Atteint d’une myopathie rare, Matthias Lambert a non seulement identifié le gène responsable de sa propre maladie, mais il fait des recherches sur celle-ci à Boston. À 35 ans, le chercheur originaire du Nord de la France publie Le combat d’une vie, un livre témoignage à la fois intime et porteur d’un message universel sur le handicap. Lepetitjournal.com l’a rencontré avant une tournée médiatique en France.


Dans son livre qui paraît le 19 novembre 2025, Matthias Lambert raconte le parcours d’un jeune diagnostiqué avec une myopathie rare, devenu scientifique à Harvard...
“Ça fait déjà un petit moment que je pense à écrire mon histoire. Je pense qu’elle est assez particulière en tant que personne atteinte d’une maladie génétique et qui poursuit une carrière de recherche sur sa propre maladie” commence Matthias Lambert depuis son laboratoire de Boston. La rédaction connaît bien le chercheur, pour avoir échangé avec lui en 2024 sur la recherche à l’étranger, le Téléthon à l’étranger et le handicap en expatriation. Nous avions d’ailleurs publié un portrait dans le magazine EXPATS. Alors, quand on nous a parlé de la publication d’un livre Le combat d’une vie, il était important de lui donner une résonance avant une tournée médiatique en France et la 39ème édition du Téléthon. Dans son livre qui paraît le 19 novembre 2025, Matthias Lambert raconte son parcours exceptionnel, celui d’un jeune diagnostiqué avec une myopathie rare, devenu scientifique à Harvard puis chez Vertex, une entreprise qui développe des thérapies pour les maladies neuromusculaires.
Matthias Lambert est atteint d’une pathologie très rare, diagnostiquée dès la naissance, mais qui, pendant 25 ans, ne porte pas de nom : “J’ai une faiblesse sur l'entièreté de mes muscles. Concrètement, je suis très fatigué au point de ne pas pouvoir marcher sur une longue distance, parler me demande un gros effort, et même manger ou respirer. Chaque nuit, j’ai une assistance respiratoire pour me tenir en vie.”
On n’est pas moins capables que les autres”, nous faisons simplement les choses différemment.

Des rencontres déterminantes dans sa vie
Si Matthias souhaite partager son parcours, il y apporte une réflexion plus large, “J’espère que mon livre puisse permettre à d’autres de pouvoir se nourrir un peu de mon vécu. Je pense qu’on ne donne pas assez de chances à beaucoup de jeunes aujourd’hui en situation de handicap” Pour lui, le handicap n’est pas une faiblesse, “on n’est pas moins capables que les autres”, insiste-t-il. “Nous faisons simplement les choses différemment.”
Il m’a répondu “vas-y, va chercher tes diplômes. Vas-y à fond ! ”. Il m’a pris au sérieux. Le point zéro de toute ma carrière”
Pour en être convaincu, le chercheur raconte notamment les figures marquantes qui ont croisé son chemin : Adolescent, il rencontre Bernard Barataud, créateur du Téléthon télévisé dans les années 1980 “On s’est croisés, je lui ai dit que j’avais envie d’être chercheur. Il m’a répondu “vas-y, va chercher tes diplômes. Vas-y à fond ! ”. Il m’a pris au sérieux.” Pour lui, c’est une rencontre décisive, “le point zéro de toute ma carrière.”
Lorsque l’on est une personne handicapée, la confiance est quelque chose de très difficile
Un autre visage marque Matthias : le Docteur Vincent Tiffreau, son médecin au CHU de Lille, qui lui permet de faire ses premiers pas dans la recherche. À 25 ans, Matthias se lance dans des recherches et propose d’étudier trois gènes en particulier : “Trois mois plus tard, Vincent Tiffreau me confirme que la mutation de l’un de ces gènes est la cause de ma maladie.”. Le scientifique se souvient de la confiance accordée et admet : “Lorsque l’on est une personne handicapée, la confiance est quelque chose de très difficile”

Partir à l’étranger, le choix ambitieux de l’inconnu
“Mon doctorat en poche à 26 ans, je cherchais à vivre une expérience à l’étranger dans un pays anglophone. La langue de la science est l’anglais” confie Matthias Lambert lorsque nous l’interrogeons sur le choix de partir à l’étranger. “J’avais postulé dans différents laboratoires pour effectuer un postdoc en Australie, en Angleterre et aux États-Unis. J’ai reçu trois propositions, toutes venant des US. À l’époque, j’étais jeune et un peu insouciant, avec la soif de découvrir un autre pays, une nouvelle culture, et sans réelle attache en France. Si je devais refaire cette démarche aujourd’hui à 35 ans, j’hésiterais peut-être un peu plus.”
Expatriation ou fuite : la France subit-elle une hémorragie lente de ses talents ?
Matthias se souvient être parti d’abord pour “une très belle opportunité”, avec l’idée de rentrer. Mais, après un an passé aux États-Unis, son but devient de s’installer plus longuement. Aujourd’hui, il ne cache pas son attachement à son environnement actuel : “Je dirai que les États-Unis sont toujours propices pour faire de la recherche, bien qu’il y ait beaucoup d’effets d’annonces avec les visas et les coupes budgétaires. Ici, on fait plus confiance aux jeunes et les opportunités sont plus nombreuses. La progression peut se faire très rapidement.” confie-t-il.
Depuis trois ans, Matthias Lambert participe au Téléthon de Boston, événement caritatif réunissant la communauté francophone. “La première année, nous avions récolté à peu près 4.000 dollars. En 2024, nous sommes montés à 10.000 dollars ! Le but, cette année, est de faire encore mieux bien sûr.” Mais au-delà des chiffres, c’est la transmission qui le motive : “les petits d’aujourd’hui seront peut-être les organisateurs du Téléthon de demain.”

Vivre le handicap à l’étranger, un combat au quotidien mais…
Matthias Lambert le confie dans son livre sans fard, partir vivre aux États-Unis avec un handicap n’a pas été sans obstacles : “J’ai dû par exemple me renseigner sur comment rembourser les machines qui m’aident à vivre. J’ai souscrit à la Caisse des Français de l’Étranger. En France, quelqu’un m’a dit avant de partir “les personnes handicapées ne vont pas travailler aux États-Unis.” insinuant sans doute que les barrières seraient trop grandes, les factures trop lourdes. “Il ne faut rien lâcher, il faut être solide et faire ses propres recherches.”
Ma méthodologie repose beaucoup sur l’observation. Mon taux de réussite sur la première expérience est beaucoup plus grand
Revenant longuement dessus dans son ouvrage, Matthias Lambert nous parle sa méthode de travail, façonnée par sa situation de handicap : “ma méthodologie repose beaucoup sur l’observation. J’ai une très bonne mémoire photographique. Je passe beaucoup de temps à réfléchir avant d’expérimenter. Mon taux de réussite sur la première expérience est beaucoup plus grand parce que je passe plus de temps à y réfléchir.”
Si vous faites un excès de vitesse, on vous met une amende. Aujourd’hui, si votre établissement n’est pas adapté au handicap, on ne vous punit pas…

L’autre combat de sa vie : réveiller les consciences aux réalités du handicap
Avec son livre, Matthias espère aussi ouvrir une réflexion sur la couverture des personnes handicapées à l’étranger. provoquer un sursaut collectif. “Mon but avec Le combat d’une vie est aussi de réveiller les consciences. Nous avons une loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances. Ce texte a 20 ans et encore beaucoup de points ne sont pas respectés !”. Le chercheur en situation de handicap dénonce notamment l’absence de sanctions pour les établissements non adaptés. “Si vous faites un excès de vitesse, on vous met une amende. Aujourd’hui, si votre établissement n’est pas adapté, on ne vous punit pas…”. Le combat d’une vie continue, en France comme à l’étranger.
Matthias Lambert prévoit une tournée médiatique en France du 28 novembre au 7 décembre 2025 : “Le but est vraiment qu’il y ait un réveil à la fois local mais aussi national. Les promesses valent plus que de belles phrases. Il faut agir ! J’en suis l’exemple : cela a fonctionné.”
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