Qu’est-ce que l’accord Mercosur qui embrase la scène politique et européenne ? Pourquoi la France est réticente ? Depuis quand un tel accord existe ? En quoi consiste-t-il et en sont les enjeux ? Lepetitjournal.com vous explique tout…


Qu’est ce que le Mercosur ?
De l’espagnol Mercado Común del Sur, le Mercosur signifie le Marché commun du Sud. Il s’agit d’une alliance créée en 1991 et constituée des membres fondateurs : l'Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay. La Bolivie les rejoint en 2023. se sont ajoutés des pays membres : le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, le Pérou et le Suriname.
Cette alliance Mercosur est considérée aujourd’hui comme le 4ème bloc économique de libre-échange au monde, représentant environ 80% du PIB de l’ensemble de l’Amérique du Sud. Elle repose sur la libre circulation des biens et services, l'adoption d'une politique commerciale commune vis-à -vis d’Etats tiers et la coordination des politiques économiques.
Aujourd’hui, l’UE exporte vers le Mercosur pour un montant de 45 milliards d'euros et importe des produits du Mercosur pour 43 milliards d'euros.
Existe-t-il en 2024 un accord entre le Mercosur et l’UE ?
Après environ 25 ans de négociation - débutées en 1999, le 28 juin 2019, le Mercosur et l’UE signent un accord de libre-échange. Le premier objectif est de promouvoir toute coopération et dialogue politique entre les deux alliances sur des questions de migration, d'économie digitale, de recherche, d'éducation, de droits humanitaires, de protection de l'environnement ou encore de cybercriminalité. Le second objectif est de renforcer et d'accroître les relations commerciales entre les deux alliances mondiales, en éliminant, par exemple, des droits de douane. L’implantation des entreprises européennes et françaises est facilitée au sein de marchés en croissance. En retour, les producteurs du Mercosur peuvent exporter plus de produits alimentaires et agricoles vers l'Europe. Aujourd’hui, l’UE exporte vers le Mercosur pour un montant de 45 milliards d'euros et importe des produits du Mercosur pour 43 milliards d'euros.

Pourquoi l’accord UE-Mercosur est critiqué depuis 2020 ?
Si le premier objectif de l’accord signé en 2019 - coopération et dialogue politique - ne pose aucune difficulté depuis la signature, le volet commercial est le sujet de toutes les inquiétudes. En 2020, une commission d’experts estime dans un rapport que l’accord pourrait aggraver la déforestation en Amérique du Sud mais pas seulement. La Commission estime que l’accord est trop fragile en ce qui concerne le principe de précaution, les engagements pris lors de l’Accord de Paris et que les normes de travail, de bien-être animal, environnementales et sanitaires ne sont pas alignées entre le Mercosur et l’UE.
Plusieurs gouvernements européens - dont la France - expriment rapidement après la signature leur opposition à l’accord en l’état, craignant des conséquences négatives sur leurs filières agricoles et alimentaires mais aussi sur l’environnement et la santé. L’Allemagne, le Portugal et l’Espagne poussent, en revanche, la mise en place de l’accord, notamment pour l’avenir de leurs industries.
Dans cet accord il n'y a rien qui prend en compte le sujet de la biodiversité et du climat. Rien! C'est pour cela que je dis qu'il n'est pas bon

Où en est l’accord UE-Mercosur à l'aube de 2026 ?
La France est toujours contre l’accord “en l’état”. “Je préfère mettre les pieds dans le plat", l'accord UE-Mercosur "tel qu'il est aujourd'hui négocié est un très mauvais accord, pour vous et pour nous", déclarait Emmanuel Macron en février 2024 lors d'un Forum économique à Sao Paulo. "Dans cet accord il n'y a rien qui prend en compte le sujet de la biodiversité et du climat. Rien! C'est pour cela que je dis qu'il n'est pas bon".
L'accord UE-Mercosur est "très mauvais", "bâtissons un nouvel accord", dit Macron au Brésil
Malheureusement, son avis n’est pas partagé par tous les pays européens. Fin 2024, plusieurs États membres - dont la France, la Pologne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et l’Autriche - avaient exprimé leur volonté de bloquer l'accord. Face à eux, les pays partisans de l'accord comme l'Allemagne ou l'Espagne poussent à la signature. Pour faciliter la ratification, la Commission européenne peut choisir de sortir le volet commercial et permettre son adoption séparée du reste de l’accord. C'est ce qu'elle a fait en approuvant la partie purement commerciale du texte le 3 septembre 2025.
Mais, annoncée avant la fin d'année 2025, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen déclare finalement que que la signature de l’accord global est reportée à janvier 2026, faute de majorité qualifiée. Ce report constitue un revers pour la Commission européenne, qui plaidait pour une conclusion avant la fin de l’année au nom de la crédibilité de l’Union européenne.
La France est toujours réservée et sous pression des mouvements agricoles. Emmanuel Macron a estimé qu’il était « trop tôt » pour dire si Paris pourrait accepter l’accord en janvier, appelant, avec plusieurs partenaires européens, à des garanties sur le maintien des revenus agricoles dans la future politique agricole commune. "Avec l’Italie, la Pologne, l’Irlande et plusieurs autres partenaires, nous avons demandé en parallèle que la Commission apporte des garanties sur le maintien des revenus de nos agriculteurs dans la future PAC [politique agricole commune] du prochain budget pluriannuel de l’Union" a-t-il déclaré à la presse mi décembre, ajoutant "Si aujourd'hui il y a une volonté de passage en force (...) je vous le dis très clairement, la France s'opposera".
L’Allemagne ne cache pas l’espoir de débouchés pour sa puissante industrie automobile, face à la féroce concurrence chinoise

Agriculture: les départs en vacances menacés par les colères paysannes
Quelles sont les conséquences possibles d’un accord Mercosur-UE ?
En France, le projet est rejeté en bloc par les agriculteurs, qui se sentent directement menacés par une “possible déferlante de viande en provenance de champions de l’élevage comme le Brésil et l’Argentine, sans respecter les normes sanitaires européennes” comme l’expliquait l'économiste Maxime Combes sur FranceInfo en novembre 2024 . La FNSEA, premier syndicat agricole français, demande demande aux agriculteurs de rester "mobilisés" suite à l'annonce de report de signature à janvier 2026.
🚜🇪🇺 MOBILISATION EN COURS
— La FNSEA (@FNSEA) December 18, 2025
Aujourd’hui, plus de 10 000 agriculteurs venus de toute l’Europe sont rassemblés à Bruxelles pour dire stop aux faux-semblants et exiger des décisions claires et ambitieuses pour l’agriculture européenne.
👉 Notre agricultrice a besoin de… pic.twitter.com/nDUisRl8j1
En Europe, l’Espagne voit en l’accord des opportunités commerciales majeures pour le pays, comme le rappelle régulièrement son premier ministre. L’Allemagne ne cache pas l’espoir de débouchés pour sa puissante industrie automobile, face à la féroce concurrence chinoise. Selon le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, l’accord augmenterait de 15 milliards d’euros le PIB de l’UE et de plus de 11,4 milliards celui des pays du Mercosur.
Plus largement, les milieux écologistes montent au créneau contre l’accord : intensifier les échanges de deux alliances mondiales contribuent au réchauffement climatique, à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et à la déforestation en Amazonie. Des experts annoncent une augmentation de 5% à 25% par an de la déforestation au cours des six premières années de sa mise en application. En 2020, une étude PAN mentionnait la présence de pesticides interdits ou réglementés dans des aliments en provenance du Brésil vers l’UE. Une conséquence directe dans les assiettes européennes.
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