Ils sont six, - et même huit si on y ajoute les deux chats - à être montés il y a quelques semaines sur leur catamaran « Eagle ». Ivan et Marion et leurs quatre enfants sont partis pour un voyage de trois à cinq ans, à la rencontre d’acteurs du changement et pour sensibiliser à la transition écologique et éducative. Pendant une escale pour réparer le bateau, nous avons échangé avec Marion. Portrait d’une famille au projet hors du commun.
C’est lors d’une soirée en 2015 que le projet de la famille Seigneur voit le jour : Partir rencontrer le monde en famille à la voile. Ivan et Marion, les parents, Anne, Claire, Agathe et Antoine, leurs enfants ne vivent dorénavant qu’avec l’idée qu’un jour, ils partiront à l’aventure. Le projet va mettre sept années à se réaliser, entre la formation à la navigation, la recherche de financement, la reconversion professionnelle, les doutes, l’achat et la préparation du bateau. Le 11 juin 2022, le catamaran Eagle prend le départ dans le sud de la France.
Le début très mouvementé de l’aventure à voile en famille
Eagle, le catamaran d’occasion de 45 pieds a fière allure ce 11 juin 2022. Espéré, acheté, bichonné, équipé, il représente des mois de travaux et de sueur. « Notre bateau est un équipier à part entière ! Il est un peu comme le camion Marcel de « C’est pas sorcier », vous voyez ? ». La famille quitte donc le Port Navy Service, non loin de Marseille. « Les débuts ont été compliqués avec une météo assez intense et la gestion du bac de français de notre aînée. Nous relâchions la pression de ces années de préparation et de travaux. » raconte Marion. « Cette forme de relâchement a été combinée par une immense énergie utilisée pour s’adapter à la vie de bateau. TOUT change ! ». Dès les premiers jours, la mère de famille subit l’inconfort physique d’un voyage en mer. Un mois d’adaptation, en mouillage dans le sud de la France, n’est donc pas de trop.
Mi-juillet, la famille prend la mer vers la Corse. Mais le voyage s’arrête encore. A deux jours près, le bateau échappe à la violente tempête à l’île de Beauté, et se réfugie en Sardaigne où les vents restent violents : « Nous avons compris que la météo serait notre plus grand gouverneur. Nous nous sommes mis à la scruter, trouver des stratégies pour échapper à tel ou tel coup de vent, ou mouiller au bon endroit… ». Quelques jours plus tard, la famille Seigneur n’échappe pas à un très violent orage alors que le bateau est à l’arrêt à Majorque : « Ce moment a été vraiment très violent, très choquant pour tout le monde. Nous avons eu de la casse sur le bateau. ». Arrivés à Carthagène, les voyageurs se posent, pour souffler et procéder aux réparations de Eagle. Si tout n’est pas de tout repos, Marion est très positive : « Ce voyage est une école incroyable de savoir s’adapter et profiter de ce qu’on a, essayer de saisir l’instant présent, de prendre du recul. »
La confiance pour maître mot du projet familial
Si Marion, Ivan et leurs enfants ont mis des années à monter leur projet, ce n’est pas que pour des raisons matérielles et financières : « Nous avons beaucoup travaillé sur les grandes valeurs de ce projet. Parce que mettre au clair nos visions sur la vie nous permet de nous y raccrocher. » confie Marion. L’un des maîtres mots de la famille est la confiance. Celle-ci les aide à faire face à l’inconnu « à chaque fois que l’on arrive quelque part, c’est une nouveauté à chaque fois. Cela peut être une belle surprise mais cela peut aussi être perturbant. Mais nous nous disons que tout va aller bien, à condition que nous le vivions bien, que nous ayons confiance. Si nous perdons la confiance, autant arrêter… ». La mise à l’épreuve permanente que vivent les membres de la famille Seigneur leur permet de mieux gérer leurs émotions, sans forcément tout maîtriser. Être triste ou avoir peur n’est absolument pas tabou, chacun exprime régulièrement ce qu’il ressent.
Doutes, déception, imprévus… le projet s’adapte
Mais tous ne vivent pas l’expérience insolite de la même manière : « Même si nous avons construit le projet en famille et demandé l’avis de tout le monde, le départ a été difficile pour notre aînée de 17 ans, et ça l’est toujours. Une fois sur l’eau, elle a réalisé qu’il y avait des choses qui ne lui convenaient pas. Le rythme des navigations n’est pas forcément compatible avec la vie d’une adolescente bachelière. En revanche, à terre, Anne adore découvrir un nouvel endroit. ». Claire, la seconde jeune fille de la famille vit mieux le voyage, par son tempérament aventurier, son goût de la navigation et sa capacité d’adaptation, décrit sa maman. Les deux derniers de la fratrie, âgés de 12 et 8 ans sont « dans une période idéale pour vivre ce genre d’expérience » se réjouit Marion, “ils sont dans l’enthousiasme permanent. C’est une sacrée école pour eux. Antoine est un vrai marin ! ». Mais très vite, les difficultés d’Anne remettent l’aventure en question. La famille décide de revoir la feuille de route et de passer l’année scolaire aux Canaris. Pour ensuite reprendre le voyage. « A voile, on dit souvent que les projets s'écrivent sur le sable à marée basse. C’est exactement ça. Je monte sur le bateau, je fais des projets, la marée passe et je dois tout changer, en raison de la météo ou d’un autre imprévu en mer. »
L’Ancre et les voiles, une association porte-parole des apprentissages du voyage
Marion insiste : « ce projet est une très belle opportunité pour grandir. Avec Ivan, nous avons toujours senti au fond de nous qu’un jour nous vivrions une expérience EXTRA-ordinaire, qui sorte des sentiers battus. Nous voulions aussi montrer à nos enfants qu’il est possible d’aller au bout de ses envies ». Au-delà d’oser leur rêve, la famille Seigneur souhaite donner de la résonance au périple à voile. Pour cela, elle crée l’association « l’Ancre et les voiles » à but non lucratif « dont la mission est de sensibiliser à la transition individuelle et collective vers une société plus respectueuse du vivant, plus inclusive, plus pacifique, plus sobre et plus durable sur le long terme. » selon le site internet créé pour cette cause.
Les aventuriers misent - entre autres - sur le partage de leurs découvertes, leurs rencontres au gré de la navigation et des mouillages, leurs observations d’autres systèmes sociétaux mais aussi leur projet pédagogique à bord. Ils souhaitent créer des outils éducatifs, des carnets de voyage et organiser des rencontres dans les écoles. Marion tient régulièrement un journal de bord et alimente les réseaux sociaux.
S’il ne fallait reprendre qu’une citation choisie par « l’Ancre et voiles » pour résumer l’incroyable aventure que vit la famille Seigneur, elle serait, selon nous : « Veux-tu vivre heureux ? Voyage avec deux sacs, l'un pour donner, l'autre pour recevoir. ». (Goethe).
Nous souhaitons un très beau voyage à Ivan et Marion, Anne, Claire, Agathe et Antoine. Si vous souhaitez suivre leurs aventures, rendez-vous ici