La question brûle les lèvres des investisseurs étrangers ces derniers mois : comment l’Europe et la France s’en sortent-elles dans le contexte actuel ? Et le couperet tombe par le baromètre EY de l’Attractivité 2025 : l’Hexagone reste la première destination européenne des investissements étrangers mais le volume des projets est en chute libre, tout comme l’emploi généré. Portrait d’un essoufflement.


La France parvient à maintenir son rang de première destination européenne des investissements étrangers mais...
L’opération séduction semble avoir des limites… Dans un contexte international chaotique, l’attractivité de la France a perdu de sa superbe. En 2024, le pays enregistrait 415 investissements industriels, soit une baisse de 22 % par rapport à 2023. Les emplois générés par ces projets se sont effondrés, eux, de 74 %. Malgré tout, la France parvient à maintenir son rang de première destination européenne des investissements étrangers. Pourquoi un tel essoufflement ? Le baromètre EY de l’attractivité 2025, - enquête annuelle qui observe les flux et les mécanismes d’investissements et d’implantations internationales - tente d’y répondre…
Entre le 20 février et le 26 mars 2025, une enquête en ligne a été menée auprès de 200 décideurs internationaux impliqués dans des décisions d’investissement étranger. Les répondants, répartis dans 22 pays, ont été interrogés en anglais, français et allemand. L’échantillon est représentatif des investissements internationaux, tant par leur origine géographique (principalement européenne), que par leur secteur d’activité et la taille des entreprises.
L’attractivité économique de la France se dégrade-t-elle à l’aube de 2025 ?

La France dispose toujours d’atouts indéniables, mais ces forces se heurtent aux exigences immédiates de rentabilité, de stabilité, de coûts énergétiques
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Instabilité politique, contexte budgétaire tendu et incertitudes fiscales…Autant de facteurs qui freinent les investissements en France en début d’année 2025. Selon le baromètre EY, 13 % des dirigeants estiment que la stabilité politique est un atout, un chiffre en nette baisse par rapport aux années précédentes. En parallèle, les réorganisations et fermetures d’usines par des entreprises étrangères se sont multipliées (+22 %), signe d’un climat des affaires de plus en plus incertain.
Le saviez-vous ? En France, selon l’INSEE, 18.800 entreprises sont sous contrôle étranger (1%), emploient 2,3 millions de personnes et contribuent à 17% du PIB, 22% de la R&D privée et 35% des exportations industrielles
Pourtant, d’après l’enquête auprès de 200 dirigeants, la France dispose toujours d’atouts indéniables - taille du marché, capacité d’innovation, compétences qualifiées, infrastructures développées et qualité de vie - mais ces forces se heurtent aux exigences immédiates de rentabilité, de stabilité, de coûts énergétiques et de moyens pour la transition écologique. Les investisseurs étrangers ont une perception de l’industrie française plus sévère et pénalisée par des coûts salariaux couplés d’un manque de compétitivité et d’innovation. Et les chiffres le confirment : avec un coût horaire de 46,3 euros dans l’industrie manufacturière, la France se heurte à un obstacle majeur face aux concurrents européens. En comparaison, le coût horaire est de 15,8 euros en Pologne, 31,9 euros en Italie et 27,5 euros en Espagne…
5.383 projets ont été annoncés en Europe en 2024, soit une baisse de 5 % par rapport à 2023.

La beauté de l’Europe en ordre dispersé
Rappelons que la France fait partie d’un tout, qui se nomme Europe. Et dans un monde où les équilibres économiques sont bouleversés par les tensions commerciales et les incertitudes politiques, c’est presque l’ensemble du continent européen qui vacille. Les investissements étrangers ont atteint leur plus bas niveau depuis neuf ans. Pour le dire autrement, 5.383 projets ont été annoncés en Europe en 2024, soit une baisse de 5 % par rapport à 2023. Les deux principaux concurrents de la France - le Royaume-Uni et l’Allemagne - s’inscrivent dans la même tendance d’essoufflement avec respectivement investissements des baisses de -13% et de -17% des investissements par rapport à 2023. Le recul des projets est encore plus marqué en Irlande (-25%), dûe à la réorganisation des activités servicielles selon l’enquête. Les Pays-Bas (-6%) et la Belgique (-2%) subissent aussi la tendance.
Pourtant des irréductibles pays résistent à l’essoufflement. L’Espagne (+15 % des investissements directs étrangers), la Pologne (+13 %) et l’Italie (+5 %) réussissent à capitaliser sur des coûts plus bas, une réactivité accrue et des stratégies ciblées pour attirer les investissements industriels. Mais encore ? Selon le baromètre EY, les outsiders misent sur la disponibilité de foncier, la réduction des délais administratifs, et un environnement plus réactif. Parallèlement, le Danemark (+86 %) et la Suède (+25 %) continuent d’afficher une croissance des projets d’investissement, notamment dans les secteurs technologiques et commerciaux.
Les investissements directs à l’étranger (IDE) y ont bondi de 20 % aux US , tandis que les projets américains en Europe ont reculé de 11 %.

Les Etats-Unis, la grande attraction économique
A la fin, il n’en restera qu’un ? Jouant les protectionnistes sur l’échiquier mondial, les États-Unis s’imposent comme le grand gagnant de la redistribution des cartes économiques selon le baromètre. Les investissements directs à l’étranger (IDE) y ont bondi de 20 %, tandis que les projets américains en Europe ont reculé de 11 %. Concrètement, 942 entreprises américaines ont fait le choix d’investir en Europe en 2024, soit le plus bas niveau enregistré depuis plus de dix ans. Comment expliquer une telle dynamique en Amérique du nord ? Selon le baromètre EY, ce sont les effets du Inflation Reduction Act et du Chips Act, avec des investissements dans les semi-conducteurs, les équipements industriels, les composants électroniques, les énergies renouvelables mais aussi l’aéronautique.
L’enquête ayant eu lieu entre février et mars 2025, les tensions commerciales ne sont pas encore prises en compte dans ces résultats. Le baromètre prévient : les désaccords commerciaux influenceront forcément “le niveau et la nature des investissements étrangers en France, en Europe et dans le monde (...) la remise en cause de l’ordre multilatéral et le repli stratégique des Etats-Unis offrent des perspectives au mieux limitées, sans doute chaotiques.”
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Mais alors… Que faire pour séduire encore en 2025 ?
Pour les dirigeants interrogés par EY, les principaux freins à l’attractivité européenne demeurent les tensions géopolitiques (35 %), le contexte macroéconomique (34 %) et les barrières commerciales (30 %). Pas sûr que la situation s’arrange. Pour raviver sa cote auprès des investisseurs, la France doit sortir le grand jeu. Compétitivité, fiscalité, innovation : autant de charmes à polir pour séduire les décideurs internationaux et convaincre les PME-ETI d’investir dans la transformation numérique et écologique. La 8ème édition du Sommet Choose France, le lundi 19 mai 2025 en est une bonne occasion. En Europe, même combat. Pour rester dans la course face aux offensives américaines et chinoises et en écho aux analyses et prescriptions du rapport Draghi, le Vieux Continent doit miser sur une énergie plus abordable et des barrières commerciales allégées.
62% des dirigeants interrogés prévoient des projets d’investissement immédiats en France en 2025. Les diamants sont éternels paraît-il.
Le rapport Draghi, remis en septembre 2024, examine les actions stratégiques visant à stimuler la croissance et la compétitivité dans l'UE. Il met l’accent sur quatre axes stratégiques : stimuler l’innovation dans les technologies de pointe, repenser la politique industrielle en intégrant fiscalité et commerce, renforcer le financement des investissements via une union bancaire aboutie et simplifier la réglementation pour accélérer la prise de décision.
Mais l’attractivité de la France ne s’effrite pas encore… En 2024, elle a su capter l’attention avec 41 projets séduisants en intelligence artificielle. Un score qui dépasse de 13 projets celui du Royaume-Uni, son principal rival européen. Du côté des énergies renouvelables, le pays attire aussi les regards avec des projets d’énergies renouvelables et de R&D. Finalement, 62% des dirigeants interrogés prévoient des projets d’investissement immédiats en France en 2025. Les diamants sont éternels paraît-il.
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