Cécilia Gondard est la première secrétaire fédérale de la fédération du Parti Socialiste pour les Français de l’étranger. Dans cet entretien exclusif, la conseillère consulaire des Français de Belgique revient sur les grands engagements du projet socialiste pour les prochaines élections consulaires.
Pourquoi est-il important pour les Français de l’étranger de prendre part à ces élections consulaires ?
Les 29 et 30 mai, les Français de l'étranger vont élire leurs conseillers des Français de l'Etranger. Les conseillers des Français de l’étranger ont une double fonction.
Tout d'abord, ce sont des élus locaux, qui sont à leur écoute, qui donnent leur avis sur des sujets importants tels que l'aide sociale, l'enseignement, le soutien pour les anciens combattants et leurs familles, etc. Hélène Conway, alors Ministre des Français de l’Etranger au sein du Gouvernement Ayrault II, avait renforcé en 2013 les pouvoirs des élus locaux des Français.e.s de l’étranger, en créant les conseils consulaires, dans lesquels ils siègent désormais.
La deuxième fonction, c'est de faire remonter au Ministre et aux parlementaires les problèmes identifiés dans leur circonscription. En tant que conseillers des Français de l'étranger, nous le faisons avant tout au travers de l'Assemblée des Français de l'Etranger et de nos sénateurs et sénatrices, dont nous sommes les grands électeurs.
Le manque d'anticipation dans la gestion de la crise sanitaire par les Gouvernements Philippe et Castex, nous rappelle plus que jamais qu’il est essentiel pour les citoyens français à l’étranger de faire entendre leur voix lors de ces élections consulaires, pour que nous puissions à notre tour les défendre pendant toute la durée de notre mandat. C’est ce que nous faisons. N’oublions pas l’annonce d’économies de 10% de la masse salariale en début de quinquennat avant le revirement du ministre au budget 2020/2021, ou la réforme fiscale votée puis retirée par les parlementaires LaREM: nous avons dû nous mobiliser aux côtés des collectifs citoyens, avec les élus socialistes, pour les faire reculer - auprès des collectifs de non-résidents contre la réforme de la fiscalité, pour la reconnaissance des couples non mariés séparés par la crise du Covid à travers la campagne “Love is not tourism” , ou en soutien du réseau culturel français à l’étranger.
La fracture numérique est une réalité indéniable
Pensez-vous que le vote en ligne permettra une mobilisation plus importante des électeurs ?
Le vote en ligne existe depuis longtemps - il a été suspendu afin de mieux le sécuriser. Il va pouvoir être rétabli. Il faut savoir que dans la pratique, le vote électronique n'a pas, par le passé, fait augmenter le taux de participation. Espérons que ce soit le cas à l'avenir.
Le vote électronique demeure néanmoins une avancée, en particulier pour tou.te.s celles et ceux qui ont des difficultés à se déplacer, surtout pendant cette crise du Covid - on gagne du temps, on pollue moins. Il ne doit cependant pas remplacer le vote à l'urne. En effet, sécuriser le vote par Internet implique une procédure de vote assez complexe. Nous savons très bien que, alors que certains n'ont pas accès à Internet ou ne reçoivent pas les codes par sms du fait de la mauvaise qualité de leurs réseaux téléphoniques ou Internet, d'autres enfin sont confrontés à l'illectronisme. Créer un compte sur un site, rentrer des codes multiples et complexes, etc. Ce n'est pas facile pour tout le monde. La fracture numérique est une réalité indéniable.
Ce qui vaut pour le vote électronique vaut aussi pour la vie administrative des Français de l'Etranger en général. Je suis favorable à la simplification administrative et à l'utilisation des nouvelles technologies, dès lors que celles-ci peuvent faciliter la vie des usagers et des fonctionnaires. Mais je suis opposée au tout numérique. Par exemple, les personnes âgées qui touchent des retraites à l'étranger doivent pouvoir continuer à envoyer leurs certificats d'existence par la poste pour toucher leur retraite. Nos concitoyens doivent pouvoir prendre rendez-vous auprès de leur consulat par téléphone s’ils n’ont pas accès à Internet.
Comment s’organise cette campagne au sein de votre parti ?
L'échelon local, la défense des services publics de proximité, l’urgence écologique, la défense d'un enseignement de qualité et une aide sociale renforcée et plus accessible, la défense d’un système d’imposition plus juste : ces priorités sont au cœur du projet socialiste, en France comme pour les Français de l'Etranger. Les électeurs le savent: le Parti socialiste, à l'issue du scrutin des municipales, demeure la première force de gauche en France. Et si nos concitoyens votent pour nous lors des scrutins locaux, c’est parce qu’ils savent que c’est à ce niveau que se joue la solidarité. Pour la Fédération des Français de l’étranger du Parti Socialiste, le quotidien des Français à l’étranger demeure notre combat. C’est pourquoi nous sommes plus mobilisés que jamais pour ces élections consulaires et nous invitons les Français de l'étranger à rejoindre cette dynamique, soit en se présentant aux élections consulaires (Merci de contacter consulaires2021@gmail.com) soit en rejoignant le Parti Socialiste.
Les Français de l’étranger sont aussi les témoins d’un système mondial qui épuise les ressources de la planète
Quel est selon vous le plus grand défi auquel font face les Français de l’étranger aujourd’hui ?
Partout dans le monde, les Français.es de l’étranger ont subi les conséquences de la pandémie, certain.e.s connaissant des situations très difficiles. Les difficultés à déployer l’aide sociale exceptionnelle en 2020 par certains consulats nous interrogent. Les effectifs des consulats, qui diminuent depuis 50 ans, posent la question de la résilience de nos réseaux en cas de crise - réseaux diplomatiques, économiques, consulaires, culturels et d'enseignement. Estimé en 2020 à 3,5 millions, le nombre de Français.e.s inscrit.e.s au registre consulaire a augmenté de 81% dans les vingt dernières années. Ils participent au rayonnement économique, diplomatique et culturel de la France. Mais ils sont aussi parfois témoins de son déclin - l’ampleur de la mobilisation autour de la campagne “Sauvons les alliances Françaises”, signée par plus de 10 000 personnes, en témoigne. Beaucoup se demandent pourquoi le gouvernement soutient la création de lycées français là où nous n’en avons pas besoin, au lieu de soutenir le réseau existant, dont le financement repose malheureusement de plus en plus sur les familles.
Les Français de l’étranger sont aussi les témoins d’un système mondial qui épuise les ressources de la planète. Les effets du changement climatique se font sentir plus fortement dans certains pays, partout la dérégulation financière génère des inégalités sociales et économiques, entre le Nord et le Sud, et déstabilise les démocraties, provoque des guerres militaires ou économiques, des crises migratoires et un recul des droits des femmes dans le monde. Beaucoup de citoyens Français se mobilisent dans le monde autour de ces enjeux et partagent avec nous l’espoir que les accords de Paris avaient levés, celui d’un multilatéralisme au service de la solidarité et de la planète. Nous portons cet espoir en tant que formation politique - au Sénat, à l’Assemblée Nationale, dans notre action quotidienne.
Il faut protéger et simplifier plutôt que sanctionner les Français dans la mobilité
Pouvez-vous nous détailler les grands axes de votre programme pour ces élections ?
Solidarité, enjeux climatiques, accompagnement des jeunes en mobilité, réduction des inégalités, justice fiscale, soutien à l’entreprenariat, défense des services publics et de l’enseignement français à l’étranger… En France comme à l’étranger, les ambitions des socialistes sont les mêmes: construire un monde durable et solidaire. Mais notre première priorité est d'avoir des élus du quotidien pour soutenir, défendre et accompagner nos communautés françaises partout dans le monde.
Je voudrais insister ici sur la solidarité, qui est au cœur de notre engagement. L’accès de tou.te.s aux services publics consulaires, y compris ceux qui sont confrontés à la fracture numérique, à la santé, quels que soient leurs revenus, à l’aide sociale, dès lors qu’il n’en bénéficient pas dans leur pays de résidence, à un enseignement français de qualité, y compris pour les familles… Tout cela paraît une évidence. Et pourtant, c’est un combat. Car dans la pratique, un nombre de plus en plus important de personnes se sentent exclues. Dans l’Union européenne, cela passe par la construction d’une Europe véritablement sociale et solidaire. Nous ne partageons pas l’engouement populiste pour le Brexit. La crise du Covid nous a au contraire rappelé combien notre mobilité est précieuse, combien la solidarité est nécessaire. Lorsque des frontières sont fermées, des familles et des couples sont séparés, des emplois sont perdus, des entrepreneurs français font faillite… Il faut protéger et simplifier plutôt que sanctionner les Français dans la mobilité - qu’il s’agisse des bourses scolaires, des certificats de vie, ou de l’aide aux entrepreneurs, beaucoup reste à faire.
Notre priorité doit aussi aller aux jeunes. Qu’ils soient avec leurs familles ou isolés, ils ont été durement touchés par la crise, partout dans le monde. Nombreux sont ceux qui devaient partir en Volontariat International ou en échanges universitaires cette année, et qui se sont retrouvés bloqués en France - sans travail, avec des universités fermées à cause du confinement, parfois sans ressources. Quel avenir pour un pays qui abandonne sa jeunesse? Nous déplorons les hésitations du gouvernement sur des questions fondamentales qui soulèvent en ce moment les réseaux sociaux, telles que l’inceste et la pédocriminalité, mais aussi sur la non reconnaissance des couples non-mariés, qui détruit des couples de tous les âges, mais en particulier chez les jeunes, ou l’accès au RSA pour les jeunes en France, en particulier ceux qui rentrent en France après une expérience à l’étranger.