En parallèle d’une carrière de haut niveau en Asie dans l’industrie du luxe, Michel Beaugier a choisi d’être conseiller du commerce extérieur, au service du rayonnement et de l’attractivité de la France depuis 30 ans. Aujourd’hui vice-président de la Commission Asie-Pacifique et administrateur des CCE, il se rend à New Delhi avec 500 autres CCE : “L’Inde a un immense potentiel pour les entreprises européennes, la France doit s’y montrer !”
Pouvez-vous nous présenter votre parcours en Asie Pacifique ?
Je suis conseiller du commerce extérieur depuis 1990, ce qui faisait de moi, à l’époque, le plus jeune CCE de France. Je travaillais chez Lancaster à Monaco.. Je suis ensuite parti vivre en Asie en 1992, entre Singapour - où je travaillais chez Cosmopolitan Cosmetics (racheté par Procter) - le Japon et le Vietnam. J’ai terminé ma carrière en tant que Président de Procter et Gamble Prestige à Singapour, dans la partie cosmétiques et mode. J’ai ensuite décidé de lancer mon entreprise de conseil et j’ai travaillé en tant que consultant pendant une dizaine d’années, essentiellement pour des clients asiatiques dans l’industrie du luxe. Je suis rentré en France en 2022 et je suis actionnaire d’une société qui fabrique des parfums pour de grandes marques.
Vous êtes vice-président de la commission Asie-Pacifique des CCE, qui s’étend de la Chine à l’Australie et la Nouvelle Zélande, en passant par la Malaisie, les Philippines, le Vietnam, la Thaïlande, l’Indonésie, le Cambodge , Laos, Singapour et le Japon et la Corée du Sud. Comment créez-vous le lien ?
Les CCE est une institution ancienne, non subventionnée et donc bénévole. Nous sommes organisés en comité, il y en a 145 dans le monde. A Paris, existent des groupes d’expertise qui travaillent sur des thématiques comme la diversité, l'attractivité de la France, la transition écologique, la formation des jeunes et le conseil aux gouvernements.
Environ 850 CCE sont dédiés à l’Asie, dont 680 sont basés physiquement au sein du continent. Nous sommes une organisation matricielle, nous fonctionnons avec des élections, des présidents de comité notamment. L’organisation est tentaculaire mais très bien organisée. Les comités se réunissent tous les mois et mettent en place des séances plénières avec l’ambassadeur, la CCI. Nous nous réunissons aussi aujourd’hui à New Delhi et jusqu’au 29 novembre 2024.
L’Inde est un immense potentiel pour les entreprises européennes. La France doit s’y montrer !
En quoi le Forum APAC qui a lieu à New Delhi est important pour la France ?
Nous sommes environ 500 CCE à nous réunir lors des grands Forums comme celui de New Delhi qui se déroule à l’heure où je vous parle. Ces forums sont de véritables partage de connaissances. Une quarantaine de speakers succèdent aux expertises stratosphériques, comme le docteur Antoine Bondaz, DG IDEA à la Commission Européenne, Alexandre Ziegler, ancien ambassadeur et Directeur de la Division Défense chez Safran, pour ne citer qu’eux. Je veux parler aussi de la présence de Claude Onesta, entraîneur de handball mais surtout directeur de la performance des JO de Paris. Il vient nous présenter le lien entre ce qui s'est passé aux Jeux Olympiques et ce que nous devrions faire au sein des entreprises privées.
Le Forum est important pour la France car il se déroule en Inde qui, selon moi, a été trop négligée. L’Inde s’éveille ! C’est un pays émergent mais totalement digitalisé. C’est le seul pays où l’on peut acheter une cigarette dans la rue avec son téléphone ! Aujourd’hui, les plus grandes sociétés du monde sont menées par des Indiens. L’Inde est un immense potentiel pour les entreprises européennes. La France doit s’y montrer !
Quel est le profil type d’un conseiller du commerce extérieur en 2024 ?
Les CCE sont des personnes qui sont chefs d’entreprises ou cadres dirigeants expatriés. Ils sont bien engagés dans la vie professionnelle. A un moment de leur carrière, ils décident de tendre la main vers la France pour lui rendre ce qu’elle leur a donné en termes de formations, éducation et opportunités professionnelles. Ils décident de rendre service à leur pays. Leurs missions régaliennes sont le conseil aux gouvernants, l’accompagnement des jeunes et les VIE avec Business France, l’aide aux PME avec le mentorat, et la participation à l’attractivité de la France, aux côtés de la Team France Export. Par ailleurs, avec « 60 minutes pour convaincre » nous mettons face à face 5 à 6 spécialistes et une société exportatrice et l’aidons à résoudre ses problèmes et développer sa stratégie.
Nous le voyons bien au sein des très petites, petites et moyennes entreprises, la langue est encore un gros obstacle.
Que dire à ceux qui se lancent professionnellement en Asie Pacifique ?
La première chose est d’apprendre à parler anglais. Nous le voyons bien au sein des très petites, petites et moyennes entreprises, la langue est encore un gros obstacle. Ensuite, il faut se renseigner sur comment attaquer le marché et bien définir le cadre réglementaire dans lequel nous souhaitons travailler. Enfin, il faut avoir une compréhension commerciale et marketing du marché : quels sont les concurrents ? Est-ce que le produit est adapté ? Y-a-t-il des réseaux commerciaux et de distribution ?
Il ne faut jamais mettre en défaut un Asiatique même si nous sentons qu’il a tort
Je souhaite insister sur la compréhension de la culture asiatique. Les fondamentaux doivent être connus. La connaissance des bases du bouddhisme par exemple est primordiale pour se lancer dans les affaires en Asie. Il y a un système de relations avec les Asiatiques qui se base sur deux fondamentaux : le “guanxi” et le “mianzi”. Le mianzi est l’importance de la préservation de la dignité, de ne pas perdre la face dans une relation commerciale. Il ne faut jamais mettre en défaut un Asiatique même si nous sentons qu’il a tort ! Il y a un cas très connu sur le sujet en 2013 : Danone a perdu des millions de dollars pour avoir fait perdre la face à son partenaire chinois Wahaha. C'est l'inverse des relations communes méditerranéennes. Les Méditerranéens peuvent facilement monter le ton, puis boire un verre et signer un contrat.
Singapour est d’autant plus facile qu’il s’agit d’un pays de droit, contrairement à des systèmes juridiques excessivement complexes dans d’autres pays asiatiques.
Un conseil pour les entrepreneurs français qui souhaitent s’installer à Singapour ?
Singapour est l’un des pays les plus simples pour se lancer dans le monde des affaires selon l’indice Ease of Doing Business. Cet indicateur se base sur la recherche de salariés, de partenaires etc… Singapour est d’autant plus facile qu’il s’agit d’un pays de droit, contrairement à des systèmes juridiques excessivement complexes dans d’autres pays asiatiques. A Singapour, les outils administratifs et juridiques sont clairs et faciles à aborder. Néanmoins, cela reste un petit pays, où les débouchés sont limités. Il faut voir Singapour comme une base pour exporter dans le reste de l’Asie. Mettre un pied à Singapour - où il y a des accords de libre-échange avec la France - va simplifier les échanges avec la Chine par exemple.
Singapour est ouvert à tout type d’industrie - peut être pas les plus lourdes - et sont friands du domaine de la tech. Les sociétés de luxe sont aussi très présentes et utilisent Singapour comme un hub.