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Famille franco-indo-vietnamienne : après l’Indochine, le retour à Pondichéry

Zégadissane Séjean, né à Pondichéry et dont le père a renoncé à son statut personnel dans la société locale pour devenir Français, s’est engagé dans l’armée française en 1916. Puis en 1919 à 22 ans, il devient fonctionnaire des Douanes et Régies de l’Indochine française, fait carrière au Vietnam et au Cambodge et fonde une famille avec une Vietnamienne. En 1949, la famille rentre à Pondichéry.

Mohini en vacances à Pondichery dans sa famille indo-tamoulo-vietnamienneMohini en vacances à Pondichery dans sa famille indo-tamoulo-vietnamienne
Écrit par Anaïs Pourtau
Publié le 12 décembre 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

La rédaction a rencontré à Pondichéry une Française qui a eu la grande gentillesse de nous raconter l’histoire de ses grands-parents. Mohini, qui a souhaité utiliser son prénom indien pour cet article, est française d’origine indienne tamoule et vietnamienne et partage sa vie entre la maison familiale à Pondichéry et la France.

Troisième partie : le départ des familles franco-indiennes et franco-vietnamiennes de l’ancienne Indochine française

 

L’Indochine lors de la deuxième guerre mondiale et de la guerre d’indépendance du Vietnam

Le 25 septembre 1940, les Japonais soumettent les troupes françaises d’Indochine mais conservent l’administration coloniale française et le gouverneur général nommé par le gouvernement de Vichy. Une forme de collaboration franco-japonaise se met en place et la population peut continuer à vivre normalement.

Le gouvernement japonais en guerre contre la Chine depuis 1937 veut surveiller l’interdiction promulguée d’approvisionner le gouvernement chinois de Tchang Kaï-chek en armes et carburant.

En janvier 1945, des avions de l’armée américaine bombardent les troupes françaises, japonaises et vietnamiennes mais aussi les gares et les voies ferrées. L’approvisionnement en riz du nord et du centre du Vietnam est coupé. Comme les Japonais ont réquisitionné toute la récolte de riz du sud qui traditionnellement comble les carences en récolte du nord, la famine se déclare et fait des milliers de victimes.

Puis le Japon, craignant que ses troupes soient chassées d’Indochine par l’arrivée des alliés, attaque par surprise les garnisons indochinoises encore en place le 9 mars 1945. Les habitants et les militaires sont enfermés et torturés dans des camps de concentration, un massacre s’ensuit.

Après la capitulation du Japon le 2 septembre 1945, qui marque la fin officielle de la deuxième guerre mondiale, le leader nationaliste, Hô Chi Minh, qui a pris la tête de la résistance Viêt Minh contre l’occupation japonaise, proclame l’indépendance de la République démocratique du Vietnam dont il devient le président. Mais le gouvernement français refuse de la reconnaître et les troupes françaises commandées par le Général Leclerc débarquent en Cochinchine (le sud du Vietnam) et repoussent les Viêt-minh. Le 19 décembre 1946, le bombardement du port de Haïphong par la marine française déclenche le début de la guerre contre le Vietnam du Nord. Faute d’hommes et de moyens dans ces années d’après deuxième guerre mondiale, la position de la France restera incertaine et la guerre sera longue et meurtrière.

Le 13 mai 1954, la France est défaite à Diên Biên Phu. Signés le 21 juillet 1954, les accords de Genève déclarent la fin de la guerre, le départ des Français et la reconnaissance de l’indépendance du Vietnam, du Laos et du Cambodge.

 

Le retour de la famille de Mohini en Inde en 1949

En 1949, la famille de Zégadissane Séjean rentre à Pondichéry. Mohini raconte : 

Ce va et vient de notre famille avec l’Indochine a pris fin en 1949 suite à des événements violents inquiétants à Saïgon. Mes grands-parents sont arrivés à Pondichéry après l’indépendance de l’Inde (1947). Mon grand-père a pris sa retraite et a pu toucher sa pension française. Il a reçu des décorations, dont certaines avec des noms qui laissent rêveur, comme la Médaille de l’Ordre royal Monisaraphon du Cambodge pour services rendus dans les domaines de la littérature, les beaux-arts, l’éducation, la justice, l’éducation et les sciences ou l’Ordre royal du million d’éléphants et du Parasol Blanc du Laos, alors sous protectorat français, ou encore la Médaille de l’ordre royal du mérite au Cambodge et la Médaille d’honneur des Douanes et Régies.

Médaille de l'éléphant et de l'ordre du parasol du Cambodge


Seule la maman de Mohini (9 ans), une sœur aînée et son frère (13 ans) vivent le retour en Inde. Mohini nous confie :

Les aînés étaient déjà partis en France. Une de mes tantes s’est mariée avec un officier américain et est partie aux USA, où elle a travaillé à Washington pour l’ambassade de France. Ma mère et son frère ont été scolarisés au lycée français de Pondichéry puis mon oncle est parti en France et mon grand-père a inscrit ma mère à l’Institut pour qu’elle étudie le Tamoul pendant deux ans. Même si elle le parlait déjà, mon grand-père voulait qu’elle sache l’écrire. Elle a quitté Pondichéry pour continuer ses études en France en 1961. Elle avait 21 ans.


Le 10 octobre 1962, après l’indépendance de Pondichéry, Zégadissane Séjean confirme auprès du Consulat de France à Pondichéry son souhait de garder la nationalité française. Sans cette démarche, les Pondichériens se voient attribuer par défaut la nationalité indienne. Lors de la clôture des dépositions le 15 février 1963, on comptait 7106 déclarations, enfants compris, la majorité des personnes étant des descendants de renonçants (source : cahiers des IFRE#3, décembre 2016, p. 58-67).
 

La déclaration pour garder la nationalité française de Zégadissane Séjean

Pour d’autres familles franco-tamoules ou indo-vietnamiennes, le retour en Inde n’était pas aussi facile que pour le grand-père de Mohini qui avait gardé de forts liens avec sa ville d’origine. D’où le choix de la France lorsque ceux-ci furent obligés de quitter l’Indochine.
 

Le choix de la France après l’indépendance de l’Indochine pour les familles franco-tamoules et celles indo-vietnamiennes

En 1954, après le départ des Français, malgré une stricte neutralité, les Indiens sont considérés par les populations locales comme des collaborateurs des Français et plus tard des Américains. Certains d’entre eux optent pour un retour en Inde et d’autres pour un départ pour la France.

Après la défaite de la France en Indochine, les engagés indiens et indo-vietnamiens dans l’armée française qui le souhaitent sont ramenés en France par bateau et installés dans des villes de garnison dont Fréjus, Castres et Nîmes.

Les fonctionnaires d’origine indienne qui travaillent pour l’administration coloniale française et ne sont pas en âge de prendre leur retraite, sont réaffectés ailleurs, souvent dans les colonies africaines, dans les administrations d’Outre-mer et dans les ministères des Affaires étrangères et de la Défense.

Et, pour de nombreuses familles indo-vietnamiennes, il est très difficile d’envisager un retour en Inde. Beaucoup ne parlent pas le tamoul, la plupart ignorent certains usages locaux comme le système des castes ou encore ce sont les membres de la “deuxième famille”, ce qui ne leur assure pas d’être bienvenus. C’est pourquoi ceux-ci choisissent plutôt le départ pour la France, un pays totalement inconnu.

Des centres d’accueil des rapatriés d’Indochine installés à Sainte-Livrade-sur-Lot dans le Lot-et-Garonne et Noyant dans l’Allier sont chargés de recevoir les citoyens français d’Indochine qui n’ont pas de famille sur place, dont des Franco-Tamouls. On y trouve toujours des descendants des renonçants qui étaient en Indochine.

En 1987, on comptait 20 000 Tamouls résidant en France originaires des comptoirs français en Inde. Ils composaient approximativement 70 % de la population migrante indienne en France à cette époque. Certains d’entre eux sont les fondateurs de Little India et du Passage Brady à Paris, qui regroupent des restaurants indiens, des épiceries et des bazars d’objets de décoration indiens, de bijoux, de meubles et d’artisanat traditionnel. 

Entre 2500 et 4000 Indo-Vietnamiens, descendants métis nés d’unions tamoulo- vietnamiennes, s’y ajoutent. 

 

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