Le président du Sénat Hun Sen propose une loi qualifiant d'acte terroriste toute tentative à agir contre le gouvernement légitime, suscitant critiques et inquiétudes.
Le président du Sénat cambodgien et Ancien Premier ministre, Hun Sen, a récemment appelé à l'adoption d'une législation qualifiant toute tentative de création d'un mouvement antigouvernemental d'acte terroriste. Cette déclaration a été faite lors de la commémoration du 46ᵉ anniversaire de la Victoire sur le Génocide, le 7 janvier.
Selon l’AKP, s’exprimant au théâtre Koh Pich à Phnom Penh, il a déclaré : « Je pense qu'il est temps d'établir une loi qui définira toute personne ou groupe planifiant ou conspirant pour créer un mouvement extrémiste, provoquer le chaos et l'insécurité dans la société, inciter des conflits avec d'autres États, et tenter de renverser le gouvernement légitime comme des terroristes. Ces individus ou groupes doivent être traduits en justice. »
La paix sous menace constante
Hun Sen a souligné que, bien que le Cambodge jouisse d’une paix complète depuis 26 ans, des menaces subsistent : « La paix reste un problème actuel dans la vie quotidienne de notre peuple, car il existe encore un petit nombre d'extrémistes qui cherchent constamment à semer des idéologies extrémistes dans notre société, visant à inciter, inspirer et provoquer les citoyens, les forces armées et les fonctionnaires à agir contre le gouvernement légitime. »
Selon lui, ces actions représentent une menace réelle pour la paix. Il a ajouté que le Cambodge poursuit son chemin vers la paix, la démocratie et l'État de droit, avec pour ambition de devenir une nation civilisée, à l'égal d'autres pays développés, sans jamais retomber dans la guerre ou le génocide.
Une stricte application des lois existantes
Le président du Sénat a également insisté sur la nécessité de renforcer les lois existantes, notamment celle contre la non-reconnaissance des crimes du régime de Kampuchéa démocratique : « J'appelle les institutions compétentes à appliquer cette loi de la manière la plus stricte possible », a-t-il déclaré.
Ainsi, Hun Sen souhaite que cette loi cible les individus ou groupes fomentant des conspirations, semant le chaos ou cherchant à renverser le gouvernement légitime. Cette initiative semble être une réponse à des actions récentes, notamment la tentative de l'ancien chef de l'opposition Sam Rainsy de créer un gouvernement intérimaire à l'étranger, les activités d'opposition concernant la souveraineté de Koh Kut, et les manifestations du 18 août dans la région du Triangle de Développement Cambodge-Laos-Vietnam (CLV-DTA).
Bien qu'aucune confirmation officielle sur ce projet de loi n'ait été donnée, Sok Eysan, porte-parole du Parti du Peuple Cambodgien (PPC), a indiqué que le processus pourrait être accéléré si un gouvernement en exil venait à être formé.
Une définition problématique
La question de la définition du terrorisme dans le contexte cambodgien reste floue. À l’échelle mondiale, il n’existe pas de consensus sur cette notion. Mais selon les Nations unies, le terrorisme implique l'usage de la violence pour inspirer la peur et atteindre des objectifs politiques ou idéologiques.
Sok Sam Oeun, avocat, cité par Cambodianess, souligne que le terme peut être interprété de diverses façons : « Les terroristes sont ceux qui créent des menaces réelles, comme les attentats à la bombe. Mais s'opposer pacifiquement au gouvernement n'entre pas dans cette catégorie », précise-t-il. La Constitution cambodgienne garantit la liberté d'expression, ce qui rend cette proposition de loi controversée.
Les coûts diplomatiques d’une telle loi
Pour Sam Seun, analyste au sein de l'Académie Royale du Cambodge, cité par la même source, cette loi n'est pas une priorité. Il estime que le gouvernement devrait concentrer ses efforts sur le développement rural, la création d'emplois et l'accès à des marchés équitables pour les agriculteurs.
« Ce n’est pas le moment d’introduire une telle loi », déclare-t-il. « Le gouvernement devrait d'abord appliquer efficacement les lois existantes et s'assurer que les citoyens se sentent réellement en sécurité. »
Adopter une telle législation pourrait également nuire à l'image internationale du Cambodge. Sam Seun rappelle que le pays dépend encore de relations favorables avec l’Union européenne et les États-Unis, notamment pour préserver les privilèges commerciaux tels que l’EBA (Everything But Arms) et le SGP (Système de Préférences Généralisées).
« Introduire cette loi pourrait provoquer des critiques internationales et affaiblir les relations avec les investisseurs étrangers », avertit-il.
Un danger pour la démocratie ?
Selon Sok Sam Oeun, le Cambodge, en tant que pays démocratique, doit préserver la liberté d'expression. Il rappelle que d'autres lois, comme celle sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, couvrent déjà certaines des préoccupations soulevées par le président du Sénat.
« Ajouter une nouvelle loi pourrait être perçu comme un pas en arrière pour la démocratie cambodgienne », conclut-il.