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Sébastien Seng, au service du Cambodge et du ballon rond

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Sébastien Seng à l'entraînement. Photo fournie
Écrit par Thibault Bourru
Publié le 30 juillet 2019, mis à jour le 31 juillet 2019

À 25 ans, Sébastien Seng a décidé de prendre un tournant dans son existence. Faire 12 000 kilomètres seul pour lancer sa carrière de footballeur et venir en aide aux enfants défavorisés dans son pays d’origine, le pari est risqué, émotionnellement et professionnellement. Joueur pour le Phnom Penh Crown, club de l’élite cambodgienne, depuis avril dernier, il dégage aujourd’hui une confiance intelligemment mesurée qui lui permet d’affronter cette bascule. Mais tout n’était pas gagné dès le départ, il a su bien s’entourer pour acquérir cet état d’esprit, primordial dans son adaptation et sa motivation.

À la fin de l’année 2017, Sébastien s’envole pour trois semaines et découvre le Cambodge et la Thaïlande, les deux pays d’origine respectifs de son père et de sa mère. Ce premier tête-à-tête avec ses racines sonne comme un carambolage. À son retour à Caen au mois de décembre, il n’est plus le même. Le quotidien sonne creux. Tout semble négatif pour Abey, son prénom khmer, qui ressent à ce moment-là un coup de blues. « Tu es resté là-bas », lui glisse alors sa petite amie. Là-bas, il y a découvert l’engagement de son grand frère, Metrisak Moun, qui dispensait des cours d’anglais aux enfants issus de familles pauvres d’un village proche de Siem Reap. « Cela m’a énormément touché. J’ai passé la semaine suivante en Thaïlande sur l’île de Ko Tao durant laquelle je n’ai fait que gamberger. Je me rendais compte que l’engagement de mon frère était fort et je voulais en être également. Mais de quelle façon ? Dans ma vie je n’avais jamais ressenti pareil choc émotionnel », se remémore Abey, ému.

Métro, boulot, dodo

C’est avec cette envie d’ailleurs qu’il retourne travailler chez Zara dans le chef-lieu du Calvados. « J’ai passé en tout quatre ans à Caen avant d’arriver à Phnom Penh. J’adorais mon métier, mes collègues étaient très sympathiques mais c’est vrai que je ressentais qu’une routine s’installait sur la fin. » L’impression d’entrer dans une case : métro, boulot, dodo. Cela n’est pas fait pour lui. Ce qui l’a fait tenir aussi longtemps est sans doute le football, sa passion. « C’est ce que j’aime faire le plus au monde. En 2015, j’ai quitté Argentan, le domicile familiale, pour le travail. J’étais un peu seul au début mais heureusement qu’il y avait le ballon. Ce sport est central dans ma vie. Il m’a énormément aidé à me former physiquement, mentalement. Je suis resté un an dans le club de ma ville et je faisais les allers-retours pour participer aux entraînements », concède-t-il vigoureusement. Néanmoins éreinté par les 125 km à parcourir plusieurs fois par semaine, le buteur décide de se rapprocher et atterri alors à l’AS Verson, dans la banlieue caennaise, en Régionale 2 (8ème division.) Il y passe deux saisons, et quitte le club pour rejoindre ses amis au FC Sud-Ouest Caen. Il a finalement décidé, en début d’année 2019, las de cette routine qui s’installait et repensant à ces vacances en Asie du Sud-Est, de faire le grand saut, sûr de lui.

Une rencontre capitale

Cette assurance est son moteur depuis son arrivée au Cambodge. Un changement de vie qu’il a abordé sans pression particulière, il n’a en aucun cas peur de l’échec. « J’en ressors même plus fort, soulève-t-il. Même s’il y a des barrières devant moi, une montagne à franchir, je réussirai. Je me fixe continuellement des objectifs pour cela. Je ne pense que positif et crois en ce que je fais. » Cette sûreté manifeste n’est pas apparue dès la naissance chez le jeune Ornais. Petit son père lui apprenais la langue khmère, le comportement au royaume : le respect des anciens, apostropher les gens selon leur âge, « aun, bong, ming, pu », etc. La timidité le gagnait très souvent à cette âge-là. La barrière de la langue en était largement la cause. À 5 ans il ne parlait pas français et n’osait par conséquent pas communiquer avec ses camarades de classe. C’est son grand frère Metrisak, son aîné de quatre ans, qui s’est, déjà à l’époque, avéré être un guide pour lui, une inspiration. Abey le suivait dans la rue pour jouer au football avec ses amis, il apprenait le français sur le terrain et, couplé à l’enseignement scolaire, a vite réussi à bien se débrouiller linguistiquement. « Cette période m’a libéré d’un poids lors de mon enfance, je m’intégrais par conséquent plus facilement dans chaque activité que j’entreprenais », témoigne l’attaquant.

 

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Sébastien Seng sur le terrain. Photo fournie

 

Mais le véritable déclic, il l’a connu à la suite d’une rencontre qu’il a faite en janvier, quatre mois seulement avant de décoller pour le Cambodge. Celle de Julien Alvarez son préparateur physique et ami. C’est lui qui, en si peu de temps, a façonné l’homme qu’est Abey aujourd’hui. Il lui a appris la recherche du détail, la rigueur, la ténacité. Physiquement et mentalement. Le mettant dans une bulle, un cocon pour qu’il se focalise à 100% sur les objectifs à atteindre. « Il m’a permis, sans que je ne m’en rende compte, d’avoir une confiance absolue en ce que je faisais », décrit-il, dithyrambique. Cela l’a transformé, rendu perfectionniste. À Phnom Penh il est conscient de la concurrence qu’impose une vie de footballeur professionnel, et il ne veut rien regretter. Il arrive à l’entraînement plus tôt et repart plus tard que les autres. Ajoutant même « quand on a deux entraînements dans la journée, j’en fais trois ». Pugnace, il veut se donner à fond pour gagner sa place.

Des objectifs pour parfaire ses engagements

Trois mois après son arrivée au club, Abey n’entre pas encore dans les plans de l’entraîneur du Phnom Penh Crown, qui lui préfère d’autres buteurs issus de la maison. Les nouvelles philosophies et idées de jeu ne sont pas la tasse de thé du club cambodgien. Il se cantonne au banc et profite de quelques entrées sur le terrain pour démontrer son sens tactique et ses qualités d’attaquant. Mais qu’importe. Titulaire d’un contrat de 6 mois dans la capitale, il assure être prêt à glaner cette place de buteur, son rêve étant d’intégrer à terme la sélection nationale du Cambodge. Mais le football n’est pas sa seule raison d’être ici. Il le sait depuis ce fameux voyage. Loin des clichés envoyés à longueur de journée sur les footballeurs, Abey met un point d’honneur à aider les enfants défavoriser, suivre les traces de son grand frère. Ce dernier travaille toujours chez Krousar Thmey, une ONG spécialisée sur l'éducation des enfants sourds et aveugles, à Siem Reap en collaboration avec l’association Soulcial Trust en tant qu’éducateur sportif pour des équipes de cécifoot. Abey a déjà rendu visite à ces jeunes, mais pour lui ceci n’est que la première étape d’un engagement durable. « Je sais que je vais réussir, cela prendra du temps, des années s’il le faut, mais tant que je ne serai pas comblé je me fixerai de nouveaux objectifs », assure-t-il en parlant de l’aide aux enfants comme du football.

 

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Maintenant qu’il est dans son pays d’origine, le Normand se donne le temps et espère réaliser ses objectifs, des idées plein la tête. Atteindre l’équipe nationale, s’installer durablement dans ce métier rêvé de footballeur. Rencontrer sa famille et sa grand-mère pour la première fois en est un autre. Offrir un meilleur avenir, un meilleur confort de vie aux enfants issus de familles défavorisées. Il a notamment pour projet de se rapprocher de l’association Pour un Sourire d’Enfant. Son fondateur Christian des Pallières tenait cette maxime de son vivant, probablement transposable à l’histoire d’Abey. « Dans la vie les jours semblables s’entassent, ils ne la rallongent pas. D’ailleurs ceci est ratatiné dans mes souvenirs. Ce qui rallonge la vie dans la mémoire c’est l’inattendu. » Cette pensée a sans doute traversé l’esprit d’Abey lors de ses réflexions sur la plage de Ko Tao. En finir avec la routine, et partir vers l’inconnu, déterminé à réussir.

Thibault Bourru
Publié le 30 juillet 2019, mis à jour le 31 juillet 2019

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