« Philosopher c’est apprendre à mourir », disait Montaigne. J’ai toujours trouvé cette phrase assez absurde car généralement, même les gens sans aucune éducation y arrivent très bien dès la première fois. Et si mourir peut être un problème personnel, les conséquences du décès ont forcément un impact sur la vie de nos proches. Ce peut être un moment très difficile pour eux car, outre la peine qu’ils peuvent ressentir (ou pas), ils se retrouvent souvent face à d’autres problèmes concrets et administratifs qu’il leur faut résoudre. Ces problèmes sont encore plus délicats quand on vit en expatriation, notamment au Cambodge. Comment résoudre les problèmes liés à une disparition ? Voilà le but de cet article. Nous avons interrogé assureurs, consuls, familles confrontées à un décès, juristes,... Tous sont d'accord, la clé est d’arranger le maximum de choses avant sa mort.
Anticiper sa mort lorsqu'on vit à l'étranger revêt une importance cruciale, tant pour notre propre tranquillité d'esprit que pour nos proches sur place ou restés au pays. Quelques étapes, qui peuvent sembler anodines, sont primordiales pour préparer de manière efficace notre décès.
S’inscrire au registre consulaire
L’une des premières choses à faire lorsque vous vous installez pour une longue durée (plus de 6 mois) ou de manière permanente, c’est de vous inscrire au registre consulaire de l’ambassade de France.
Lorsque vous vous y enregistrez, fournissez également par écrit vos dernières volontés et désignez une personne pour les mettre en œuvre. Ça peut être une personne qualifiée : conjoint, concubin, enfants, frères et sœurs voire parents ou quelqu’un d’extérieur.
Plus de 5.000 personnes sont inscrites au registre consulaire de l’ambassade France au Cambodge. Cela ne représente pas l’intégralité des Français résidant dans le royaume.
“C’est une réalité : 23% de personnes de 60 ans et plus meurent au Cambodge, mais peu anticipent” - Sophie Guégan, Consule de France au Cambodge.
L'inscription consulaire s'adresse à tout Français qui décide de s'installer plus de 6 mois à l'étranger. Elle a pour but de faciliter les démarches administratives. L'inscription est gratuite et valable 5 ans. |
Informer vos proches
Il est important de faire connaître vos dernières volontés à vos proches ou à une personne de confiance, en incluant si possible une personne résidant également dans le pays. Pensez à leur confier un document dont la signature a été attestée par un notaire (pour éviter des conflits éventuels avec la famille en France).
Mélanie* était mariée à Rudolf*, de nationalité allemande. Ils ont décidé de vivre au Cambodge. Après plusieurs années de vie commune, le couple se sépare et le divorce est officiellement prononcé.
Quelques mois plus tard, Rudolf décède au domicile de sa nouvelle conjointe khmère. Cette dernière ne souhaitant pas gérer les impératifs liés au décès, l’ambassade allemande contacte Mélanie.
Aucun document n’avait été signé en amont, Rudolf avait simplement confié à Mélanie ses dernières volontés.
Mélanie, n’ayant plus aucun droit/pouvoir légal, a dû contacter le fils de Rudolf vivant à Bruxelles. Ce dernier a dû obtenir, dans un premier temps, un certificat qui prouve son lien de parenté. Il a ensuite transmis les volontés de Rudolf à l’ambassade allemande du Cambodge pour que celles-ci soient prises en compte.
C’était une course contre la montre.
Si les documents n’étaient pas remis après 72 heures, l'ambassade reprenait le corps et le plaçait en chambre froide. Le corps aurait probablement été mis en fosse commune par la suite.
Mélanie a eu la chance d’être aiguillée par son ami, le consul honoraire britannique. Ses recommandations ont été précieuses car chaque minute était comptée.
Son ex-mari a finalement pû être incinéré dans la pagode de son choix, selon ses derniers souhaits.
Contacter votre ambassade
Vous pouvez également faire connaître vos dernières volontés à votre ambassade en leur fournissant le document signé.
Attention : l’ambassade ne peut pas recevoir de testament ; contactez un notaire pour les droits de succession.
S’assurer
Que vous soyez de passage au Cambodge ou résident, il est vivement recommandé d’être couvert par une assurance avant votre départ. Il est important de souscrire à une assurance avant d'arriver dans le pays, car il y a toujours des jours de carence.
Des assurances spécifiques existent pour les touristes, qui incluent généralement le rapatriement du corps en cas de décès.
Pour les résidents, les assurances liées au décès sont souvent des options de contrat santé. Le rapatriement est en général inclus pour les problèmes de santé, mais en cas de décès, il constitue souvent une option à laquelle il faut souscrire au préalable. Il est également possible d’ajouter une option pour couvrir les funérailles, rapatrier la famille, faire venir un proche, etc.
Chaque cas est particulier : il est donc conseillé de se rapprocher d’un assureur au Cambodge pour discuter de vos besoins.
Il existe différents types de rapatriement :
- La crémation du corps au Cambodge suivie du rapatriement des cendres.
- Le rapatriement du corps nécessite un cercueil spécial, souvent commandé en Europe.
“Sans assurance, un rapatriement de corps avec cercueil coûte au moins 10 000$. Les frais de morgue, de papiers, les frais locaux de préparation du corps… . Certains font des cérémonies sur place, qui coûtent en moyenne 2 000$.” - David Treal, assureur.
Passeport et questionnaire médical sont nécessaires pour souscrire à une assurance santé. Pensez à vérifier si l'assurance couvre les voyages hors du Cambodge dans le cas où un décès surviendrait lors d’un voyage ou déplacement - les cachets de passeport faisant foi.
“L’assurance est un support pour les autorités et la famille.” - David Treal, assureur.
Contacter un notaire
Concernant la succession, il est important de réaliser un testament en France. Pour ce qui est des biens matériels au Cambodge, il est recommandé de prendre contact avec un notaire dans le pays.
Attention : si vous êtes marié avec une personne de nationalité cambodgienne et avez des enfants, veillez à prendre plusieurs précautions en amont concernant la succession : - Faites reconnaître votre mariage légalement au Cambodge. - Indiquer le nom de votre partenaire/enfants sur vos titres de propriété, comptes en banque, etc. |
Contacter la banque
Si vous possédez des avoirs en banque au Cambodge, veillez à spécifier à qui l'argent doit revenir suite au décès.
Lorsque le décès survient
Lorsque vient le moment du décès, c’est une course contre la montre qui commence.
Faire attester le décès
Décès à l'hôpital : Lorsqu'une personne décède au Cambodge, c’est très souvent à l’hôpital. Les médecins attestent le décès et fournissent un certificat. Soit le corps médical, soit la famille se charge alors de prévenir l’ambassade pour déclarer le décès.
Décès au domicile : Si quelqu'un décède chez lui, le médecin de la police se rend sur place et doit attester le décès. Ce dernier fournit également un certificat et, dans la majorité des cas, la police prévient l’ambassade du défunt.
Conseil : Il faut généralement payer des frais auprès du médecin de police, mais aucun « prix » n’est fixé. Tâchez d’être entouré d’une personne parlant khmer, cela facilitera non seulement les démarches, mais vous évitera aussi de payer des sommes déraisonnables. |
Informer la famille
Dès que le décès est officiel, l’ambassade doit s’assurer que la famille en est informée. Dans le cas où la famille est en France, l’ambassade demande à la police ou à la gendarmerie de se déplacer au domicile de la famille pour annoncer le décès. Si la personne est inscrite au registre, c’est plus facile.
Signer l’acte de décès
L’ambassade gère l’acte de décès. Que la famille soit au Cambodge pour signer l'acte de décès au service de l'état civil ou pas, l'ambassade délivre cet acte de décès.
Le document est ensuite mis à disposition de la famille par voie dématérialisée : le service central de l'état civil délivre des copies sur demande en ligne. Donc pas de complication sur ce point lorsque les familles sont en France. Le document est délivré dans les 2 cas.
(ATTENTION: L’ambassade ne paye aucun frais, il faut prendre ses dispositions.)
Prendre contact avec l’assureur
Les documents à fournir à l'assureur au moment du décès sont : le certificat de décès, un rapport médical qui le confirme avec la raison du décès (certains contrats d’assurance excluent parfois des causes de décès telles que le suicide, la bagarre, etc.). Les fonds sont généralement libérés sous 1 à 2 mois.
la morgue
Il y a une morgue qui conserve les corps gratuitement: La morgue de l'hôpital d'Amitié Khmero- Soviétique de Phnom Penh. L'ambassade de France travaille uniquement avec eux.
Pompes funèbres
Les corps des défunts européens sont souvent confiés aux pompes funèbres Jonh Alisson Monkhouse, qui respectent les traditions européennes. L’ambassade de France travaille exclusivement avec cette entreprise car les tarifs y sont raisonnables.
Évidemment, les volontés du défunt ou de la famille sont respectées, il est donc possible de contacter le service de pompes funèbres que vous souhaitez.
Association d’Entraide des Français au Cambodge: C’est une association de bienfaisance, qui intervient dans des situations de détresse, de misère, d’urgence et d’indigence. Elle peut assister les personnes très isolées en cas de décès, le temps que l’ambassade cherche des membres de la famille. Si aucun entourage n’est trouvé, l’association se charge de l’inhumation. |
Si l’ensemble des démarches ont été préparées, tout devrait se dérouler sans accroc, mais dans le cas contraire, la situation peut s'avérer bien plus compliquée…
C’est le cas d’Alexis.
Alexis* a 31 ans. Son père était cambodgien et sa mère est française. Ses parents se sont mariés en France, mais à leur retour au Cambodge, le mariage n’a pas été reconnu. Le père avait acquis plusieurs propriétés au Cambodge. Sa femme n’est propriétaire d’aucun bien, car elle ne possède pas la nationalité cambodgienne. Les enfants n’ont pas été inscrits sur les titres de propriété, car en toute logique, ils hériteraient des biens quoiqu'il arrive…
Le père est décédé il y a 3 ans. La famille pensait que l’héritage se déroulerait sans encombre. Le père n’a laissé derrière lui aucun testament. La mère, n’étant pas reconnue comme sa femme, est inévitablement exclue de l’héritage. Seuls Alexis et sa sœur devraient pouvoir récupérer les biens et les avoirs en banque. Or, comme ils ne sont pas reconnus comme enfants légitimes du père, le Cambodge refuse que ces derniers ne perçoivent quoi que ce soit.
Les enfants décident de passer par un avocat, le notaire étant peu compétent dans ce genre d'affaires. Après plus de 3 ans de combat et des centaines de milliers de dollars dépensés, ils viennent tout juste de faire reconnaître le mariage de leurs parents, mais n’ont toujours pas récupéré les propriétés, ni débloqué les comptes en banque.
La situation devient critique. Les comptes étant gelés, la famille ne peut plus compter que sur ses économies pour payer l'intégralité des frais administratifs depuis plusieurs années.
Ils ne comptent pas lâcher l’affaire.
Alexis sait pourtant que certaines formalités auraient pu être réalisées en amont, elles auraient grandement facilité les démarches. Si les noms des enfants avaient été ajoutés sur le titre des propriétés, les biens immobiliers leur seraient directement revenus. Si le père avait laissé un testament, l’héritage aurait été assuré."
BELGIQUE:
Pour les belges, il y a un consul honoraire, qui fait le lien directement avec l’ambassade de Bangkok. Il faut donc prendre contact avec eux. La France a une compétence uniquement sur les français.
Thierry Dalimier: consular.bangkok@diplobel.fed.be +855 12 840 056 (ou 012 840 056) pour les appels en français ou anglais.
* Tous les prénoms dans l'article ont été remplacés.