Le soutien aux caricatures d’Emmanuel Macron lors de l’hommage à Samuel Paty a déclenché les foudres du monde musulman. Boycott des produits français, manifestations et tensions diplomatiques ont émergé dans ces pays, pourtant essentiels à notre commerce extérieur.
« Nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins, même si d'autres reculent », a déclaré Emmanuel Macron lors de l’hommage national rendu à Samuel Paty, professeur assassiné pour avoir présenté des caricatures du prophète Mahomet lors d’un cours sur la liberté d’expression. Ce soutien appuyé du président français pour une laïcité sans concession et la lutte contre le « séparatisme islamiste » a déclenché une vague d’indignations dans plusieurs pays musulmans.
La Turquie mène la fronde
Le Secrétariat général de l’Organisation de coopération islamique (OCI), réunissant 57 États membres, s’est dit « surpris par le discours politique officiel de certains responsables français qui offense les relations franco-islamiques et alimente des sentiments de haine au nom de gains politiques partisans ».
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’en est pris personnellement à Emmanuel Macron ce weekend : « Tout ce qu'on peut dire d'un chef d'Etat qui traite des millions de membres de communautés religieuses différentes de cette manière, c'est : allez d'abord faire des examens de santé mentale ». Une prise de position peu diplomatique qui a entrainé le rappel de l’Ambassadeur de France en Turquie. Ce lundi, le président turc est allé plus loin en incitant publiquement au boycott des produits français : « Tout comme en France certains disent 'n'achetez pas les marques turques', je m'adresse d'ici à ma nation : surtout ne prêtez pas attention aux marques françaises, ne les achetez pas ».
Les produits français boycottés
Alors que des appels au boycott se multiplient sur les réseaux sociaux, certains pays, comme la Turquie, ont déjà pris des actions. Des grands distributeurs du Koweït ont annoncé avoir retiré certains produits français comme les fromages Kiri et Babybel de leurs catalogues. Les agences de voyages locales ont également suspendu tous les vols vers la France. L’université du Qatar a décidé de repousser sa semaine culturelle française. En Israël, 200 personnes ont manifesté devant la résidence de l’ambassadeur de France. En Jordanie, le Front d'action islamique, un parti d’opposition, a appelé les citoyens à boycotter les produits français. Même son de cloche dans plusieurs pays musulmans, dont les Emirats Arabes Unis, le Qatar, le Bangladesh ou encore la Libye. Les hashtags #boycottfrenchproducts et #boycottfrance ont fait écho à cette colère sur les réseaux sociaux.
La France appelle au calme
Interrogé sur RMC, le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a lancé un «appel aux entreprises à résister au chantage et malheureusement à subir ce boycott» des produits français. Selon lui, il est essentiel de «faire passer nos principes avant la possibilité de développer nos affaires». Pourtant, l’équilibre entre défense des valeurs républicaines et enjeux économiques est périlleux pour une France déjà affaiblie par une crise sanitaire sans précédent. Le boycott des produits français dans les pays du Golfe, premiers importateurs d’agro-alimentaire tricolore, pourrait être catastrophique pour le secteur.
Dans un communiqué, le gouvernement français a souhaité calmer les tensions et s’oppose à cette campagne de dénigrement disproportionnée : « Les appels au boycott sont sans aucun objet et doivent cesser immédiatement, de même que toutes les attaques dirigées contre notre pays, instrumentalisées par une minorité radicale. ». « La France est un grand pays, les citoyens musulmans ne sont pas persécutés, ils construisent librement leurs mosquées et pratiquent librement leur culte », a également indiqué Mohammed Moussaoui, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui appelle les musulmans de France à « défendre l’intérêt » du pays.
Paris souhaite en tout cas minimiser l’affaire : « Les ministres ainsi que l’ensemble de notre réseau diplomatique sont entièrement mobilisés pour rappeler et expliquer à nos partenaires les positions de la France, notamment en matière de libertés fondamentales et de refus de la haine, appeler les autorités des pays concernés à se désolidariser de tout appel au boycott ou de toute attaque contre notre pays, accompagner nos entreprises et assurer la sécurité de nos compatriotes à l’étranger».
Mais quelles seront les conséquences sur les exportations françaises ? Si les « impacts (sont) impossibles à chiffrer pour le moment », selon le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester. Ce dernier a indiqué, dimanche soir, à l'AFP être « en contact permanent avec les entreprises françaises concernées dans l’agroalimentaire », et en particulier « Bel, Lactalis, et Danone ».