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M'jid El Guerrab - "Nous devons être solidaires"

M'jid El Guerrab coronavirus maghreb afriqueM'jid El Guerrab coronavirus maghreb afrique
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 1 avril 2020, mis à jour le 2 avril 2020

Alors qu'une crise sanitaire sans équivalent secoue la planète, lepetitjournal.com est allé à la rencontre des députés des Français de l'étranger. M'jid El Guerrab, député de la 9e circonscription, évoque avec nous les conséquences pour les Français expatriés au Maghreb et en Afrique de l'Ouest suite à la pandémie de coronavirus. 

L’Afrique est le continent qui inquiète le plus pour demain

Quelle est la situation dans votre circonscription 

M'jid El Guerrab - Comme partout dans le monde, la situation dans ma circonscription (Maghreb et Afrique de l’Ouest) est préoccupante. Le 25 mars 2020, l’Afrique comptait 2 475 cas confirmés de coronavirus, une hausse de 20 % en 24 heures. Le Covid-19 a déjà coûté la vie à 64 personnes sur le continent46 pays sur 54 sont touchés. L’Afrique est le continent qui inquiète le plus pour demain, alors qu’on le disait épargné il y a quelques jours encore. Certes, à ce stade, c’est le continent où le nombre de cas recensés et confirmés est le plus faible, mais cela est lié à la capacité de diagnostic. Par ailleurs, l’importance des liens familiaux et l’étendue de l’économie informelle, soulèvent quelques craintes quant au bon respect des règles de confinement. Je suis pour cela en contact permanent avec nos ambassades, nos consulats, non conseillers consulaires, les associations et bien entendu le Quai d’Orsay, qui tous réalisent un travail exceptionnel, sur le terrain ou à Paris, pour juguler au mieux les différents aspects de cette crise sanitaire sans précédent.

La situation peut très vite exploser

Constatez-vous des difficultés particulières rencontrées dans certains pays par les expatriés ?

Il y a bien évidemment la crainte de l’impréparation face à la pandémie et surtout le risque de voir les hôpitaux et les places en réanimation très vite saturés, dans les pays du Sahel, déjà confrontés à la guerre contre les groupes terroristes. Disons-le, le Mali et le Burkina Faso, sont les pays où la situation peut très vite exploser si les bonnes mesures ne sont pas prises dès le début. Pour ce dernier pays, cher à mon cœur, dont je préside le Groupe d’Amitié France-Burkina Faso à l’Assemblée Nationale, le virus a déjà contaminé 140 personnes et tué 7 personnes dont la Vice-Présidente de l’Assemblée Nationale, notre regrettée collègue Rose Marie Campaoré. Déjà éprouvé par une grave crise humanitaire et sécuritaire, c’est un peu la double peine, si les ONG ne peuvent plus faire leur travail sur le terrain à cause de la suspension des liaisons aériennes. Au Sénégal et en Côte d’Ivoire, la situation semble être stable pour le moment. En ce qui concerne le Maghreb, si les suspensions immédiates de liaisons aériennes et maritimes, ont pu paraître drastiques pour nos compatriotes, fortement présents dans la zone, elles ont surtout démontrées que les autorités marocaines, algériennes et tunisiennes, ont rapidement pris la pleine mesure de la menace qui se profilait. D’ailleurs, elles ont très vite pris des directives sérieuses en ce qui concerne le confinement, qui semble majoritairement respectées par les populations.

Il y a la une vraie réflexion à mener sur le plafonnement du prix des billets d’avion en période de crise

Constatez-vous des problèmes de rapatriement pour les touristes bloqués sur place ?

Nos compatriotes de passages au Maroc ou en Tunisie, pour raisons familiales, professionnelles ou touristiques et qui se sont trouvés bloqués du jour au lendemain, sont ceux qui ont tout de suite fait la une des journaux français. Toutefois, à travers diverses interventions diplomatiques et politiques, des solutions leur ont très vite été proposées. J’ai moi-même eu le ministre des Affaires Etrangères du Maroc au téléphone. Ainsi au Maroc, il y’a 10 jours, il y’avait plus de 20 000 Français bloqués en raison de l’interruption des lignes aériennes et maritimes. Un pont aérien a été mis en place avec près de 150 vols et quasiment tous ont pu être rapatriés en 1 semaine. Idem en Tunisie. La situation semble plus compliquée en Algérie, essentiellement dû à l’éloignement entre les villes où se trouvaient nos compatriotes et les aéroports les plus proches, comme entre la Kabylie et Alger ou entre Tlemcen et Oran.

Et pour le moment avec le Sénégal et la Côte d’Ivoire, il existe encore quelques liaisons. Le vrai problème, se trouve dans l’intitulé de votre question puisqu’il ne s’agit pas de rapatriement à proprement parlé comme on a voulu le croire, mais de mise à disposition de vols commerciaux avec un prix de retour parfois exorbitant à la charge des usagers. Certaines compagnies aériennes jouent le jeu, d’autres non. Il y a la une vraie réflexion à mener sur le plafonnement du prix des billets d’avion en période de crise. Comme nous avons un plan blanc dans les hôpitaux, il faut imaginer pour le futur des plans bleus pour l’espace aérien et que la crise soit gérée de manière plus fluide et plus coordonnée. Le Centre de Crise fait un boulot exceptionnel mais avec très peu de moyen... Nous devons renforcer sa capacité d’action et même de coercition sur les compagnies aériennes en imaginant un dispositif spécifique en période de crise ! Quand je dis cela, je parle des compagnies étrangères qui voudraient continuer à utiliser notre espace aérien... 

Je souhaite que des mécanismes urgents soient très vite déployés

Des aides ont-elles été mises en place (ou en négociation) pour aider les entrepreneurs présents dans votre circonscription et pour qu'ils se protègent de cette crise sanitaire qui pourrait se prolonger en crise économique ?

Très vite, j’ai interpellé le ministre de l’Economie et des Finance, M. Bruno Le Maire à ce sujet. En effet, dès le 16 mars le Président de la République, Emmanuel Macron a annoncé la création d’un fonds de garantie à hauteur de 300 milliards d’euros devant être ouvert à tous les nouveaux prêts bancaires. Or, dans ma circonscription où sont installés bon nombre d’entrepreneurs et de chefs d’entreprise français, il existe d’importantes inquiétudes. Egalement soumis aux restrictions sanitaires de nos partenaires, leurs établissements, notamment touristiques et hôteliers, ont dû fermer subitement, sans aucune garantie de soutien contrairement à leurs homologues métropolitains. Je souhaite que des mécanismes urgents soient très vite déployés. Toutefois, alors que nous sommes encore en pleine crise, des pays comme le Maroc ont déjà pris des décisions importantes. Ainsi, le Roi du Maroc Mohamed VI a ordonné le 15 mars la création d’un fonds spécial pour la gestion de la pandémie de coronavirus doté d’une enveloppe actuel de plus de 3 Milliards d’euros.  Par ailleurs, le paiement des charges sociales (CNSS) a été suspendu pour les entreprises du 1er mars à juin 2020. D’autres mesures devraient également suivre. Une réflexion spécifique est engagée pour les femmes et les hommes qui vivent de l’économie informelle. Attendons de voir ce qu’il en ressort. 

 

Je souhaite que l’unité et la solidarité restent les maîtres mots durant cette période difficile

Quel message souhaiteriez-vous communiquer à nos lecteurs en cette période difficile ? 

J’ai une pensée toute particulière pour vos lecteurs qui ont pu connaitre plus que d’autres le drame de la fermeture immédiate des frontières. Je souhaite que l’unité et la solidarité restent les maîtres mots durant cette période difficile pour tous à l’échelle planétaire. J’ai engagé une démarche que j’encourage tous mes collègues députés à faire : nous avons créé un groupe de discussion et d’échange avec tous les élus locaux et représentants associatifs de ma circonscription pour diffuser les bonnes informations et surtout pour mettre du liant entre les uns et les autres, quelles que soient nos étiquettes partisanes et nos familles politiques. Nous devons être solidaires les uns envers les autres et partager nos expériences qui peuvent être utiles à autrui. 

Je souhaite surtout que vos lecteurs puissent prendre soin de leurs proches surtout si ceux-ci ont eu à être éloignés d’eux. Alors que nous sommes près de 3,5 Milliards d’êtres humains confinés, j’espère que cette période puisse nous permettre collectivement de repenser le monde d’après. Il sera temps ensuite d’imaginer collectivement des solutions pour que nous ne revivions pas de nouveau ce chaos.

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