La France a nommé le diplomate Patrick Maisonnave comme ambassadeur en Arabie Saoudite qui prendra ses fonctions à Riyad en septembre 2024. Des défis l’attendent, dont “le maintien de la dynamique de rapprochement entre les deux pays.”
Patrick Maisonnave est nommé nouvel ambassadeur de France en Arabie Saoudite à partir de la rentrée 2024. Il succède à Ludovic Pouille, actuel représentant de la France à Riyad depuis octobre 2020. Sa mission diplomatique sera donc de continuer à renforcer les relations franco-saoudiennes dans un contexte géopolitique fragile. Jean-Loup Samaan, expert associé à l’Institut Montaigne et chercheur en affaires stratégiques au Moyen-Orient décrypte la relation bilatérale avec lepetitjournal.com.
Arabie Saoudite et France, des relations “denses”
Selon le chercheur, les relations diplomatiques entre la France et l’Arabie Saoudite sont “des relations longues et de longue date". Mises à mal en 2017, autour de la séquestration de l'ancien Premier ministre libanais Saad Hariri, "exfiltré" par la France depuis l'Arabie Saoudite, les relations se sont fortement améliorées. Depuis, “le Liban est redevenu un dossier sur lequel les deux pays essaient de coopérer, notamment sur le volet humanitaire” insiste Jean-Loup Samaan. Paris et Riyad échangent étroitement sur des dossiers régionaux. Le 22 mai 2024, Emmanuel Macron a discuté par téléphone avec le Prince héritier d’Arabie Saoudite Mohammed bin Salman bin Abdulaziz Al-Saoud de “l’urgence d'une désescalade au Liban et en Mer Rouge”, mais aussi “comment endiguer l’extension du conflit dans la région et travailler aux conditions d’une paix durable au Proche-Orient.”
Aujourd’hui, la relation franco-saoudienne est aussi caractérisée par “une dimension économique et énergétique”. En 2023, les échanges de biens (hors matériel militaire) entre les deux pays se sont élevés à 9,5 milliards d’euros, en baisse de 14 % par rapport à 2022. Concrètement, l’Arabie Saoudite est le 30ème client de la France et son 25ème fournisseur. Dans la région du Proche et Moyen-Orient, l’Arabie Saoudite est son second client (derrière les Emirats Arabes Unis) et son 1er fournisseur. En 2021, l’Arabie Saoudite a commandé pour 703 millions d’euros de matériels de guerre à la France selon le rapport du ministère des Armées. Ce qui en fait son premier client.
Le 22 mai 2024, les deux dirigeants ont confirmé vouloir renforcer leur partenariat “dans les domaines de la défense, la sécurité, la transition énergétique et écologique” selon l’Elysée, rappelant la commande ferme de 105 appareils Airbus par la compagnie aérienne Saudia le 20 mai 2024. Un lien économique se développe, surtout depuis le lancement de Vision 2030 pour moderniser le Royaume : Jusqu’en 2016, la loi saoudienne limitait la présence française aux entreprises du CAC40. Aujourd’hui, de petites et moyennes entreprises comptent bien se faire une place.. En 2023, selon Business France, 260 sociétés françaises sont implantées en Arabie saoudite à Riyad, Djeddah, Dammam, Khobar, Al-Joubaïl, Ras al-Khair, Diriyah et AlUla. 50% d’entre elles travaillent dans le secteur de l’industrie et des technologies propres.
La coopération bilatérale passe aussi par “des volets moins connus comme la coopération culturelle autour du projet d'AlUla” mentionne l’expert.
Dans le cadre du plan Vision 2030 initié par le gouvernement saoudien pour moderniser le pays, AlUla est l’un des projets qui visent à développer l’offre culturelle et touristique du Royaume. Il prévoit la création d’un complexe archéologique, et un musée vivant à ciel ouvert. En 2018, l’Arabie saoudite et la France signent un accord intergouvernemental portant sur le développement durable de la région d’AlUla. Née de cet accord, l’Agence française pour le développement d’AlUla (AFALULA) a pour vocation de mobiliser l’ensemble des savoir-faire français (experts, opérateurs, entreprises) et d’accompagner la Commission Royale pour AlUla (RCU). Au total, 15 milliards d’euros d’investissements sont engagés sur 12 ans.
L’Arabie Saoudite ou l’art du sport washing
Les associations sont interdites ici ; sans le soutien de l’ambassade, nous n’existerions pas”
La nomination de Patrick Maisonnave, un choix pour renforcer le lien
Patrick Maisonnave s’apprête à représenter la France depuis l’ambassade à Riyad et à rejoindre la communauté française en Arabie Saoudite : au 1er janvier 2024, 5.795 Français sont inscrits au registre consulaire, une augmentation d’environ 4,5% par rapport au 1er janvier 2023. “Les relations avec l’ambassade sont jusqu’ici excellentes. Les associations sont interdites ici ; sans le soutien de l’ambassade, nous n’existerions pas” précise Dominique, présidente de Riyad Accueil, un organisme qui accueille les Français et francophones dans le pays. “ Nos actions sont valorisées et les services culturels mais aussi consulaires sont à notre écoute” ajoute-t-elle, “l’arrivée d’un nouvel ambassadeur va peut être modifier un peu la forme des relations mais j’ai confiance qu’elle n’en modifie pas le fond” dans un contexte où, Dominique l’admet, la communauté française est très soudée.
“Le parcours de Patrick Maisonnave, son expérience (...) montre que l'Elysée entend bien maintenir la dynamique de rapprochement entre les deux pays.”
Diplomate français, Patrick Maisonnave est ambassadeur en Israël entre 2013 et 2016 puis en Grèce entre 2019 et 2023. Peu de doute sur le fait que le Quai d’Orsay - contacté à ce sujet, sans réponse à ce jour - ait appuyé son choix de l’Arabie Saoudite sur l’expérience et les réseaux de Patrick Maisonnave au Moyen-Orient et montre ainsi l’importance que représente sa relation avec le pays arabique. “Le parcours de Patrick Maisonnave, son expérience des cabinets ministériels et des dossiers stratégiques montre que l'Elysée entend bien maintenir la dynamique de rapprochement entre les deux pays.” conclut Jean-Loup Samaan.
Jean-Loup Samaan est expert associé Moyen-Orient à l'Institut Montaigne, chercheur senior à l'Institut du Moyen-Orient de l'Université Nationale de Singapour, ainsi que chercheur associé à l’Atlantic Council (Washington) et à l'Institut Français de Relations Internationales (Paris). Ses recherches portent sur les affaires stratégiques au Moyen-Orient, en particulier l'évolution des politiques de défense des pays du Golfe et d'Israël.