Face à la fermeture des frontières qui empêche les Français de l’étranger de rentrer chez eux depuis le 31 janvier, le sénateur Damien Regnard a posté une vidéo adressée à Emmanuel Macron avec le hashtag #JeVeuxRentrerChezMoi.
Vendredi 29 janvier, le Premier ministre Jean Castex annonçait : « Toute entrée en France et toute sortie de notre territoire à destination ou en provenance d'un pays extérieur à l'Union européenne sera interdite, sauf motif impérieux». La liste de ces motifs, uniquement « indicative », prévoit la possibilité de rentrer pour des raisons familiales, professionnelles ou de santé graves. Les frontières avec l’espace européen restent, elles, ouvertes avec obligation de présenter un test PCR négatif de moins de 72 heures.
Suite à cette annonce, plusieurs dizaines de milliers de Français établis en dehors de l’Union Européenne se sont retrouvés, de fait, dans l’impossibilité de rentrer en France. Un recours en justice a été déposé par l’avocat Pierre Ciric établi aux Etats-Unis. Dans une tribune sur Le Figaro, son collectif explique que « en fonction de leur lieu de résidence, les Français ne sont, de facto, plus égaux en droits », ce qui pose de « véritables questions juridiques et constitutionnelles ».
Une pétition, lancée par le Conseiller des Français de l’étranger pour le Canada Yan Chantrel, qui a déjà regroupé plus de 18000 signatures évoque une « mesure discriminatoire », « contraire aux libertés fondamentales » et « au droit international ».
Sur les réseaux sociaux, le hashtag #JeVeuxRentrerChezMoi a été largement relayé. Dans une vidéo postée sur Twitter et Facebook, le sénateur représentant des Français établis hors de France, Damien Regnard, a exprimé son incompréhension face à ces mesures et interpelé le président Emmanuel Macron sur le sort des Français de l’étranger.
? Monsieur le Président @EmmanuelMacron, je veux rentrer chez moi !#Jeveuxrentrerchezmoi pic.twitter.com/1jCaYdqEQS
— Damien Regnard (@damienregnard) February 3, 2021
Dans un entretien avec lepetitjournal.com, le sénateur s’explique.
Pourquoi avoir posté cette vidéo?
Cette vidéo était un message vraiment sincère de ras-le-bol devant la multitude d’e-mails, de coups de téléphone et de messages WhatsApp que nous avons reçu pendant tout le week-end de la part de Français dans l’incompréhension totale. Certains avaient des billets d’avion déjà en poche, d’autres des projets à court ou moyen terme, professionnels ou familiaux. Nous avons reçu des témoignages particulièrement émouvants de gens qui se sont retrouvé dans des situations très difficiles.
Vous avez fait part de votre colère face aux mesures de fermeture des frontières, qu’est-ce qui vous a choqué?
Tout d’abord, on touche à un droit fondamental. La France est l’un des rares pays à interdire à ses ressortissants de revenir dans leur pays. Cette mesure instaure aussi une discrimination entre les Français qui sont en Europe et hors Europe alors que rien sur un plan sanitaire ne le justifie. Nous laissons par exemple rentrer des personnes qui viennent du Portugal qui subit en ce moment une vague terrible du virus, mais il est interdit à des personnes venant de Taïwan ou de Singapour, qui n’ont pas eu de cas depuis très longtemps, de rentrer. Aucune concertation européenne n’a été mise en place, il est encore possible de rentrer en transitant par des pays européens qui n’ont pas les mêmes normes que la France. A noter aussi qu’à condition d’avoir les moyens, il est toujours possible d’arriver en jet privé depuis le Bourget sans aucun contrôle.
Si un système est instauré, il faut qu'il soit légal, solide, légitime et qu'il soit implacable en terme de contrôle. Si vous avez des failles partout, cela ne sert à rien. Des honnêtes gens se retrouvent coincés, ceux qui veulent trouver des moyens détournés en trouvent et rien n’est mis en place contre cela.
J’ai aussi été choqué par la soudaineté de la mesure, le fait qu’aucune close de revoyure n’ait été envisagée ni aucune date de fin, ce qui rend impossible toute organisation pour les Français hors de France.
La liste « indicative » des motifs impérieux pour rentrer en France ne vous satisfait pas, pourquoi?
A partir du moment où des exceptions sont mises en place, où s’arrêtent-elles? Un motif légitime n’est pas forcément un motif impérieux. Un grand-père atteint d’Alzheimer est-ce une raison suffisante pour rentrer en France? Non car il n’est pas mort. S’il l’était, cela deviendrait une raison valable. C’est quand même aberrant. Même si des conditions sont ajoutées tous les jours, il n'y en aura jamais assez puisqu'il y aura toujours une exception.
Beaucoup de personnes doivent rentrer en France pour se faire soigner, et doivent fournir des preuves, ce qui porte fortement atteinte à la vie privée et au secret médical. Il y a aussi des cas de Français à l’étranger à qui il avait été dit en décembre qu’ils pourraient rentrer en France pour se faire vacciner et qui ne peuvent plus venir car ce motif n’est pas pris en compte dans les motifs impérieux.
Qu’est-ce que vous envisagez comme mesures qui permettraient aux Français de rentrer dans leur pays sans risque sanitaire?
Je suis pour la fermeture des frontières si elle est efficace. Je suis pour des contrôles à l'arrivée mais stricts. Il y a des choses faciles à mettre en place qui consistent à obliger un test au départ et à l’arrivée. Je ne crois pas que les Français seraient scandalisés d’avoir un test à l’arrivée. La Constitution ne permet pas d’enfermer les individus de force, mais il serait quand même possible de prendre les coordonnées de ceux qui entrent en France et faire un suivi. Il y a des possibilités qui existent mais on ne veut pas s’en donner les moyens.
J’ai pris l’avion il y a dix jours. Je n’ai eu qu’un simple test PCR à présenter avant le départ et une caméra thermique à l’arrivée pour prendre la température. J’ai interpellé l’agent en charge de la procédure qui m’a indiqué qu’une personne présentant de la fièvre était simplement prévenue puis pouvait repartir sans plus de contrôle.
Trouvez-vous que les représentants des Français de l’étranger sont assez consultés en amont lors des décisions sanitaires?
Nous n’avons en tout cas pas été concertés lors de la décision de fermer les frontières. Les Français de l’étranger sont souvent peu écoutés. Quand des décisions sont prises les concernant, le gouvernement se dit que cela ne va pas faire beaucoup de bruit. Là, on est dans le cas d’une décision absurde pour laquelle la simple concertation aurait permis de dégager des solutions.
Des recours en justice ont été déposés par des Français de l’étranger, est-ce que vous les soutenez?
Sur le principe, je les soutiens mais je ne me fais pas beaucoup d'illusions. Le Conseil d'Etat va trouver des vices de forme ou toutes les raisons de ne pas statuer sur ce sujet car il se retrouve dans des situations délicates, ce que je peux comprendre. C'est regrettable.
Quelles actions envisagez-vous suite à votre vidéo?
Je vais essayer d'avoir un entretien avec le secrétaire d’Etat Jean-Baptiste Lemoyne pour voir avec lui si il est possible de reconsidérer cette mesure. Je vais aussi demander et saisir des juristes pour suivre l'affaire d'un point de vue juridique et continuer à essayer de résoudre les cas de personnes en détresse, qui sont dans des situations d’urgence, qui nous contactent et pour lesquels il faut trouver des solutions.