Un étrange phénomène se manifeste chez les francophones : leur goût pour l’inutile complexité de leur langue écrite. Appartenir s'écrit-il avec un ou deux P ? Pourquoi "gars" prend-il un S et pas "garce" ? Bref, cet amour se manifeste par exemple dans les concours de dictée. Ainsi, c’est une bonne quarantaine de personnes qui se sont réunies à l’initiative de PPA l’Institut Français samedi dernier pour pratiquer cet exercice. Le petit Journal vous propose à vous aussi, fidèles lecteurs , si le coeur vous en dit, de vous confronter aux chausse-trapes de notre langue.
Les participants étaient répartis en trois catégories :
- Les lycéens
- Les adultes ayant le français comme langue maternelle
- Les adultes n’ayant pas le français comme langue maternelle
Le concours était généreusement doté par la la librairie Carnet d’Asie puisque les trois premiers de chaque catégorie ont reçu 30, 50 et 100 dollars en bon d’achat à faire valoir dans le magasin.
Nous devons le texte original de la dictée de cette année, à Fabrice Étienne, premier conseiller à l’ambassade, qui est également romancier et a déjà publié sept romans et nouvelles.
« En cette année de Jeux olympiques, PPA m’a demandé d’écrire un texte sur le thème du Podium, donc le sport le dépassement de soi » nous confie-t-il.
Les gagnants des trois catégories sont :
Les lycéens : Erwan ROS, Pauline Pauline BEAUDOIN et Lunaïs JOUQUET
Les adultes n’ayant pas le français comme langue maternelle : Solina YEAN, Eric SONN, Yos BANOUKSA
Les adultes ayant le français comme langue maternelle : Mathilde DUVERNEUIL , Jérôme SCHMIDT et Clotilde QUEYREL
Essayez-vous à la dictée
Pour permettre à tous les lecteurs qui veulent se confronter aux chausse-trapes de la langue française et ainsi de pouvoir s’en amuser, le Petit journal du Cambodge a reproduit ci dessus , le texte qui a été soumis aux candidats. Hélas un esprit malin y a glissé quelques fautes. Saurez-vous les retrouver ?
La réponse sera publiée demain.
Bon courage
Rêveries olympiques
À bientôt douze ans, Dara ne tenait pas en place. Les heures lentes passées à l’école du village lui faisaient souffrir le martyre, tant il avait hâte de pouvoir aller vadrouiller sans entrave dans la nature libre et sauvage qui opiniâtrement l’appelait à elle. Accoudé à son pupitre, son imagination baguenaudait infailliblement en direction des plaines herbeuses, vers les étroits sentiers qui serpentaient entre les rizières en damier, découvrant à chaque instant de nouveaux panoramas – la ligne tremblante de l’horizon émergeant de la brume de chaleur, les maisons sur pilotis comme des mirages baignant dans la lumière fauve du Cambodge, violente à midi, apaisée au crépuscule, quand la terre sanguine et les herbes sauvages semblent éclairées de l’intérieur par une flamme secrète.
Dans son imagination enfantine, dans ses rêves fantasmagoriques, Dara se voyait athlète aux Jeux olympiques, et, à peine l’école achevée, s’y préparait d’arrache-pied. Il courait des cent mètres approximatifs entre deux palmiers à sucre, se retrouvant les genoux mouchetés d’ecchymoses pourpres lorsque d’invisibles racines lui faisaient un croc-en-jambe. Muni d’un bambou, il s’élançait au-dessus des haies buissonnantes et croyait tutoyer l’azur avant de retomber lourdement sur l’herbe et de se faire des bleus au coccyx. Devenu judoka, il corrigeait ses adversaires au grand dam des scolopendres effarouchés. Escrimeur émérite, il défiait à fleurets mouchetés quelque apathique bovidé qui ruminait benoîtement dans la prairie écrasée de soleil et prenait ses jambes à son cou lorsque l’animal relevait le col.
Toute exorbitante qu’était l’ambition qui le portait, Dara s’y aggripait et se fichait bien des on-dit. C’était comme si tous ses rêves s’étaient donné rendez-vous dans cette plaine rubigineuse à la verticale de laquelle les nuages d’été passaient dans le ciel telle une caravane ondoyante – nuages-éléphants, nuages-tentes. Puis survenaient des cieux bleu-mauve quand descendait le soir et que Dara devait à contre-cœur regagner ses chères pénates. Il ébouriffait alors ses cheveux noirs de jais où perlait la sueur, et vous auriez alors pu voir, au fond de ses pupilles, radiante, smaragdine, une lueur immarcescible semblable à la flamme olympique.