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Philippe Dounaevsky : de « titi parisien » à maître de la crêpe à Phnom Penh

Philippe Dounaevsky habite à Phnom Penh depuis plus de 10 ans. Aujourd’hui son stand de crêpes en face de l’Institut Français est connu comme une institution.

Philippe, crédit Le Petit JournalPhilippe, crédit Le Petit Journal
Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 19 juillet 2024, mis à jour le 19 juillet 2024

« Vous avez deux solutions : soit je garde mon masque et vous m’entendez moins bien, soit je le retire mais je n’ai plus de dents! » Amical, Philippe s’installe sur son petit tabouret bleu placé à l’ombre de la cage d’escaliers de l’Institut Français. Lui qui vient de finir le « rush » de la pause de 16h, prend le temps de boire un peu d’eau avant d’aborder son passé. 

« Je suis né à Paris le 19 juillet 1959 », débute-t-il, « Je suis un titi parisien, j’y ai passé 50 ans de ma vie. » Il croise les jambes, est à l’aise. Il s'adonne à un monologue sur sa jeunesse, et pourquoi il a quitté l’école. « Je me suis jamais retrouvé, j’ai jamais compris le sens de l’éducation. Ce qui fait que dès que j’ai eu l’opportunité, à 16 ans, j’ai commencé à travailler », dit-il avec assurance. Très vite, il comprend l’importance de travailler pour gagner de l’argent. Entre petits boulots et mi-temps, il se débrouille et gagne son indépendance. Alors commence sa carrière dans la distribution. 

 

40 ans de passion

Avec l’aide de son beau-frère, alors responsable aux Galeries Lafayette, il commence son premier emploi de vendeur. « J’étais passionné par tout ce qui était électronique, les transistors, les radio-cassettes, les microphones. Je passais mon temps  devant les magasins qui vendaient des composants électroniques et les premiers kits d’appareils d’électro-acoustiques à monter soi-même. 

J’étais là « Oh! » - ses yeux, jusque-là cachés par ses paupières, s'écarquillent -. Sans en avoir, j’étais déjà passionné et voulais en vendre. »  Il en a vendu, très clairement, pendant 40 ans! Le sexagénaire en est très fier, il se redresse et hausse le menton : « Toute ma vie dans le même secteur! »

Il est fier d’annoncer qu’il a suivi l’évolution des produits tout au long de sa carrière, qu’il a vu de nouvelles technologies arriver, d’anciennes disparaître, que les vendre lui a apporté un « savoir colossal » dans le domaine. Mais pas uniquement.  Durant ces 40 années, il fait également l'acquisition de l'écoute, de la compréhension de l’Autre, qu’il soit client ou non. « Ce qui m'a beaucoup aidé par la suite, puisque quand vous commencez à être dans le monde professionnel à l'âge de 16 ans, au bout de quelques années, vous arrivez rapidement à vous débrouiller, à dialoguer, à discuter, à vous faire comprendre et à écouter les autres », ajoute-t-il. 

 

Nouvelle décennie pour une nouvelle vie

En 2010 tout bascule. Sa compagne le quitte et son travaille le licencie. Sa voix ne vacille pas, il reste égal à lui-même, mais les yeux ne mentent jamais. « J’ai eu l’impression d’être mort il y a 14 ans. J’ai fermé le rideau » dit-il. Il boit un peu d’eau et reprend : « Voilà, 40 ans de carrière c’est terminé. » Il a fait son sac, rassemblé ses économies et prit un billet d’avion sans retour pour Bangkok. Aujourd'hui il n’a toujours pas la nostalgie de la France. Il ne regrette pas. « Le monde du salariat s’est terminé à ce moment là pour moi. » Il prend des vacances. 

« Il m’a fallu un an pour dégager la colère de ce qui m’était arrivé, et puis je me suis dit qu’il fallait que je travaille », déclare-t-il. La Thaïlande n’était pas un endroit propice à l’auto-entreprenariat à l’époque. Il fait des aller-retour sur Phnom Penh pour son visa. C’est à ce moment qu’il y a rencontré la communauté française du Cambodge. 

Ce qui lui a le plus plu au « pays des Merveilles » c’est la liberté. « Des choix, de la possibilité de le faire sans contrainte comme il existait en France dans le milieu des années 70 », ajoute-t-il.

 

Une institution du goûter

Dès son arrivée, il savait déjà que son projet tournerait autour des crêpes. Il achète une moto, une gazinière, du matériel pour faire des crêpes chez lui, et fait fabriquer sa caisse. « Je ne savais pas où commencer au début, c’était l’inconnu. » Il assume ses erreurs, son stand au marché de nuit par exemple et poursuit sur son activité en face du lycée Descartes. « Ça a bien marché, produit français, les élèves connaissaient » évoque-t-il. 

« Puis je suis arrivé devant l’Institut après avoir fait plusieurs écoles publiques. Il y a eu des hauts et des bas, mais globalement, tout allait bien, et puis des journalistes ont commencé à l'interviewer. » Selon lui, ça a changé beaucoup de choses. « C’était noir de monde », reprend-t-il, « Il y avait des motos jusqu’à la moitié de la route, je travaillais ininterrompu jusqu’à 20 heures. » 

Si des problèmes de santé l’ont obligé maintenant à ralentir son rythme de travail, les client affluent toujours autant à la « pause goûter », et lui, apprécie toujours autant les servir. « Ce que j’aime le plus dans mon travail aujourd’hui? Le contact avec les gens, bien qu’il soit loin de celui que l’on a en Europe. » 


 

Le Petit Journal vous invite à aller goûter ses crêpes, elles sont à moins d’1$. 


 

 

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