après le rapport déposé en mai 2023 par le gouvernement), certaines situations restent complexes à évaluer. 

La maman de Léandre, résidant à Hanoï, s’est notamment retrouvée face à ce type de difficultés. Après une année éprouvante de CP à la maison, ils découvrent, avec son mari, que le garçon est atteint de dyslexie, lors d’une consultation chez l’orthophoniste : « Nous avions l’impression que les devoirs qui étaient donnés pour une journée, on aurait pu passer une semaine sans qu’il n’arrive à les faire. Tout était compliqué. ». La maman souligne également l’absence de structure spécialisée au sein du lycée français de Hanoï, mais aussi le besoin crucial d’une détection plus précoce, la présence d’orthophoniste au sein de l’école ainsi qu’une approche éducative axée sur l’intérêt personnel des enfants dyslexiques.

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Rien n’a jamais été mis en place, et on me rejetait même la faute

 

D’autres en subissent encore aujourd’hui les conséquences. 

Charline, âgée de 23 ans, a quant à elle étudié en France. Atteinte de dyslexie et de dysorthographie, elle est à présent salariée dans une grande firme de bricolage. Elle relate comment ses troubles ont entravés son parcours éducatif dès son enfance : « Je n’ai jamais été aidée durant ma scolarité, au contraire, je vivais même une forme de harcèlement de la part des professeurs. Rien n’a jamais été mis en place, et on me rejetait même la faute, comme quoi je ne travaillais pas assez. Je ne me sentais pas bien en cours, j’avais l’impression d’être différente des autres et plus stupide que la moyenne. Je me suis alors déscolarisée pour entrer le plus rapidement possible dans le monde du travail. Aujourd’hui encore, tout cela m’affecte, mais j’arrive à concilier mes troubles dys avec mon travail actuel. ».

- La dyslexie est un trouble cognitif du langage écrit, identifiable dès le plus jeune âge. Il se manifeste notamment par des difficultés à lire, à assimiler de nouveaux mots, à construire des phrases, à reconnaître les lettres, à créer des rimes, ainsi qu’une mémoire immédiate limitée.
- La dysorthographie se manifeste par des difficultés dans la transcription de mots prononcés de manière similaire (par exemple, lorsque l’on confond “sa” et “ça”), mais aussi des confusions et des erreurs de syntaxe, tant à l’oral qu’à l’écrit.
- La dyscalculie est un trouble lié aux compétences mathématiques. Il se caractérise par une difficulté à comprendre et à utiliser les nombres de manière générale, ainsi que les concepts de proportions, d’ordre de grandeurs et toutes autres formules mathématiques. 

L’éducation et l’accompagnement au-delà des frontières

Dans ce panorama complexe de l’éducation, des professionnels comme Eugénie Pettigrew-Leydier émergent comme des phares d’espoir. L’orthopédagogue franco-canadienne, spécialisée dans les troubles de l’apprentissage, a fondé Aideor en 2016. Son entreprise a pour vocation d’accompagner les élèves en difficulté, mais aussi les professeurs, dans différents pays. Ancienne lauréate des Trophées des Français à l’étranger de 2021, Eugénie a constaté durant son parcours professionnel un réel besoin : Tous les enseignants ne sont pas formés, tout comme les méthodes pédagogiques qui ne sont pas systématiquement adaptées aux enfants atteints de troubles dys. ».Aideor propose des cours particuliers en visioconférence pour les enfants, mais aussi des formations destinées aux professeurs et au personnel éducatif. 

Le plus dur est d’identifier les élèves en difficulté, tout comme les élèves « en avance », qui peuvent aussi se retrouver en situation d’exclusion

Certains établissements entreprennent des démarches de leur côté. Laurent Casañas est proviseur du lycée français de Saint-Domingue et s’est lui aussi retrouvé confronté à ces situations d’exclusion : « Lorsque l’on travaille dans le milieu scolaire, aborder les diverses difficultés, telles que les troubles dys, est notre priorité, énonce-t-il. Nous avons été amenés à prendre en charge de plus en plus d’élèves touchés par des handicaps, il fallait donc trouver des solutions d’inclusion, et les faire sortir d’un système excluant. ». Laurent Casañas s’est donc tourné vers Eugénie Pettigrew-Leydier. Avec toute la coopération de son équipe éducative, ils ont mis en place des aménagements spécifiques au sein de leur structure. Dès lors, des formations courtes, faisant de l’adaptabilité la clef de la réussite inclusive : « Le plus dur est d’identifier les élèves en difficulté, tout comme les élèves « en avance », qui peuvent aussi se retrouver en situation d’exclusion, explique-t-il. La gestion du cas par cas, bien que chronophage, est pourtant essentielle. ». Les résultats de l’initiative à Saint-Domingue sont palpables, avec un climat scolaire plus apaisé et une mobilisation complète des équipes éducatives. 

"J’ai récupéré mon fils par la thématique. Sa clef à lui était là… ".

Léandre, quant à lui, entre en CE2. Il va régulièrement chez l’orthophoniste. Très curieux, il s'épanouit aujourd’hui par d’autres formes d’apprentissage qui se concentrent sur l’intérêt de l’enfant. " À présent, Léandre adore lire une recette de cuisine ou préparer un exposé de sciences, car il est très intéressé par ce qu’il découvre ou va présenter aux autres ”, confie sa maman à Hanoï. "J’ai récupéré mon fils par la thématique et l’intérêt qu’il met dans son quotidien scolaire. Sa clef à lui était là… ".