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L’Arabie Saoudite ou l’art du sport washing

Depuis plusieurs années, l’Arabie Saoudite met en place une politique sportive et culturelle aussi agressive que soudaine. De la Formule 1 au sport de combat en passant par le football, le pays du golfe s'attaque à toutes les disciplines. Une stratégie aussi appelée “sport washing” ayant pour but d’améliorer sa réputation à l'international grâce au sport.

L'Arabie Saoudite pratique le sport washing d'une manière intensiveL'Arabie Saoudite pratique le sport washing d'une manière intensive
Écrit par Paul Le Quément
Publié le 8 décembre 2023, mis à jour le 28 mars 2024

Depuis la nomination de Mohammed ben Salmane (MBS) en tant que prince héritier en 2017, l’Arabie Saoudite a pris un virage sans précédent dans son histoire. Parmi les axes de changements principaux, l’investissement massif dans le sport notamment pour des raisons économiques. “Le sport, aujourd'hui, est une vitrine. Il représente 3% du PIB mondial, le secteur est en pleine croissance. L'investissement dans le sport est à la fois économique, politique mais il y a aussi une dimension sociale.” explique Jean Baptiste Guégan, journaliste et spécialiste en géopolitique du sport.

L’une des premières pierres à cet édifice est la création du festival nommé : Riyadh Season. Depuis 2019, cette énorme fête rassemble les foules. La durée du festival s’étale d’octobre à mars avec des activités culturelles de tous types : sport, concert… L’édition 2022 a attiré 5 millions de visiteurs en seulement deux mois. 

Un investissement dans le sport, non sans intérêt

L’Arabie Saoudite ne fait pas ses changements pour la beauté du sport mais plutôt dans un objectif bien précis : diversifier son économie. Le pays est l’un des leaders dans la production de pétrole et son économie repose en grande partie sur cette énergie fossile. Le PIB pétrolier représente environ 40% du PIB total de l’Arabie Saoudite. 

Mohammed ben Salmane essaye donc de diversifier les revenus de son pays, notamment via un investissement massif dans le sport, le tourisme et la technologie avec le projet “Neom”.

The Line, un projet fou en Arabie Saoudite, une ville miroir linéaire sur 170 km !

 

 

 

“L'Arabie saoudite applique le schéma du prince héritier Mohammed ben Salmane : Vision 2030. Ce plan prépare l'après-pétrole avec le tourisme, l’archéologie et bien sûr le sport. Contrairement au Qatar, qui investit énormément dans le sport et le luxe, l’Arabie Saoudite ne met pas tous ses œufs dans le même panier. Le sport s’inscrit dans un plan plus large et diversifié, qui correspond à l'après pétrole.” explique le géopolitologue Frédéric Encel.

Le footballeur portugais Cristiano Ronaldo signe à Al-Nassr, en Arabie Saoudite

Le ballon rond, pièce maîtresse du sport washing saoudien

À l’image de ses voisins du Qatar, l’Arabie Saoudite lance donc un développement spectaculaire dans le domaine du sport et en particulier dans le football. Le pays devient même le nouvel eldorado pour les footballeurs en fin de carrière, mais pas que, après l'arrivée de la star mondiale, Cristiano Ronaldo, il y a bientôt 1 an. Après cette venue remarquée dans le club d’Al-Nassr, nombreux sont ceux qui marchent dans les pas de la star portugaise : Karim Benzema, Neymar, N'Golo Kanté… 

Le champion du monde et octuple ballon d’or, Lionel Messi, est même ambassadeur du tourisme pour le pays. Pour couronner le tout, l’Arabie Saoudite va, sans aucun doute, récupérer l'organisation de la coupe du monde de football en 2034. Un résultat qui n’est pas encore officiel, mais sa candidature est la seule encore en lice.

 

Le football mais pas que …

L’Arabie Saoudite diversifie très vite son offre sportive. Ces dernières années, le pays du golfe a organisé et signé des contrats avec la Formule 1, le Dakar et des sports de combat comme le catch (WWE) et la boxe avec le combat entre Tyson Fury et Francis Ngannou, en ouverture de l'édition 2023 du Riyadh Season.

 

 

L’UFC débarque aussi dans la péninsule arabique le 2 mars 2024, là encore à l'occasion de la Riyadh Season. En plus de toutes ces différentes disciplines, l’Arabie Saoudite organise les Jeux asiatiques d’hiver de 2029. Une attribution qui a fait bondir les défenseurs de l'écologie, plusieurs politiques ont même appelé au boycott de ces jeux asiatiques d'hiver. Dans un autre genre, le pays prévoit d'organiser une coupe du monde d’esport chaque année et ce dès l’été 2024. 

 

L’aspect économique n’est pas l’une des seules raisons d’un tel investissement 

L’Arabie Saoudite ne s’attire pas les plus grandes compétitions sportives du monde juste pour faire plaisir à sa population et engranger des bénéfices. Avec ces acquisitions, le pays saoudien a recours au sport washing. En d’autres termes, l’Arabie Saoudite essaye de faire grandir sa réputation et son image à l’étranger grâce à ses événements sportifs. “Le sport washing permet de faire oublier la nature réelle du régime.” raconte Jean-Baptiste Guégan.

 

 

L’image du pays avait fortement été touchée lors de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, dans l’ambassade d’Arabie Saoudite à Istanbul. Les faits remontent à 2018, Jamal Khashoggi était un opposant au prince héritier, MBS. Selon un rapport de la CIA, le prince héritier aurait validé une opération pour capturer ou tuer le journaliste. Une affaire qui a fortement ébranlé le pays et son image à l'international. 

Mais ce n’est pas la seule polémique autour de l’Arabie Saoudite, la question des droits de l’Homme et notamment ceux des femmes fait beaucoup parler en Occident, tout comme la position du pays dans le conflit au Yémen. Alors quoi de mieux que le sport, un outil de partage universel rassemblant tout le monde, pour redorer son image. Avec le sport washing, l’Arabie Saoudite développe aussi son soft power, une bonne opération pour améliorer la réputation du pays via la culture et le sport.  

 

L’Arabie Saoudite et le sport washing, un succès ? 

Le plan de MBS est en place depuis plusieurs années maintenant, mais est-ce que cette opération est un succès pour l’Arabie Saoudite ? “Il est encore trop tôt pour le dire. Mais avec un tel budget, de telles allégeances dans la région et un allié militaire aussi puissant que les États-Unis, le jeu géopolitique saoudien est relativement complet.” raconte l’expert Frédéric Encel. 

Pour Jean-Baptiste Guégan, le constat est un peu plus différent : “Si on est rationnel, aujourd'hui, l’effet de sidération fonctionne : Canal + a acheté les droits du championnat saoudien, il n’y a jamais eu autant de discussions positives autour de l’Arabie Saoudite, les gens sont fascinés par tous ces projets d'envergures… L’opération séduction XXL du prince héritier MBS fonctionne.”

 

Une ambition sans limites ? 

L’Arabie Saoudite applique son plan à la lettre. Mais quelles sont ses limites ? “Il n'y a absolument pas de limite parce que budgétairement il n’y en a pas. L'Arabie Saoudite dispose des principales réserves de pétrole brut au monde. Il n’y a aucune limite à ce type de politique, qui de toute façon ne revient pas très cher. À titre de comparaison, investir dans les armes est beaucoup plus coûteux que le sport.” explique Frédéric Encel, auteur du livre Les Voies de la puissance: Penser la géopolitique au XXIe siècle. 

Mais, le sport n’est que l’une des cartes à jouer de l’Arabie Saoudite. Il y a quelques semaines, le pays du golfe s’est vu attribuer l'organisation de l'exposition universelle de 2030. L'attribution d’un tel événement représente peut-être le point d’orgue de cette politique réputationnelle, sauf s’il se fait détrôner par la coupe du monde de football en 2034 ou encore d’autres candidatures prestigieuses à l’avenir.  

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