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Les ambassadeurs invités à bâtir une diplomatie « de l’audace »

conférence des ambassadeurs 2019conférence des ambassadeurs 2019
© MEAE
Écrit par Justine Hugues
Publié le 29 août 2019, mis à jour le 3 décembre 2020

La conférence des ambassadeurs et ambassadrices, qui se tient toute la semaine à Paris, réunit près de 200 diplomates, invités à repenser la place de la France dans le monde. 

« Il y a une recomposition du monde et la France, puissance d’équilibre, doit y prendre toute sa part ». Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et plusieurs centaines de diplomates ont consacré cette semaine de pré-rentrée à un grand remue-méninges.  

Comme chaque année, la conférence des ambassadeurs et ambassadrices est l’occasion pour ces derniers d’échanger entre eux, de débattre avec des élus, des experts, représentants de la société civile ou du secteur privé. Troisième au monde, derrière les Etats-Unis et la Chine, le réseau diplomatique français comprend 160 ambassades, 16 représentations permanentes auprès d’instances multilatérales, deux bureaux de coopération (Pyongyang et Taïpei) et 89 consulats généraux, employant près de 15.000 personnes, dont 10.000 à l’étranger. 

 

Fin de l’hégémonie occidentale

 

Le bouleversement du monde vers une architecture incertaine, instable et risquée était encore sur toutes les lèvres cette année.  Reprise de « l ’ensauvagement » – de par l’abandon des traités d’armement - crise de l’économie de marché, révolution technologique, enjeux écologiques majeurs…Autant de manifestations du bouleversement des démocraties occidentales et de l’avènement d’un ordre international nouveau. « Il y a un risque que le monde se défasse », alerte Edouard Philippe, dans son allocution.  

 

Mais vouloir sortir d’un système reposant « sur des réalités d’asymétrie » semble aussi être un leitmotiv pratique pour justifier des réformes qui ont fait grincer des dents. Preuve en est les positions tenues par le Président de la République et les ministres face aux diplomates sur l’augmentation des frais de scolarité dans les universités françaises pour les étudiants étrangers.  « Jusqu’à présent, on acceptait tout le monde, mais c’était un système postcolonial, dans lequel on actait qu’il était impossible pour les étudiants de faire une licence dans leur pays d’origine », affirme le Président. Et son Premier ministre de rassurer les troupes quant à l’effet de la mesure sur les demandes d’inscription dans les universités françaises : « Il y a une transformation des publics et une augmentation du nombre d’étudiants étrangers, notamment d’origine indienne ». 

 

Les cartes de la France dans ce monde nouveau ? Jouer son rôle de « puissance d’équilibre » dans une Europe « souveraine ». 

 

conférence ambassadeurs 2019

 

 

Puissance d’équilibre

« Nous ne sommes pas une puissance alignée qui considère que les ennemis de nos amis sont aussi les nôtres » assure le président Macron, pour qui la France doit « décliner cette forme d’indépendance indispensable de notre démocratie », en « repensant notre relation avec certaines puissances ». Premier « ennemi » d’hier visé : la Russie, qu’il serrait erroné de « vouloir pousser loin de l’Europe ».

De l’Afrique aux Balkans en passant par l’axe indopacifique, de la lutte contre le terrorisme à la neutralité carbone, le président Français appelle les diplomates à renforcer les relations bilatérales et repenser les alliances, pour contrer les velléités hégémoniques chinoises et américaines. Pour le gouvernement, l’Europe, dont « certaines puissances sont résolues à faire leur terrain de jeu », doit rester le partenaire privilégié de l’Hexagone, en plus d’être un laboratoire pour construire un nouvel « humanisme » et refonder une identité.  

Et concrètement ?

 

« Stratégie de l’audace »

 

Corolaire des politiques intérieures menées depuis le début du quinquennat, l’action intérieure de la France doit poursuivre sa transformation. « A la vitesse verticale et percutante du début du quinquennat, on substitue la puissance horizontale de la concertation », a tenu à rappeler le premier ministre Edouard Philippe, dans son allocution aux diplomates. 

 

Agilité, mobilité, imagination : les têtes de l’Etat appellent à revisiter les automatismes, avec leur rhétorique habituelle sur l’obsolescence de l’ancien monde. Pilotée par le nouveau secrétaire général du quai d’Orsay, François Delattre, la modernisation de la diplomatie devrait passer, entre autres, par un plan pour la parité (45 femmes pour 140 hommes actuellement), une meilleure indexation des salaires à l’inflation et aux taux de change, un vrai outil de reconversion des cadres, un vivier de primo ambassadeurs, une nouvelle direction numérique. 

 

Pour mener la « bataille d’influence » sur le terrain, « il faut qu’il n’y ait qu’une seule stratégie française par pays », rappelle le ministre Le Drian, évoquant, en creux, les situations où ambassade, AFD, Institut Français, Alliance Française ont pu se marcher sur les pieds. 

 

Premier partenaire de cette nouvelle « stratégie de l’audace », la société civile, avec qui les liens doivent être « renouvelés » et intensifiés ». « Vous devez être à la fois des connaisseurs et amis des peuples où vous êtes et des inventeurs d’une diplomatie à rénover », appelle Emmanuel Macron. 

 

Outre les allocutions ministérielles, le quai d’Orsay a choisi, suite au succès des précédentes éditions, de renouveler son opération de speed dating économique : des entretiens de 15 minutes entre 400 chefs d’entreprise venant de toute la France et des ambassadeurs en poste ont été organisés en début de session. La semaine se conclut vendredi 30 août par un déplacement des ambassadeurs dans onze régions métropolitaines, où ils rencontreront préfets, élus, et principaux responsables économiques publics et privés. 

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