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Mélanie Vogel : « Les Français ne veulent pas être gouvernés par des fachos »

La sénatrice EELV, Mélanie Vogel, fait face à une rentrée parlementaire des plus mouvementées. Après une bataille victorieuse aux législatives avec le Nouveau Front Populaire, la nomination du gouvernement Barnier fait office de « scénario cauchemar ». Aide médicale d’Etat, droits des personnes LGBTI+, consentement ou encore inflation, Mélanie Vogel revient pour nous sur ce qui anime son travail parlementaire : « Malgré le dégoût qui peut être ressenti, il ne faut pas abandonner ». 

Vogel MelanieVogel Melanie
© Margot L’Hermite
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 30 septembre 2024, mis à jour le 2 octobre 2024

Ce choix extrêmement dangereux est une trahison totale du résultat des élections

 

Le nouveau gouvernement a été nommé par Michel Barnier. Quelle a été votre réaction ? 

C’est exactement le scénario cauchemar que j’avais envisagé comme possible, bien qu’étant le moins souhaitable. Après le résultat des élections, Emmanuel Macron avait deux choix. En voyant la composition de l’Assemblée nationale, il aurait pu nommer quelqu’un du Nouveau Front Populaire, en l'occurrence Lucie Castets, que nous avions proposée. Un accord avec le bloc central aurait permis un front républicain au sein de l’Assemblée nationale pour ne pas voter les textes avec le Rassemblement National. La deuxième option, celle choisie par Emmanuel Macron, a été de nommer un gouvernement qui se place dans les mains du RN. Nommer Michel Barnier Premier ministre implique que le gouvernement ne peut pas vivre sans le soutien explicite ou implicite du Rassemblement national. Ce nouveau gouvernement va donner des politiques totalement inverses à ce que les Français veulent et ont besoin.

Ce choix extrêmement dangereux est une trahison totale du résultat des élections et nous nous retrouvons dans une situation où l'extrême droite tient le gouvernement. Le NFP a gagné les élections législatives bien que nous n’ayons pas eu la majorité absolue. Pourtant, à la lecture des résultats des élections, les Français ont incontestablement envoyé le message qu’ils en avaient marre du macronisme et qu’ils ne voulaient pas être gouvernés par des fachos. 65% des Français ont voté pour le front républicain. La conclusion démocratique est donc une véritable volonté de changement. Emmanuel Macron fait pourtant l'inverse et prône la continuité avec les Républicains, un parti à la marge du champ politique, arrivé en quatrième position des élections. Le président a préféré continuer avec des perdants et se placer dans les mains de l’extrême droite. Ce choix est très dangereux pour notre démocratie et envoie le message aux citoyens que leur vote ne sert à rien.

 

Les virus et les maladies infectieuses se fichent bien de la nationalité et des papiers.

 

Vous êtes montée au créneau concernant la suppression de l’Aide médicale d’État, pourquoi est-il essentiel de la conserver ? 

L’aide médicale d’Etat a toujours été un totem de la droite dure sur la question migratoire. L’AME part du principe que la protection de la santé publique est dans l’intérêt de toutes et tous. Fournir une aide médicale à des personnes en situation irrégulière ne revient pas seulement à respecter nos engagements internationaux envers les droits fondamentaux de ces personnes mais aussi à garantir la santé publique. Les virus et les maladies infectieuses se fichent bien de la nationalité et des papiers. Alors que la France accueille les migrants dans des situations sanitaires déplorables, nous avons des résurgences de maladies comme la tuberculose. Or, la pandémie de COVID 19 nous a appris que la santé est un sujet collectif et non individuel. Nous avons donc intérêt, même sur un plan financier, à ce que les personnes soient traitées rapidement. Ce débat est d’autant plus ridicule que l’Aide médicale d’Etat ne représente que 1% des dépenses de santé publique. 

 

Nous faisons face à un vrai risque de ne pas pouvoir avancer voire de régresser sur de nombreux sujets

 

Les Français de l’étranger LGBTI+ vivent parfois dans des pays qui ne reconnaissent pas leurs droits ou pire les criminalisent. Or ce nouveau gouvernement suscite également des craintes… 

Nous avons un gouvernement qui, de manière complètement anachronique, est majoritairement LGBTI-phobe. 18 ministres du nouveau gouvernement qui se sont opposés par leurs prises de position passées à l'égalité des droits, alors que nous vivons dans une société qui y est de plus en plus favorable. De ce point de vue, nous avons un total décalage entre les prises de position de presque la moitié des ministres et la société française, avec des dangers très concrets. 

Le Sénat a voté il y a quelques mois une proposition de loi pour interdire l’accès aux soins aux mineurs trans. La conséquence directe de cette loi est d’augmenter leur souffrance et de les pousser au suicide. Le précédent gouvernement s’est opposé à cette loi. Aujourd’hui, nous avons des ministres qui ont voté en faveur de cette proposition ou contre l’interdiction des thérapies de conversion. Nous faisons face à un vrai risque de ne pas pouvoir avancer voire de régresser sur de nombreux sujets dont celui des droits des personnes trans, sur lequel la France est déjà en retard. Les Français de l’étranger ont toujours plus de difficultés à accéder à leurs droits. Toutes ces politiques de réduction menées en France les impactent donc toujours de manière supérieure.

 

Nous essayons de revenir à une retranscription automatique dans l’intérêt des enfants

 

Le retour en France peut-être aussi compliqué, notamment pour les couples ayant bénéficié de la GPA à l’étranger…

Pour la GPA, nous avons aujourd’hui une situation qui légalement est une régression par rapport à ce qui existait avant l'adoption des lois bioéthiques. Auparavant, lors d’une naissance à l’étranger, une jurisprudence de la Cour de cassation permettait de transcrire de manière automatique l'acte de naissance et la reconnaissance de parentalité dans l'intérêt de l’enfant. La loi bioéthique a mis fin à cela. On oblige aujourd’hui l’un des deux parents à adopter l’enfant, ce qui peut prendre des années. Il y a des situations à l’étranger, où cela crée même des enfants apatrides. Nous essayons donc de revenir à une retranscription automatique dans l’intérêt des enfants. 

Récemment, nous avons même eu une circulaire qui réduit l'accès à la sécurité sociale pour les parents ayant eu accès à une GPA à l’étranger. Cette décision se répercute sur les enfants et est vraiment de la pure idéologie. Nous nous battons contre cela mais l’exécutif souhaite réduire les droits, sans passer par la voie parlementaire. 

 

Introduire la notion de consentement en plus des critères déjà existants permet de renverser la manière dont le corps des autres est perçu

 

Vous vous êtes beaucoup exprimée sur le procès des viols de Mazan. Pouvez-vous nous parler de votre proposition de loi pour revoir le code pénal et définir le viol sur la base de l'absence de consentement ?

Je me suis saisie de ce sujet, avant même d’être élue. J'ai rédigé cette proposition de loi après beaucoup d'auditions d'associations féministes, d’avocats et de juristes. La question de la définition du viol est essentielle. La France est signataire de la convention d’Istanbul, qui oblige à criminaliser les actes sexuels sur la base de l'absence de consentement. Contrairement à d’autres pays européens, la France non seulement n'a toujours pas modifié son code pénal, mais elle a également refusé l’adoption d’un article au niveau européen. La France avait pourtant un vote clé qui aurait pu permettre d’imposer dans le droit européen l’introduction de la notion de consentement dans la définition du viol dans le droit des différents Etats membres.

C’est précisément au moment où le gouvernement français bloquait l’introduction de la notion de consentement au niveau européen que j’ai déposé ma proposition de loi pour porter le débat en France. Aujourd’hui, le viol est défini dans le code pénal comme un acte sexuel avec violence, contrainte, menace ou surprise. S’il n’est pas possible de prouver ces éléments, il y a donc une présomption de consentement. La justice présume donc qu’à priori le corps des femmes est disponible, sauf si nous sommes capables de prouver le contraire. Dans une enquête de police, il n’est pourtant pas forcément facile de prouver matériellement qu’il y a eu violence, contrainte, menace ou surprise. Introduire la notion de consentement en plus des critères déjà existants permet de renverser la manière dont le corps des autres est perçu. 

Je pense que comme pour l’introduction de l’IVG dans la Constitution, le Parlement peut s’imposer face au gouvernement. La délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale va reprendre sa mission d’information sur le sujet et s’oriente vers des recommandations en faveur de l'introduction de la notion de consentement. 

 

L’inflation en Argentine est un cas extrême qui prouve que nous avons besoin de nous adapter à la variation des taux de change

 

Vous étiez il y a quelques jours en Amérique latine (Chili, Argentine, Uruguay et Brésil), quelles sont les problématiques mais aussi les initiatives qui vous ont marquée ?

Les quatre pays que j’ai pu visiter vivent des situations très variées. L’Argentine fait face à une crise politique et économique sans comparaison. J’avais réalisé une proposition de loi pour que nous puissions mieux prendre en compte l’inflation dans le calcul des aides sociales ou encore des bourses. L’inflation en Argentine est un cas extrême qui prouve que nous avons besoin de nous adapter à la variation des taux de change et à l’inflation au niveau local. Nous devons aussi nous adapter à des spécificités comme au Chili où la cotisation privée et obligatoire à la retraite est prise en compte dans le patrimoine lors du calcul des prestations sociales. 

En Amérique latine, comme dans le reste du monde, la communauté éducative a des revendications similaires : la fin du bornage, sur lequel j’espère pouvoir influer, et la garantie d’un niveau de vie des personnels face à la volatilité économique locale. Certains établissements scolaires, comme le Lycée Jean Mermoz à Buenos Aires, ont également besoin de financer leur rénovation. 

Les postes consulaires travaillent également à flux tendu et il y a des besoins de renfort, notamment au Chili. Malgré cela, j’ai trouvé que le poste consulaire était bien sensibilisé à la question des violences faites aux femmes. Si tous les consulats sont censés être formés, tout dépend encore aujourd’hui de la bonne volonté des postes. Le sujet de la violence conjugale est pourtant universel et il est d’autant plus compliqué à l’étranger où les femmes se retrouvent sans capacité de porter plainte et avec une prise en charge réduite. Les formations des postes sont donc essentielles et j’aimerais qu’il soit possible de pouvoir porter plainte en ligne depuis l’étranger, comme c’est le cas en France. 

 

Nous avons toujours besoin de ceux qui se sont rapprochés du Nouveau Front Populaire

 

Avez-vous un message pour nos lecteurs ? 

Nous sommes dans un moment de crise politique très fort. Le choix d’Emmanuel Macron d’une dissolution était complètement irresponsable, de même que ce choix de nomination du gouvernement. Notre pays fait face à un risque d’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite. Malgré le dégoût qui peut être ressenti, je tiens à leur dire qu’il ne faut pas abandonner et qu’il faut rester groupé. La partie n’est pas finie. Nous avons toujours besoin de ceux qui se sont rapprochés du Nouveau Front Populaire. De nouvelles élections auront peut-être lieu bientôt, alors ne lâchez pas !

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