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Les tamariniers du Cambodge

Le tamarin, fruit du tamarinier, est une source essentielle de saveur acide, qui est particulièrement prisée des Cambodgiens. L’espèce a également des usages médicinaux et c’est une essence appréciée. Elle mérite que l’on s’y intéresse.

Feuilles et boutons floraux (Photographie : Pascal Médeville)Feuilles et boutons floraux (Photographie : Pascal Médeville)
Feuilles et boutons floraux (Photographie : Pascal Médeville)
Écrit par Pascal Médeville
Publié le 30 janvier 2024, mis à jour le 30 janvier 2024

Le tamarinier (Tamarinus indica) est la seule espèce du genre Tamarinus. Il fait partie de la famille des fabacées. Originaire des zones tropicales d’Afrique de l’Est, le tamarinier a été très tôt implanté en Inde, puis en Asie orientale. Le tamarinier a été apporté en Amérique centrale par les Espagnols. Il s’agit d’un arbre dont la hauteur peut atteindre 15 à 25 mètres. Il a un tronc plutôt court. Ses feuilles sont paripennées. Ses fleurs sont des racèmes de couleur jaunâtre. En Asie, il est présent dans toute la zone tropicale, depuis la Birmanie jusqu’à Taïwan et aux Philippines, en passant par la Thaïlande, les pays de la péninsule indochinoise et la Chine du Sud. C’est un arbre à croissance très lente.

 

Franz Eugen Köhler, Köhler's Medizinal-Pflanzen (Image du domaine public)
Franz Eugen Köhler, Köhler's Medizinal-Pflanzen (Image du domaine public)

 

Les Cambodgiens désignent le tamarinier par le nom « âm-pil » (អម្ពិល). Ce nom est aussi utilisé pour désigner deux autres espèces, qui n’ont de commun avec le tamarinier que les fruits en forme de gousse : le tamarinier d’Inde (Pithecellobium dulce), appelé en khmer « tamarinier d’eau » (អម្ពិលទឹក âm-pil teuk), dont les gousses spiralées sont aussi consommées par les Cambodgiens, et l’arbre à pluie (Albizia saman), nommé « tamarinier occidental » (អម្ពិលបារាំង âm-pil ba-rang), dont le fruit est aussi comestible.

 

Les Khmers distinguent trois variétés de tamariniers, qui ne diffèrent que par la forme et la saveur de leurs fruits : le tamarinier « planche » (អម្ពិលក្ដារ âm-pil kda), dont les fruits, relativement gros, ont une forme aplatie et dont la saveur est franchement acide, le tamarinier « crabe » (អម្ពិលក្ដាម âm-pil kdam), appelé aussi tamarinier « crotte de chat » (អម្ពិលអាចម៍ឆ្មា âm-pil ach chhma) à la gousse ronde, petite, pas plus grosse que le petit doigt, à l’acidité modérée, et enfin le tamarinier « doux » (អម្ពិលផ្អែម âm-pil ph’aèm), dont l’acidité est également modérée.

 

Gousses de tamarin « doux » à gauche et gousses de tamarin « planche » à droite (Photographie : Pascal Médeville)
Gousses de tamarin « doux » à gauche et gousses de tamarin « planche » à droite (Photographie : Pascal Médeville)

À la campagne, dans tout potager qui se respecte, on trouve un ou plusieurs tamariniers, et les paysans récoltent directement sur l’arbre les gousses, les feuilles et les boutons floraux dont ils se servent pour cuisiner. Ces gousses constituent l’une des très nombreuses sources végétales d’acidité, saveur très appréciée des Cambodgiens. Débarrassées de leur écorce, elles entrent dans la composition de nombreux plats. La pulpe des gousses mûres est souvent consommée seule, par gourmandise. On distingue quatre stades dans la maturité des gousses : le jeune tamarin (on parle en khmer de ក្ដឹបអម្ពិល kdeup âm-pil, littéralement « bourgeon de tamarinier »), dont la cosse verte est débitée en morceaux et pilée directement, car elle ne contient pas encore de graines dures ; le tamarin adulte, appelé tamarin vert (អម្ពិលខ្ចី âm-pil khchey) que l’on débarrasse de son écorce verte, que l’on coupe en deux dans le sens de la longueur et dont on retire les graines ; le tamarin « presque mûr » (អម្ពិលគួរ âm-pil kuo, dont la pulpe est déjà brun-orangé, mais dont l’écorce doit être pelée car elle n’est pas encore friable) ; le tamarin mûr (អម្ពិលទុំ âm-pil tum), dont l’écorce a pris une teinte beige et dont la pulpe est brun-orangé et dont l’écorce peut être détachée comme celle de la gousse d’une arachide. C’est le jeune tamarin qui est le plus acide, et le tamarin mûr qui est le plus doux. La pulpe du tamarin « presque mûr » est souvent dégustée telle quelle, par simple gourmandise. Les tamarins adultes et mûrs sont fréquemment utilisés, en composition avec d’autres ingrédients, pour réaliser des sauces trempettes.
 

Sauces au tamarin adulte et au tamarin mûr (Photographie : Pascal Médeville)
Sauces au tamarin adulte et au tamarin mûr (Photographie : Pascal Médeville)

En plus des gousses, on emploie aussi, toujours pour apporter une saveur acide, les jeunes feuilles et les boutons floraux, qui sont utilisés hachés. De façon anecdotique, la pulpe du tamarin mûr est aussi utilisée pour aromatiser un alcool appelé « liqueur de tamarin » (ស្រាអម្ពិល sra âm-pil), consommé avec de l’eau gazeuse ou entrant dans la composition de cocktails. (À propos de l’utilisation culinaire des fruits et des feuilles du tamarinier, je vous invite à lire un excellent article en français, richement illustré, du professeur Ang Choulean, ethnologue cambodgien, publié en 2017 dans la revue Moussons et disponible ici sur le site Open Edition.)

 

Le tamarinier est également connu au Cambodge pour ses vertus thérapeutiques : d’après Pauline Dy Phon, « la décoction des écorces serait efficace contre la diarrhée » (cf. Dictionnaire des plantes utilisées au Cambodge, p. 593), et d’après Mathieu Leti et al., « la pulpe des fruits mûrs est employée comme dépigmentant cutané et laxatif ; les jeunes feuilles comme anti-inflammatoire ainsi que sur les plaies suppurées chroniques des pieds » (cf. Flore photographique du Cambodge, p. 257). Sur l’Internet khmer, on trouve encore différentes formules de masques appliqués sur le visage et les autres parties du corps, qui permettraient de purifier la peau et de lui apporter éclat et blancheur.

 

Enfin, le bois du tamarinier, notamment le duramen, qui est d’un beau brun clair avec parfois des teintes violacées, est très recherché. Il est imputrescible et résiste aux attaques des insectes. Ce duramen se caractérise par un grain superbe et une grande dureté, ce qui le rend difficile à travailler. On en fait des sculptures et des meubles. Les Vietnamiens importent du bois de tamarinier du Cambodge, de meilleure qualité que celui du tamarinier vietnamien, pour en faire des meubles. La rareté de ce bois (le tamarinier ne croît que très lentement, il faut donc de nombreuses années pour obtenir un arbre dont le tronc a un diamètre suffisant) en fait un matériau très onéreux, même si le tamarinier ne fait pas partie des bois précieux du Cambodge. On déplore assez souvent des abattages illégaux de tamariniers dans les forêts. L’aubier du tamarinier est aussi un excellent combustible et sert à fabriquer du charbon de bois recherché.

 

Article préalablement publié sur Tella botanica.org 

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