De nombreuses familles originaires de Pondichéry et de Karikal ont des ancêtres tamouls qui, lorsqu’ils étaient jeunes, choisirent de s’engager dans l’armée française qui occupait l’Indochine. Après l’intégration de la Cochinchine à l’Indochine, l’administration française, qui recherchait des employés francophones, incita vivement les Tamouls des comptoirs français dans le sud de l’Inde à se rendre au Vietnam. Ces derniers avaient l’habitude de travailler avec les Français, ils parlaient le français et étaient considérés comme loyaux. L’Indochine leur offrait des opportunités de carrière qu’ils n’auraient pas eues dans les comptoirs français en Inde. Le statut de fonctionnaire qui leur était proposé permettait d’obtenir, tout comme les fonctionnaires français, des congés réguliers pour retourner dans leur pays.
Les grandes dates de la colonisation française en Inde et au Vietnam
En Inde :
La France possède différentes colonies en Inde entre 1668 et 1954. À partir de 1816, celles-ci deviennent des Établissements français dans l'Inde (EFI) et incluent Pondichéry, Karikal et Yanaon sur la côte de Coromandel, Mahé sur la côte de Malabar et Chandernagor au Bengale. Le 2 décembre 1954 marque l’indépendance de Pondichéry et des trois comptoirs restés français après l’indépendance de l’Inde (Karikal, Mahé et Yanaon).
L'histoire mouvementée de Pondichéry, ancien comptoir français en Inde
Au Vietnam, Cambodge et Laos :
De 1887 à 1954, l’Indochine française est un territoire de l’empire colonial français.
Officiellement nommée Fédération indochinoise, elle comprend les protectorats du Tonkin et de l’Annam (centre et nord du Vietnam), le protectorat du Cambodge, du Laos et du territoire à bail chinois de Kouang-Tchéou-Wan et la colonie de Cochinchine. Cette dernière tient son nom des navigateurs portugais qui débarquèrent au XVIIe siècle dans un petit port de l’Inde qu’ils baptisèrent Cochin, au Kerala. Lorsque plus tard ils arrivèrent au sud du Vietnam, alors qu’ils étaient en route pour la Chine, ils désignèrent cette région de Dà Nang, sous le nom de Cochinchine.
Le 13 mai 1954, la défaite de la France à Diên Biên Phu annonce la fin de l’Indochine française.
La rédaction a rencontré à Pondichéry une Française qui a eu la grande gentillesse de nous raconter l’histoire de ses grands-parents. Mohini, qui a souhaité utiliser son prénom indien pour cet article, est française d’origine indienne tamoule et vietnamienne et partage sa vie entre la maison familiale à Pondichéry et la France.
Première partie : la renonciation et l’engagement dans l’armée française
L’arrière grand-père de Mohini, citoyen de Pondichéry, devient français
En 1882, l’arrière-grand-père indien de Mohini, Singalvarayan, fait partie de ceux qui font acte de “renonciation”. Accompagné de sa femme et de sa fille aînée, il se présente aux autorités françaises de Pondichéry et renonce officiellement à son statut personnel (sa caste et les droits qui y sont attachés, le statut de sa descendance et son nom de famille), pour devenir citoyen français et se placer sous l’autorité du Code Civil (cf le décret du 21 septembre 1881). Il peut désormais voter comme citoyen de seconde zone alors qu’auparavant il était sujet français.
Par obligation, il change son nom pour un patronyme français et choisit SEJEAN, comme nom pour sa famille et sa descendance. Un symbole fort qui signe sa nouvelle citoyenneté.
Peut-on réellement comprendre à quel point la décision de renoncer à son identité d’origine et à celle de ses ancêtres devait représenter plus qu’une simple démarche administrative pour ces familles ?
À cette époque, beaucoup de renonçants ont choisi la citoyenneté française pour échapper au système des castes, en particulier ceux qui faisaient partie des intouchables (aujourd’hui les Dalits), et au droit coutumier hindou et musulman. Ce ne fut apparemment pas le cas du grand-père de Mohini qui était probablement de la caste des Velallars, une classe d’élites regroupant des hauts fonctionnaires et des propriétaires terriens tamouls qui bénéficiaient d’un statut égal à celui des brahmanes. Il était enseignant et la démarche de renonciation lui a permis d’accéder à la fonction publique française.
Le 27 août 1897, la famille accueille un petit garçon, Zégadissane, qui, 73 ans plus tard, deviendra le grand-père de Mohini.
Le grand-père de Mohini s’engage dans l’armée française lors de la première guerre mondiale
Zégadissane Séjean a probablement été scolarisé à l’école et au lycée français de Pondichéry (ouvert en 1826) et il se destinait à devenir enseignant tout comme ses parents.
Cependant, lorsque la première guerre mondiale commence en 1914, son avenir prend une autre direction. En 1916, il décide de s’engager dans l’armée française. Zégadissane est envoyé à Marseille, qu’il rejoint en bateau, et est affecté à la 4e Coloniale.
Pour ce jeune homme d’à peine 19 ans, pour qui la mer est peut-être le lieu de tous les dangers et qui n’a probablement jamais pris un bateau à vapeur, ce voyage d’au moins quatre semaines en passant par la Mer Rouge, Suez, le canal de Port Saïd, la Crête, l’Italie et la Tunisie a dû être une grande aventure ! Il débarque dans le sud de la France, heureusement en été et pas dans la froidure de l’hiver.
"Le 16 décembre 1916, Zégadissane Séjean est transféré au 7e groupe d’Artillerie à Bizerte, puis nommé brigadier le 18 décembre 1916, il sert dans le 29e Régiment d’Artillerie à pied de la 29e Batterie (unité combattante). Il participe à plusieurs attaques dont la “mêlée des Flandres” (la stabilisation du Front d’Ypres et Mulhouse)." (Extrait du discours prononcé par le Président de l’union des Français de Pondichéry, lors de son enterrement)
Toutes les photos sont de la famille de Mohini ou de l'auteur de l'article sauf mention contraire.
Partie 2 : Famille franco-indo-vietnamienne : un grand-père tamoul douanier en Indochine
Partie 3 : Famille franco-indo-vietnamienne : après l’Indochine, le retour à Pondichéry