Son Excellence Philippe serait en outre né à Paris ou dans les Hauts-de-Seine et passé par les bancs de Sciences Po Paris. Tim Laurence, étudiant en sciences politiques à Lille, a entrepris de dresser le profil sociologique des 181 ambassadeurs français en poste en mars 2018. Des résultats aussi amusants que révélateurs de la reproduction sociale des élites dans le corps diplomatique français.
« L'idée d'étudier les ambassadeurs m’est venue suite à la lecture de la lettre envoyée par l'ambassadeur Zaïr Kedadouche, alors en poste à Andorre, au Quai d'Orsay en 2013. Celle-ci laissait présager des écarts importants de représentativité entre les ambassadeurs et la population française ». Tim, 21 ans, passionné par la question de la représentativité de nos élus et hauts fonctionnaires, n’en est pas à son premier tir d’essai. Il vient en effet de boucler une étude similaire sur le profil sociologique des maires de l’Hexagone.
A partir d’une compilation de données fournies par le Quai d’Orsay, Tim a passé au peigne fin les prénoms, genres, dates et lieux de naissance et formations académiques de nos 181 ambassadeurs actuellement en poste.
Près d’un ambassadeur sur dix s’appelle Philippe
L’ambassadeur moyen, né en 1961, a 57 ans aujourd’hui. Si le plus jeune, en poste à Amman, est âgé de 40 ans, le plus âgé, au Saint-Siège, fêtera cette année ses 66 ans. « L’usage des prénoms permet de montrer sensiblement la surreprésentation des personnes nées dans les années 1950 et 1960 », explique l’auteur de l’étude. Philippe, François et Christian, prénoms les plus communs chez les ambassadeurs, sont en effet la traduction d’un effet générationnel.
D’où viennent ces hauts représentants de la France à l’étranger ? De Paris et Neuilly-sur-Seine, pour pléthore d’entre eux. La capitale serait pourvoyeuse de 21% des ambassadeurs, tandis que la commune huppée des Hauts-de-Seine en fournirait 9%. En comparaison, en 2016, selon l’INSEE, les naissances à Paris représentaient uniquement 3.6% des naissances totales en France.
Sciences Po Paris et l’ENA : le doublé gagnant
Plus de 57% des ambassadeurs sont passés par les bancs de la rue Saint Guillaume à Paris. L’ENA n’est pas en reste, avec 45 % des ambassadeurs y ayant réalisé leurs études. Si ces deux institutions constituent toujours la voie privilégiée d’accès aux hauts postes diplomatiques, l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) a également formé 17% de la cohorte étudiée. Enfin, les Ecoles Normales Supérieures (ENS), les écoles de commerce comme HEC ou l’ESSEC et les Instituts d’Etudes Politiques (« Sciences Po », hors Paris) comptent également plusieurs diplômés parmi les ambassadeurs français.
Où sont les femmes ?
Avec seulement un quart des ambassadeurs de sexe féminin, la parité parmi les hauts gradés de la diplomatie française semble être un horizon lointain. Des pans entiers de la planète, tels que l’Amérique du sud, demeurent la chasse gardée des hommes. « Les postes dans les pays stratégiques sont souvent occupés par des hommes », analyse Tim. Cela concerne, entre autres, les Etats-Unis, 4 des 5 BRICS (lesquels concentrent 40% de la population mondiale), ainsi que la totalité des pays de la péninsule arabique.
« La diversité a été oubliée par le Quai d’Orsay »
Pour Tim, « si volonté il y a d’ouvrir les postes d’ambassadeurs à d’autres profils, elle ne se matérialise pas dans les données à disposition ». Le constat d’un devoir de renouvellement des ambassadeurs, constitue, pour l’auteur de l’étude résolu à faire bouger les lignes, une piste de réflexion à creuser au Quai d’Orsay, et plus largement au sein des autorités politiques. « Il me semble que la question de la diversité, qu'elle soit sociale, géographique, en termes de genre, de diplôme ou d'âge a été relativement oubliée par le Quai d'Orsay », déplore-t-il. Avant d’invoquer « de nouveaux profils et horizons dans cette fonction en pleine mutation ». A l’heure où le président français appelle à un renouvellement de la classe politique par des experts à la place des énarques, le vœu de Tim restera-t-il pieux ?
Pour consulter l'étude dans son intégralité, cliquez ici
A propos de l'auteur : né en 1997, Tim Laurence est un étudiant en troisième année à Sciences Po Lille (IEP de Lille), passé par la Pontificia Universidad Catolica de Chile à Santiago du Chili. Son étude sociologique sur le profil sociologique des ambassadeurs Français en 2018 s’inscrit dans un travail plus large axé sur les caractéristiques sociologiques spécifiques à certains groupes sociaux, professions ou corporations. Celle-ci fait suite à une première enquête sur le portait sociologique des maires de France élus en 2014, publiée en mars 2018.