Éric Bourdonneau, le nouveau directeur de l’EFEO à Siem Reap

Un habitué du Cambodge

Éric Bourdonneau est un habitué du Cambodge, qu'il a découvert pour la première fois en 1995 pour participer à l’inventaire des collections de la Conservation d’Angkor sous la supervision de l’EFEO, alors qu'il était encore étudiant. 

Après ce séjour, à l'issue duquel il a rédigé un mémoire sur l’architecture et l’iconographie de Banteay Srei, c'est en 1997 qu'il fait son retour dans le Royaume. Il occupe alors pendant deux ans le poste de coopérant du service national à l’École Française d’Extrême-Orient (EFEO, voir encadré) à Siem Reap. Ce n’est cependant qu’en 2007 qu’il intègre l’EFEO, à Phnom Penh, en tant qu'enseignant-chercheur. Après un retour en France en 2010 et plusieurs missions dans le Royaume, notamment à Koh Ker, il prend pour la première fois la tête de l’EFEO à Siem Reap entre 2016 et 2019. Il occupe de nouveau ce poste depuis début août où il succède à Brice Vincent.

L’École Française d’Extrême-Orient fut fondée en 1900 à Saïgon (puis Hanoi) avec l’objectif de conduire des recherches sur les civilisations asiatiques de l’Inde au Japon. On compte actuellement 17 centres dans 12 pays et 36 enseignants-chercheurs permanents spécialisés dans diverses disciplines, allant de la linguistique à l’archéologie, en passant par l’épigraphie, la philologie et l’histoire.

Comment écrire l’histoire ancienne du Cambodge ?

Le retour d’Éric Bourdonneau ne se limite pas à sa nomination à la tête du centre de l’EFEO à Siem Reap. Chercheur passionné, il s'investit dans de nombreux projets visant à approfondir la compréhension de l’histoire ancienne du Royaume. Ses travaux actuels explorent divers aspects, qu'ils soient sociaux, agricoles, économiques, culturels ou religieux.

Depuis 2012, il dirige notamment le programme de restauration du Shiva dansant, statue retrouvée brisée dans le temple du Prasat Thom, au sein du site archéologique de Koh Ker. Du fait de l’extrême fragmentation de la statue, qui fut la proie du pillage dans les années 1990, le chantier de restauration, soutenu en particulier par la fondation ALIPH, est un véritable défi technique. Il est fruit d’une collaboration entre l’EFEO, l’Autorité Nationale pour Preah Vihear et la conservation d’Angkor. Son achèvement permettra de sensibiliser le public à l’un des aspects tragiques de l’histoire patrimoniale du pays, en faisant en sorte de ne pas laisser le dernier mot aux pilleurs. Restaurer, écrire une histoire aux sources lacunaires se rejoignent là dans une même démarche : “Il faut travailler à la compréhension de ce qui n’est plus là” nous indique-t-il.

“ Pour comprendre les pratiques et les représentations des acteurs de l’époque, poursuit-il, des questions aussi spécifiques que celles touchant à la position précise des attributs tenus par le dieu, ici à dix bras, sont essentielles”.

Outre la conduite de ce projet, dont il espère à présent la finalisation en 2025, il poursuit ses recherches sur les programmes iconographiques des grandes fondations royales, à Angkor comme à Koh Ker. L’horizon visé est celui d’une histoire culturelle du Cambodge angkorien qui, aux yeux des chercheurs, est constamment à réécrire.

Enfin, il travaille également, en collaboration avec une géoarchéologue, Lucie Cez, sur l’étude d’un tracé urbain de près dans la zone se situant au sud-ouest du Baray occidental. Ses recherches, toujours en cours, ont montré qu’un tel tracé correspondait à celui d’une ancienne capitale préangkorienne de 3 km de côté qui, dès le 7e siècle, rivalisait ainsi avec la rigueur géométrique et les dimensions de la capitale angkorienne, connue aujourd’hui comme Angkor Thom, qui ne sera fondée qu’un siècle et demi plus tard. 

L’EFEO de Siem Reap, un hub de recherche et de formation

Le changement à la direction du centre EFEO de Siem Reap laisse inchangées les grandes missions portées par l'école. « Chaque nouveau responsable s’inscrit dans une forme de continuité », explique-t-il, ajoutant que « l’objectif demeure de faire du centre à la fois une plateforme active pour la recherche – c’est-à-dire pour les nombreux programmes menés non seulement par le responsable mais aussi par les autres membres de l’École – et une plateforme pour la formation ». Continuer et renforcer la mission de formation, à destination des étudiants français mais aussi, et surtout, cambodgiens est l’un des objectifs phares du centre. Cette ambition n’est pas nouvelle. L’activité de l'EFEO « repose sur trois dynamiques complémentaires : la recherche, la formation et la collaboration avec les autorités nationales », précise M. Bourdonneau, indiquant par exemple que, durant tout le moins d’août, quatre étudiants de l’Université Royale des Beaux-Arts étaient accueillis au centre l’EFEO. La participation au projet Manusastra (ou Université des Moussons) dont M. Bourdonneau est l’un des enseignants, illustre ce souhait de renforcer la formation et la recherche dans les divers domaines des sciences humaines et sociales au Cambodge et plus globalement en Asie du Sud-est.

« La transmission est une mission essentielle »

insiste le nouveau directeur, en interpellant sur le défi colossal qui est celui des études en sciences humaines et sociales en Asie du Sud-Est : « Nous sommes bien peu pour un terrain d’études aussi vaste ».

Ce ne sont donc pas les défis qui manquent. Disposée à s’y atteler, l’équipe de l'EFEO est une véritable pépinière de recherche et de formation, jouant un rôle toujours aussi actuel dans les relations de coopération entre la France et le Cambodge. Le nouveau directeur, animé par ses propres projets et, plus généralement ceux de l’École, est résolument engagé dans cette mission. Nous lui souhaitons un bon retour à Siem Reap.