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Ronan Le Gleut: “Nous n'avons pas saisi l'opportunité que représente la francophonie”

Nouveau gouvernement, francophonie, Assemblée des Français de l’étranger… Ronan Le Gleut, sénateur des Français établis hors de France, du groupe LR, revient avec lepetitjournal.com, sur l’actualité politique des Français de l’étranger et ses ambitions avec et pour eux.

Ronan Le Gleut avec Hermann Immongaut, ministre de l’Interieur du Gabon, à LibrevilleRonan Le Gleut avec Hermann Immongaut, ministre de l’Interieur du Gabon, à Libreville
Ronan Le Gleut avec Hermann Immongaut, ministre de l’Interieur du Gabon, à Libreville
Écrit par Aurélien Fort
Publié le 15 octobre 2024

 

Que pensez-vous du nouveau gouvernement mise en place par le Premier ministre Michel Barnier ? 

Michel Barnier est un homme d'État doté d'une grande expérience des institutions françaises et européennes, ainsi que d’une forte reconnaissance internationale. Il a joué un rôle clé dans les négociations du Brexit, réussissant à unir les 27 membres de l'UE autour d'une position commune, témoignant de ses compétences et de son habilité. En plus de son expérience internationale, Michel Barnier dispose également d'une solide expérience ministérielle et d'élu local, enraciné dans sa région d'origine, la Savoie. Il a également réussi à constituer un gouvernement malgré une majorité relative, rassemblant diverses forces politiques tels qu'Ensemble pour la République, Horizon, MODEM, et la Droite républicaine. Face à une situation économique, que nous découvrons encore plus catastrophique que prévu, je pense que nous avons besoin d'un homme de la stature de Michel Barnier.

 

Le commerce extérieur est étroitement lié aux Français de l'étranger, car une grande partie de ces échanges est assurée par des expatriés, qui jouent un rôle clé dans l'exportation de produits et services français

 

Sophie Primas, ancienne vice-présidente du Sénat, a été nommée ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des français de l’étranger. Que pensez-vous de cette nomination ? 

Je connais bien Sophie Primas qui était sénatrice LR, présidente de la commission des affaires économiques avant d'occuper la vice-présidence du Sénat.  C’est une femme de grande valeur, ouverte et compétente. Elle a également occupé le poste de présidente de la commission des affaires économiques. Et durant sa présidence, elle a suivi de près les dossiers liés au commerce extérieur, aujourd'hui sous sa responsabilité ministérielle. Le commerce extérieur est étroitement lié aux Français de l'étranger, car une grande partie de ces échanges est assurée par des expatriés, qui jouent un rôle clé dans l'exportation de produits et services français. Cela est un élément méconnu des Français présents dans l’hexagone. De ce fait, il est logique que les ministères concernés soient liés. Bien que Sophie Primas n'ait pas une expérience directe avec les Français de l'étranger, elle possède une solide expertise dans un domaine important pour eux : l'entrepreneuriat. Sa connaissance approfondie des travaux du Sénat sur les questions des Français de l’étranger lui confère une base solide pour mener à bien ses nouvelles fonctions.

 

Ronan Le Gleut à Libreville
Ronan Le Gleut, à l’ONU à Libreville, Gabon

 

33 ans plus tard, la France a de nouveau accueilli le Sommet de la francophonie, du 2 au 6 octobre 2024, sous le thème “créer, innover et entreprendre en Français”. Qu’en retenez-vous ?

La francophonie doit, selon moi, jouer un rôle beaucoup plus important à l'avenir.  La langue n’est pas qu’un vecteur d’expression et d’échange, elle forge aussi une pensée. Le nombre de locuteurs français ne cesse d'augmenter. Il faut prendre conscience que la francophonie n'est pas la France. La francophonie représente tous les peuples qui parlent français. Il ne faut pas que les Français fassent l'erreur de percevoir la francophonie avec une vision autocentrée. N'oublions pas, que la plus grande ville francophone au monde aujourd'hui, est Kinshasa, en République démocratique du Congo. Je reviens d'un déplacement au Gabon, à Libreville. Le français parlé là-bas est absolument magnifique et extrêmement riche sur le plan lexical. Pour moi, la francophonie est l'apport de chaque pays ou ville francophone, vers un ensemble plus grand. Par ailleurs, cela représente un élément fondamental de diplomatie notamment dans les votes à l'ONU. À l'heure où le paysage géopolitique et géostratégique évolue avec la montée en puissance des BRICS +* ayant accueilli de nouveaux membres au 1ᵉʳ janvier (l’Iran, l'Argentine, l'Égypte, l'Éthiopie, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, ndlr), il est important que les francophones fassent entendre leur voix. 

 

*Les BRICS+ sont un groupe géopolitique regroupant dix pays du « Sud global », notamment des grands émergents (Brésil, Chine, Inde), des puissances régionales (Afrique du Sud, Égypte, Iran, Russie), des pétromonarchies (Arabie saoudite, Émirats arabes unis) ou des pays précaires à forte croissance économique (Éthiopie). Selon géoconfluences.

 

 

Trouvez-vous que la francophonie en fait suffisamment pour avoir des partenariats économiques mettant en valeur nos entreprises francophones ? 

Je pense que nous n'avons pas saisi l'opportunité que représente la francophonie, en particulier avec l'augmentation continue du nombre de locuteurs de français. Aujourd'hui, elle est un atout considérable, mais surtout une opportunité pour l'avenir. J’espère que l’outil du Forum Francophone des Affaires sera mieux utilisé et développé à l’avenir pour contribuer à nos échanges commerciaux. Il est crucial de comprendre que la francophonie n'appartient pas uniquement à la France, elle la partage. La vision élargie de la francophonie doit également nous amener à repenser nos relations, notamment avec l'Afrique. En tant que rapporteur sur les questions de paix et de sécurité en Afrique, ce volet est essentiel et nécessite une nouvelle approche de notre part.

 

 

J'ai fait adopter deux propositions de loi, l'une portant sur la création d'un fonds d'urgence pour les Français de l'étranger, et l'autre sur la création d'un statut fiscal de résidence d'attache.

 

Vous êtes élu depuis 2017, quelles sont vos principales actions pour les français de l’étranger ? 

J'ai fait adopter deux propositions de loi, l'une portant sur la création d'un fonds d'urgence pour les Français de l'étranger, et l'autre sur la création d'un statut fiscal de résidence d'attache. La résidence d’attache désigne une résidence située sur le territoire français, appartenant à un Français vivant à l'étranger. J'ai choisi ce terme car il symbolise l'attachement à la France. Lors de la présentation de ma proposition de loi, au Moyen-Orient, un couple de Français expatriés m'a confié une réflexion qui m'a profondément marqué : “Nous changeons de pays tous les trois ans, et nos enfants ont besoin d'un point d'attache, d'un endroit qui leur rappelle d'où ils viennent.” Ils avaient une maison de famille dans les Alpes où ils passaient souvent l’été, offrant ainsi à leurs enfants un ancrage malgré leurs déplacements de pays en pays. Le terme résidence d'attache me semble donc le plus approprié pour refléter ce besoin de stabilité et d'identité. D'autres parlent de résidence de repli, mais je trouve que ce terme a une connotation négative. Le terme résidence de refuge est également utilisable, en particulier pour des situations comme celles des Français vivant en Ukraine ou au Soudan.

Pour le fonds d’urgence, je l’ai fait voter au Sénat, poussant le gouvernement à créer SOS Covid-19. Le secours occasionnel de solidarité, a permis d’aider les Français établis à l’étranger, pour qui la situation financière était devenue dramatique durant le Covid-19. Ce fonds d'urgence est pérenne. Mon initiative prévoit un programme permanent dans le budget du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, destiné à soutenir les Français en cas de grandes difficultés, catastrophes naturelles, crises politiques ou pandémies. 

Je vais oeuvrer maintenant à faire aboutir ces textes en les faisant voter par l’assemblée nationale.

 

Le grand combat que nous devons collectivement mener, est celui de faire comprendre aux citoyens dans l’Hexagone que les Français de l’étranger sont une chance et qu'ils participent au destin national.

 

Pouvez-vous nous dire si à votre connaissance il y a des actions en cours vis-à -vis de nos ressortissants au Liban, Israël, en Iran ou à Gaza ?

Dès aujourd'hui, les Français du Liban qui souhaitent rentrer en France par des vols réguliers, le peuvent. La ministre Sophie Primas a accueilli, mardi 8 octobre 2024, à Roissy Charles de Gaulle des ressortissants français et leur famille témoignant de leur vécu. La France n'a pas enclenché le dimensionnement de rapatriement, mais elle est prête. La situation représente un cas concret d’utilisation du fonds d’urgence que je propose.

 

 

 

Quelle est votre feuille de route pour la suite de votre mandat en tant que sénateur représentant les Français à l’étranger ?

Je suis intervenu récemment sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur et qui prend de l'ampleur : la question des fermetures abusives de comptes bancaires. Mercredi 9 octobre 2024, au Sénat, nous avons débattu d'une proposition de loi, présentée par le sénateur Philippe Folliot, visant à encadrer ces fermetures abusives. Si cette loi concerne la métropole et les départements d’outre-mer, elle inclut aussi les Français de l'étranger, en exigeant des banques qu'elles justifient leurs décisions de fermeture. J'ai souligné l'importance de la protection pour les expatriés, car de nombreuses banques françaises ferment arbitrairement, sans prendre en compte les situations individuelles. Lors de mes déplacements en Afrique, au Moyen-Orient ou en Amérique du Sud, ce problème revient constamment. Les Français, honnêtes et exemplaires, ne font qu'œuvrer pour le rayonnement de la France, mais se retrouvent victimes de fermetures abusives. La proposition de loi a été adoptée avec un avis favorable du gouvernement. Nous allons maintenant travailler pour qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Je suis également rapporteur budgétaire sur le programme 151, sur les affaires consulaires et les bourses scolaires. Deux points essentiels, car les consulats sont les mairies des Français de l’étranger. Et le nombre de ces Français augmente, il faut que les services consulaires soient redimensionnés.

 

Ronan Le Gleut Erevan
Ronan Le Gleut au mémorial du genocide arménien à  Erevan

 

Pensez-vous que le sentiment pro-européen et le poids de l'Europe dans les affaires internationales devraient être renforcés ?

Je suis profondément pro-européen, ayant travaillé pendant quatorze ans à l’Office européen des brevets, où j’ai pu observer de près le fonctionnement de l’Europe. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l’UE progresse rapidement, comme l'ont montré la gestion de la crise du Covid-19 et la réaction face à la guerre en Ukraine. Malgré mon engagement en faveur de l’Europe, je suis opposé à l'idée, parfois évoquée en France, de partager le siège permanent de la France à l’ONU avec d’autres pays de l’UE. Le siège est un atout majeur de notre puissance, notamment parce que, comme les quatre autres membres permanents, la France dispose de la dissuasion nucléaire, ce qui n’est pas anodin. En revanche, la France doit renforcer sa position en continuant de plaider pour l’élargissement du Conseil de sécurité des Nations Unies, afin que l’Afrique soit enfin représentée. L'absence d'un pays africain parmi les membres permanents est un véritable problème.

 

Ronan Le Gleut avec Général en charge du Camp de Gaulle à Libreville au Gabon
Ronan Le Gleut avec Général en charge du Camp de Gaulle à Libreville au Gabon

 

La 41e Assemblée des Français de l’étranger se déroule du 14 au 18 octobre 2024. Qu’en attendez-vous ? 

À l'instar d’un certain nombre de mes collègues sénateurs, j’ai été conseiller pour l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE). Pour ma part, je siégeais à la commission des lois. L'expérience acquise à l’AFE est indispensable aujourd’hui dans mon rôle de parlementaire des Français de l’étranger. Les travaux de l’AFE sont très importants et soutenus par des conseillers venant de tous les continents. Ils travaillent en bonne intelligence, et je suis de près ce qu’ils font. Leurs travaux enrichissent notre réflexion en tant que parlementaires et nous aident à rester au plus près de préoccupations de nos compatriotes établis hors de France. J’ai créé un dialogue entre le Sénat et l’AFE car, depuis la dernière réforme, les parlementaires ne sont plus membre de l’assemblée. Cette décision a créé une distance. En tant que président du groupe d’étude Statut, rôle et place des Français établis hors de France, j’ai élaboré une "instance" pour retisser les liens entre les deux institutions. Après chaque session de l’AFE, j’auditionne systématiquement les présidents de commission, et je leur demande quels sont leurs travaux. Cela donne lieu à un compte-rendu publié sur le site du Sénat. L’ensemble des sénateurs des Français de l’étranger sont présents, mais aussi d’autres sénateurs, ce qui permet de mieux prendre conscience des problématiques des Français de l’étranger dans un cadre plus élargi. L’audition de la 41ème session a lieu le mercredi 16 octobre 2024 à 18H30.

 

L’Assemblée des Français de l’étranger s’ouvre “dans un contexte mondial tendu”

 

Avez-vous un mot à adresser pour les lecteurs du petitjournal.com ?

Le grand combat que nous devons collectivement mener, est celui de faire comprendre aux citoyens dans l’Hexagone que les Français de l’étranger sont une chance et qu'ils participent au destin national. Plus que jamais, en cette période difficile où la France perd de son influence à l’international, notre pays doit pouvoir compter sur les Français de l’étranger pour retrouver son rayonnement et son attractivité.

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