Les tribunaux indiens sont parfois appelés à répondre à des litiges portant sur des sujets très personnels tels que l'adultère, les rapports sexuels jugés "contre-nature" ou encore les cas de "viols" signalés par des parents mécontents lorsque leur fille s'enfuit avec un garçon. C’est un vaste sujet… Nous nous concentrerons ici sur l’article 377 du Code pénal indien, consacré aux rapports sexuels "contre-nature".
Article 377 : Une loi datant de l'époque britannique et toujours en vigueur
L'article 377, introduit dans les années 1860 pendant la période coloniale britannique, est toujours en vigueur aujourd'hui. Selon cette loi, "toute personne ayant des rapports charnels contre l'ordre de la nature avec un homme, une femme ou un animal sera puni de prison à vie, ou d'une peine d'emprisonnement dont la durée peut aller jusqu'à dix ans, et sera aussi susceptible de recevoir une amende".
Décriminalisation des relations homosexuelles : une décision historique de la Cour suprême en 2018
En 2018, la Cour suprême de l'Inde a rendu un jugement historique qui décriminalise les relations homosexuelles entre adultes consentants et considère l'article 377 anticonstitutionnel. Cette décision a été largement saluée et a marqué une étape importante dans la reconnaissance de l'égalité de tous les citoyens indiens, conformément aux articles 14, 15 et 21 de la Constitution, qui garantissent le droit à la vie privée.
Mais l'article 377 reste toujours valide pour les relations hétérosexuelles
Depuis cette avancée, beaucoup ont l’impression que l’article 377 n’est plus vraiment utilisé. Mais malgré la décriminalisation des relations homosexuelles, il continue d'avoir des répercussions concrètes pour les relations hétérosexuelles. Cette loi n'a pas été abrogée et certains actes sexuels consentis entre adultes, tels que le sexe oral et anal, sont toujours considérés comme "contre-nature" et passibles de sanctions en vertu de l'article 377 si l'un des partenaires décide de l'invoquer.
Les conséquences non négligeables de l'article 377 du Code Pénal Indien
Très récemment, en avril 2023, dans une affaire relevant de la Section 377 du Code pénal indien, la Haute Cour de Bombay a refusé la libération sous caution d'un pilote accusé d'avoir eu des rapports sexuels "contre-nature" par une femme qu'il avait promis d'épouser avant finalement de se rétracter. Celle-ci a ainsi porté plainte, non pas pour viol, mais pour des relations entre adultes consentants qu'elle regrette aujourd'hui. Nous ne parlerons pas des détails de cette affaire puisqu’elle n’en est qu’à ses débuts, mais elle met en lumière la gravité des accusations portées ainsi que les conséquences importantes qui en découlent pour l'accusé. À savoir : en Inde, plus de 70 % des personnes incarcérées sont des prévenus, non des condamnés, et l'accusé peut passer beaucoup de temps en prison en attendant son procès pour ce type d'accusation.
Dans sa décision, le juge a fait référence à une décision de la Cour suprême stipulant que tout acte réalisé sans le consentement d’une des parties entrainerait une responsabilité pénale en vertu de l'article 377.
"Le droit de la nature ainsi que le droit du pays, font de certains rapports sexuels qui sont contre-nature, une infraction, et la partie lésée peut exercer des recours juridiques" (article 377)
À savoir : en droit indien, il existe une distinction entre les actes cognizable (pouvant faire l'objet d'une enquête sans mandat) et ceux non cognizable (nécessitant un mandat pour enquêter). Les actes punis par cette première catégorie sont des infractions considérées comme très graves, même s'il s'agit, comme dans le cadre de la section 377, d'actes consensuels. Lorsqu'un acte cognizable est signalé à la police, celle-ci peut initier immédiatement une enquête, procéder à l'arrestation du suspect et entamer les procédures judiciaires nécessaires sans avoir besoin d'une autorisation supplémentaire.