Géraldine Blanc des meubles For Me Lab, Nadège Gaultier de Confiture Parisienne et Laetitia Godillot des puzzles Jour Férié incarnent au féminin un joli trio d’entrepreneuses convaincues, ayant le goût du beau, du travail bien fait, et ayant à cœur d’offrir une fabrication 100% française. Rencontre avec ces muses du quotidien qui nous invitent au voyage, au recentrage, et à l’expérience esthétique du présent.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Géraldine : Je suis cofondatrice de FOR ME LAB. Nous oeuvrons chaque jour pour une consommation plus responsable et qui privilégie l'humain et le beau à travers nos créations artisanales. J'ai eu une première vie dans de grandes entreprises mais manquais de sens au quotidien. J'ai nourri pendant de longues années le rêve de créer mon entreprise et j'ai fini par me lancer en juin 2016 !
Nadège : J’ai fondé avec mon associée Laura Goninet, Confiture parisienne, une marque de confiture artisanale fabriquée à Paris sous le Viaduc des Arts. Avant cela, j’ai travaillé pendant 15 ans dans les plus belles agences de publicité parisienne en tant que responsable de compte client.
Laetitia : Je suis la co-fondatrice de Jour Férié. Je suis spécialisée dans la gestion de PME et l’éco conception dans le domaine du print.
Pouvez-vous présenter votre concept, comment est-il né ?
Géraldine : Nous permettons à nos clients d'accéder plus facilement à des créations sur-mesure réalisées à la demande par nos artisans : nous sommes connus pour nos tables authentiques en bois sur-mesure mais proposons au-delà une offre complète, des assises aux luminaires, en passant par l'agencement. L'idée est venue car j'emménageais ma maison et j'étais lassée de constater que l'offre en mobilier était partout la même alors que je cherchais des produits plus uniques. La seule façon d'y accéder était de passer par un artisan mais ce n'est pas une chose simple. FOR ME LAB facilite toute la démarche de sur-mesure et met en avant des créations exclusives qu'on ne trouve nulle part ailleurs.
Nadège : Il est né de l’histoire parisienne de la confiture et plus généralement de la gastronomie. Il y a longtemps, UPS, Fedex et autres transporteurs n’existaient pas. Les gens devaient se nourrir avec les ressources disponibles sur place. Ils étaient hyper avant-gardistes sur le « locavore » Et du coup, il y avait une tonne de vergers et cultures dans et autour de Paris. Il fallait bien nourrir la bourgeoisie parisienne, et tout était fabriqué sur place avec les meilleurs produits. La confiture ne faisait pas exception et était même un met délicat et réservé à la table royale. Une fois que l’importation de la canne à sucre et de la culture de la betterave s’est répandue, sa consommation est devenue plus démocratique.
C’est bien cette histoire qu’on a voulu retrouver avec Laura. On s’est dit que ce serait en travaillant des recettes exceptionnelles grâce à des approvisionnements sélectionnés avec soin et en proposant un emballage aussi beau que la recette serait délicieuse. Tellement beau que nos clients ne jettent pas nos pots mais les réutilisent, c’est encore mieux que de recycler!
Laetitia : J’ai eu l’idée un peu avant le confinement sans vraiment y penser sérieusement. Et puis on a commencé à entendre parler du retour du puzzle et là je me suis dit qu’il y avait définitivement quelque chose à faire. Le puzzle est une madeleine de Proust, il suffisait de le dépoussiérer. J’avais une expertise dans le packaging carton donc je maîtrisais la technique, il ne me manquait que les visuels et surtout comment créer une marque. Et puis la vie a mis Céline sur ma route, elle est directrice artistique et a surtout un talent créatif fou. C’était une évidence...
A qui vous adressez-vous ?
Géraldine : Nos clients sont des professionnels à la recherche d'un aménagement convivial et original qui change des espaces classiques : bureaux, hôtels et restaurants. Nous nous adressons également aux particuliers qui recherchent en général une table de salle à manger authentique.
Nadège : On s’adresse à des personnes en quête d’un produit « sain » dans lequel il n’y a aucun ingrédient non « décryptable », à des gens qui comprennent qu’un produit « bon » dans le sens délicieux bien sûr mais aussi dans la démarche « censée » coûte forcément plus cher qu’un produit qui a été réalisé pour générer un maximum de rentabilité. Nos approvisionnements nous coûtent cher car nous travaillons avec des petits producteurs à majorité française (certains produits n’existent pas en France) à qui nous achetons des produits au juste prix.
Laetitia : A tout le monde, on est très inclusif chez Jour Férié ! On s’adresse aux adultes qui souhaitent se recentrer. On a tous des vies où le temps nous échappe. Nous sommes là pour ceux qui veulent se poser en s’échappant.
Pourquoi le « made in France » vous tient-il tant à cœur ?
Géraldine : Nous défendons les savoir-faire en France et surtout des hommes passionnés par leur métier. La France est un pays magnifique qui regorge d'essences de bois superbes et de talents, alors pourquoi aller à l'autre bout du monde ? Nous privilégions une fabrication locale pour limiter les transports.
Nadège : Le « made in France » est important, car nous sommes un minimum patriotique je pense avec Laura. Nous avons en France des gens de talent avec qui nous avons plaisir à travailler. Pourquoi aller chercher à l’autre bout de la terre des choses que nous français savons faire et bien faire ? Nous aimons la relation que nous entretenons avec nos fournisseurs et partenaires. On aime aussi les histoires de famille. Monter une entreprise c’est ça : c’est une aventure dans laquelle on embarque une petite famille de personnes qui vont toutes oeuvrer et contribuer à la finalité du produit qui se retrouvera sur des rayonnages. Le plus important dans tout cela c’est d’en être fière et aujourd’hui on commence un peu à l’être même s’il reste beaucoup de chemin à parcourir !
Laetitia : J’ai longtemps travaillé avec la Chine. J’ai quitté mon travail dans le packaging de luxe parce que je ne supportais plus l’absurdité de faire voyager des boîtes en carton sur des milliers de kilomètres. Créer Jour Férié était avant tout me remettre en accord avec moi-même.
Quel est votre principal défi ?
Géraldine : Difficile de faire un choix. Nous avons de multiples défis : le principal c'est de convaincre nos clients de ne pas céder à la facilité. Le sur-mesure et la production à la demande et locale ont un coût, certainement supérieur au "Made in China". Mais nous avons des prix compétitifs car nous sommes en direct avec les ateliers. L'idée est d'acheter moins, mais mieux, et ce défi se situe dans plein de domaines aujourd'hui. Heureusement, il nous semble que tout le monde prend conscience de cela et que les choses changent !
Nadège : Arriver à grandir au fur et à mesure du temps qui passe. Adapter nos outils de production, agrandir l’équipe et intégrer de nouvelles personnes. Trouver toujours de nouveaux produits, de nouvelles recettes, des nouvelles idées. C’est plus difficile en ce moment car la « nourriture de cerveau » comme je l’appelle est plus difficile d’accès : plus de cinéma, de restaurant, de musées, de voyage … Les oeillères commencent à être grandes...
Laetitia : La communication. Et c’est frustrant car c’est un domaine que je connais mal. Fabriquer un produit de qualité n’est pas difficile ; même si cela a un coût, cela reste contrôlable. Mais si vous avez un super produit et que personne ne sait que vous existez, ça ne sert à rien... Du coup j’apprends... Moi qui n’utilisais pas Instagram, aujourd’hui j’y passe mes journées !
Comment envisagez-vous la dimension « export » de votre offre ?
Géraldine : Nous proposons déjà notre offre aux autres pays européens et souhaitons développer l'international cette année grâce à un nouveau site Internet en anglais et à une force commerciale implantée localement.
Nadège : On commence à travailler pas mal avec l’export notamment la Corée qui est un pays très friand de produits français. Nous avons notre propre service logistique en interne donc c’est une expertise sur laquelle nous avons la main mise et cela facilite énormément les choses. La préparation des commandes est fastidieuse car tout doit être absolument parfait. Cela nous a permis également de nous améliorer sur l’exigence générale de nos produits.
Laetitia : Pour l’instant nous gérons tout de France car l’export est essentiellement en Europe et ne représente qu’une petite partie de notre activité. Mais dans le futur, imaginons que nous souhaitions nous implanter aux Etats-Unis, nous rechercherons des partenaires sur place. Le made in France n’est pas une préoccupation chauvine, c’est avant tout pour limiter notre empreinte carbone. Si nous fabriquons en France et envoyons une grosse partie de notre production à l’autre bout du monde, ça n’a plus de sens
Avez-vous un rêve ? De quoi sera fait demain ?
Géraldine : J'ai beaucoup de rêves, oui... Je rêve surtout d'une prise de conscience générale qui pousse chacun de nous à agir plus vite pour protéger la planète. On met trop de temps... Chacun de nous a une grande responsabilité car c'est au niveau individuel qu'on va pouvoir faire changer les choses. Chacun de nos choix est important et c'est par nos achats que nous nous exprimons et faisons changer les choses. J'espère que demain notre mode de vie changera et mettra les petits producteurs à l'honneur. Le retour à l'humain et le bannissement du plastique ne pourront que nous rendre plus heureux au quotidien.
Nadège : On ne sait pas de quoi sera fait demain mais si on rêve un peu, on peut se dire qu’on aimerait bien devenir le Mariage Frères de la confiture dans le monde !
Laetitia : Je rêve que le tissu d’entrepreneurs responsables que nous voyons apparaître aujourd’hui devienne la norme. Que nous en finissions avec le « green washing » et que les valeurs annoncées par les marques soient celles de leurs fondateurs et relayées par leurs équipes. Je veux également un monde où l’indignation de tous s’entendra à chaque fois qu’une personne sera discriminée. Je veux qu’un homme puisse venir avec des talons au bureau et qu’une femme qui fait du 46 porte des couleurs vives ou n’importe quel vêtement dans lequel elle s’aimera, sans se préoccuper du regard des autres. Enfin, je veux que le bon sens soit la norme. Créons un monde ou l’autre est un allié vers le seul vrai combat que nous devons mener : sauver notre éco système.