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Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et ancien expat, lance Refondations

Un nouveau mouvement au sein du Parti Socialiste (PS), Refondations, voit le jour. Initié par des personnalités telles que Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et ancien expatrié ayant vécu au Mali, aux États-Unis et à Bruxelles, ce mouvement souhaite redéfinir l’orientation politique du PS en rassemblant les forces de gauche autour de valeurs progressistes. Nicolas Mayer-Rossignol répond à nos questions.

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Écrit par Aurélie Billecard
Publié le 31 juillet 2023, mis à jour le 2 août 2023

Pouvez-vous nous parler de l’association Refondations ?

 

Refondations c’est une dynamique, un courant au sein du PS et un mouvement que nous avons initié avec de nombreux camarades- Lamia El Aaraje, Anne Hidalgo, Carole Delga, Michaël Delafosse… -  lors du Congrès en Janvier dernier, autour d’une idée forte : le Parti socialiste et la Gauche doivent se refonder sur une ligne ni sociale-libérale, ni sociale-populiste. Le rassemblement de la gauche doit être rééquilibré et élargi. En l’espace de quelques semaines, nous avons réussi à fédérer la moitié du Parti socialiste. 

Aujourd’hui nous avons structuré Refondations, dans l’objectif d’amplifier le travail sur les idées, sur le fond : car si la gauche n’aborde pas le fond des problèmes, elle touche… le fond. En 9 mois, des milliers de camarades et sympathisants nous ont rejoints. C’est extrêmement enthousiasmant !

 

Refondations vise donc à redonner une capacité de propositions au Parti socialiste et une capacité de gouverner à la gauche

 

Quels sont les objectifs de Refondations et pourquoi est-il nécessaire d’insuffler une nouvelle dynamique à la gauche ? 


Loin des qualificatifs stériles qui réduisent notre initiative à une opposition frontale à la NUPES, nous souhaitons surtout apporter une nouvelle méthode au Parti socialiste pour lui redonner cette capacité de proposer une vision pour le pays et ainsi toute sa place au sein de l’union de la gauche, qui aujourd’hui reste dominée par LFI.

Rééquilibrer l’union de la gauche c’est lui donner les capacités de dépasser le plafond de verre auquel elle est confrontée tant qu’elle est dominée par LFI. La gauche est faible et déséquilibrée aujourd’hui : elle ne dépasse pas 30% des intentions de vote. Or pour remporter une élection il faut 50% + 1 voix. C’est en redonnant de l’espoir, avec un projet crédible, féministe, pro-européen, républicain et laïc, construit sur la transition social-écologique, que nous pourrons dépasser ce plafond de verre. 

Cette dynamique est impérative car en face c’est bien la menace de l’extrême droite qui guette. Nous ne pouvons, nous ne devons pas rester les bras croisés face à cette perspective malheureusement bien réelle, qui serait un désastre pour le pays. 

Refondations vise donc à redonner une capacité de propositions au Parti socialiste et une capacité de gouverner à la gauche. En proposant un projet de justice sociale et environnementale, nous voulons être en capacité de changer la vie des gens et d’empêcher l’extrême droite d’accéder au pouvoir. 

 

Vivre, grandir, travailler à l’étranger est une source intarissable d’enrichissement car cela vous amène à vous ouvrir aux autres, à des cultures différentes

 

Nous sommes à un an des élections européennes et à seulement quelques mois des sénatoriales. Pensez-vous qu’une liste Nupes est envisageable ?

 

Je suis Maire de Rouen, à la tête d’une équipe de gauche rassemblée (y compris avec LFI). L’union de la gauche, certains en parlent, moi je la pratique dans les actes tous les jours. Ce que je veux, c’est que la gauche gagne. Ce que je ne veux pas, c'est qu'une force politique déséquilibre l’union et la rende perdante. Il y a de la place pour tout le monde, lorsque l'on travaille au service de la République dans le respect des convictions de chacune et chacun.

Aux élections sénatoriales, notamment chez les Français de l'étranger et face au risque de division, qu'est ce qui empêche, encore à cette heure, une liste commune conduite par EELV, secondée par le PS et rassemblant toutes les forces de gauche comme le PRG, Générations et s’ils le souhaitent les Insoumis ? Malheureusement les initiatives individuelles prises contribuent au final à la désunion. S'il le souhaite, le Bureau national du Parti socialiste peut encore agir. Refondations ne sera jamais un frein à l'union sincère.

D'ailleurs, les élus socialistes Refondations qui siègent à l'Assemblée des Français de l'étranger sont pleinement intégrés et actifs dans le groupe d'union de la gauche Ecologie et Solidarité. À gauche chez les Français de l'étranger, une majorité d'élu.es est pour l'union, j'espère qu'elle se fera et que les orgueils seront laissés au vestiaire. 

Aux Européennes, les enjeux sont différents. Sur l’Ukraine, l’OTAN, l’Europe de la défense, les Ouïghours, la primauté et le respect du droit européen… chacun voit bien que différentes formations de gauche portent des positions différentes. Or la politique ne peut se résumer à des accords d’appareils pour sauver des places, comme cela a été le cas en 2022. Pour moi la politique, ce sont d’abord des convictions. Je porte avec beaucoup d’autres une gauche pro-européenne, pas euro-béate mais euro-volontaire. Faire des compromis, d’accord. Mais pas des compromissions. Une liste unique n’aurait aucun sens. D’ailleurs, Marine Tondelier, Fabien Roussel ou Raphaël Glucksmann disent très exactement la même chose que nous sur ce sujet. Ne réduisons pas l’élection européenne à des considérations tactiques, un opportunisme de lutte des places, de petits calculs franco-français. L’Europe mérite mieux que cela.

 

Nous devons construire une vraie République des territoires, une République des quartiers populaires. C’est l’une de nos propositions à Refondations

 

Vous avez vécu une grande partie de votre enfance au Mali, avant d’étudier aux États-Unis et de passer par Bruxelles. En tant qu’ancien expatrié, comment cette expérience vous a-t-elle marqué ? Vous influence-t-elle toujours ?

 

C’est une influence permanente. Vivre, grandir, travailler à l’étranger est une source intarissable d’enrichissement car cela vous amène à vous ouvrir aux autres, à des cultures différentes. Cette ouverture c’est en quelque sorte la garantie de l’universalisme : par-delà nos différences, culturelles, sociétales, religieux nous appartenons toutes et tous à un même ensemble au sein duquel nous nous devons de défendre l’égalité des droits. 

 

Récemment en France, il y a eu de nombreuses émeutes en signe de protestation contre la mort de Nahël, et Rouen n’a pas échappé à cette violence. Comprenez-vous la colère de la population ?

 

La colère est compréhensible, elle est la conséquence de plusieurs années d’inactions et même de mépris. Mais la violence n’a pas sa place dans la République. Elle ne peut pas être une solution. Exprimer cette colère par la violence, en s’attaquant aux services publics dont les agents font au jour le jour de leur mieux pour aider les françaises et les français, ce n’est pas possible. À Rouen c’est par exemple l’une de nos mairies qui a été incendiée. Au-delà du bâtiment, ce sont des dossiers de concitoyens et concitoyennes qui sont partis en fumées, des dossiers qui étaient nécessaires pour obtenir les aides dont ils ont besoin et leur apporter le meilleur accompagnement possible. Cette violence pénalise en premier lieu les habitants des quartiers populaires.

Je condamne sans aucune ambiguïté toutes les violences. La colère ne peut pas et ne doit pas être une justification à la violence. La Gauche a la responsabilité de traduire cette colère en propositions politiques –pas de l’alimenter ou de l’attiser en relativisant, voire en justifiant, la violence.

 

Nous voulons être en capacité de changer la vie des gens et d’empêcher l’extrême droite d’accéder au pouvoir

 

Qu’est-ce que le gouvernement, et les différents partis, peuvent faire pour apaiser la situation ?

 

Il faut avant tout du respect, de la considération, de la valorisation, de l’écoute. Le Président et le Gouvernement en manquent singulièrement.

Il faut ensuite recréer de l’espoir, avec des actions fortes, concrètes, rapides, utiles. Cela doit passer par créer du commun, nous avons besoin de refaire société. Aujourd’hui nous sommes trop divisés, chacun se regardant du coin de l’œil, bloc contre blocs, classes sociales contre classes sociales, quartiers contre quartiers, alors que nous avons tant à faire ensemble. Le Président a parlé d’une période de cent jours pour apaiser le pays… on voit bien ce que cela a donné. Il faut construire une vision commune qui nous fait espérer collectivement. La gauche et en particulier le Parti socialiste ont toujours porté cet espoir, peut être que nous l’avons trop oublié ces dernières années ?

C’est aussi à cela que nous travaillons chez Refondations : recréer de l’espoir à gauche, en traçant un chemin fait de propositions et d’actions concrètes. C’est la gauche du ‘faire’, des solutions, pas de l’incantation. Si l’on fait espérer les gens sans pouvoir rendre réel l’idéal que nous portons, alors nous alimentons la frustration et finalement la colère. Le premier bénéficiaire politique de cette (im-)posture ? C’est l’extrême droite.

Nous devons construire une vraie République des territoires, une République des quartiers populaires. C’est l’une de nos propositions à Refondations. En donnant de vrais moyens aux collectivités, et en particulier aux Villes, aux maires, aux intercommunalités, que ce soit financièrement ou en termes de compétences règlementaires.

Il faut aussi que le temps politique, administratif, technique, soit plus proche du temps citoyen. Aujourd’hui les changements dans nos quartiers populaires liés aux politiques de la ville (démolir un vieil immeuble, construire une nouvelle piscine…) prennent beaucoup trop de temps à voir le jour. C’est en grande partie dû à la lenteur administrative de l’Etat qui est déconnecté de la réalité quotidienne, tandis que les élus locaux la vivent au jour le jour.

Faisons confiance aux collectivités, aux élus locaux, pour concrétiser et rendre réels les changements promis depuis des années. Faisons confiance aux associations de nos quartiers populaires, investissons dans l’humain (notamment en revenant sur la suppression des emplois aidés), l’Education, la Culture, le Sport, et pas seulement dans le béton !

Enfin, il faut engager avec courage et lucidité une réforme de la police. Je ne fais aucun amalgame, ni dans les quartiers populaires qui ne se résument pas à ‘la racaille’ et qui recèlent des talents extraordinaires, ni dans nos forces de l’ordre. Non, ‘la’ police ne tue pas. Mais il y a clairement un problème de formation, d’organisation (le manque de police de proximité est criant), et d’extrême-droitisation d’une partie, je dis bien une partie, des effectifs. Le RN a évidemment fait des forces de l’ordre une cible électorale, qu’il instrumentalise. G. Darmanin et le gouvernement nient le sujet. Pour ma part je ne fais aucun amalgame, mais je ne fais pas non plus l’autruche. Comme beaucoup d’élus socialistes, j’ai à gérer les enjeux de sécurité et de tranquillité publique tous les jours. Il n’y a donc aucun tabou à avoir. Il faut une réforme profonde de la police.

C’est à toutes ces conditions d’efficacité et de vérité que nos concitoyennes et concitoyens pourront de nouveau espérer en la Gauche, et que la Gauche pourra de nouveau espérer revenir aux responsabilités.

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