Édition internationale

Manon Fernandes : améliorer le quotidien de 1.700 élèves au Cambodge

Lauréate du Trophée ASEAN Hospitality & Tourism 2025, la jeune coordinatrice qualité, hygiène et sécurité alimentaire de Toutes à l’École mène depuis une transformation profonde de la nutrition à Happy Chandara, où 1.700 élèves et étudiantes en études supérieures bénéficient désormais de repas plus sains, mieux encadrés et ancrés dans la culture khmère.

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Manon Fernandes avec les élèves de Happy Chandara Photo Fournie
Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 8 décembre 2025, mis à jour le 9 décembre 2025

 

Diplômée de l’Institut Vatel Paris, Manon Fernandes n’était pas destinée à travailler dans l’humanitaire. Son parcours aurait pu s’inscrire dans l’hôtellerie internationale. Mais un premier stage au Cambodge, à Siem Reap, interrompu par le Covid, crée chez elle un sentiment d’inachevé. « J’avais envie de lier ma formation à quelque chose d’utile. Quand je suis revenue, c’était pour contribuer concrètement à un projet humain. »


Après une licence puis un MBA, elle retourne en 2023 au Cambodge. Quelques mois plus tard, elle est rappelée par l’ONG Toutes à l’École pour reprendre un chantier déterminant : repenser l’alimentation des élèves de Happy Chandara. Aujourd’hui, elle y occupe un poste de coordinatrice qualité, hygiène et sécurité alimentaire, sous statut de volontariat de solidarité internationale.
Son rôle : superviser la nutrition, l’hygiène, la sécurité alimentaire, les équipes de cuisine et de nettoyage, tant sur le campus principal que dans les deux foyers étudiants. « Je suis en charge de tout ce qui touche à l’alimentation et à l’hygiène, que ce soit pour les internats, l’école maternelle, primaire, collège, lycée ou les événements. »

 

 

Happy Chandara, un campus unique dédié aux filles défavorisées


Créée en 2005, l’ONG Toutes à l’École scolarise les filles les plus démunies de la région de Preak Thmey, près de Phnom Penh. Le campus Happy Chandara accueille aujourd’hui 1 700 élèves, de la maternelle jusqu’aux études supérieures. Chaque année, une centaine de nouvelles petites filles y sont admises.
Le projet se distingue par un modèle global : éducation, santé, accompagnement social, fermes agroécologiques, ateliers pour les familles et, depuis peu, une démarche ambitieuse d’autonomie alimentaire. L’ONG revendique 100 % de réussite au baccalauréat depuis le démarrage de sa première promotion. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet « Cantine Verte », dont Manon est aujourd’hui l’un des moteurs.

 

 

Manon Fernandes petite cambodgienne de Happy Chandara prenant son plateau repas.
Photo Anthony Holvoet

 

 

Repenser l’alimentation : moins de sucre, d’huile, plus de nutriments, sans dénaturer la cuisine khmère


Depuis septembre 2025, Manon étend le projet aux deux foyers universitaires. Elle y supervise la création de deux cuisines collectives rénovées, l’organisation des services, la formation des étudiantes à l’hygiène domestique et à la nutrition.
À son arrivée, Manon commence par une vaste étude des repas servis à l’école. Le constat est clair : trop de riz, trop de sucre, trop peu de légumes entiers, de légumineuses et de protéines.
« Je ne pouvais pas juste importer des recettes internationales. Il fallait améliorer la qualité nutritionnelle tout en respectant les saveurs cambodgiennes. » Elle élabore alors une cinquantaine de nouvelles recettes, souvent adaptées en équipe avec la cheffe et la sous-cheffe : « Parfois, il s’agissait simplement d’ajouter de la patate douce dans un plat qui n’en contenait pas. D’autres fois, de retravailler un fish amok ou un lok lak, des plats traditionnels khmers. » La décision la plus difficile : retirer le sucre et le glutamate. « Ça a été un choc pour tout le monde. Mais aujourd’hui, on assaisonne au sel, au poivre, au miel si nécessaire. »

 

 

Former 25 cuisinières non alphabétisées : un chantier humain et social


Toutes les cuisinières sont des mères d’élèves ou des femmes du village voisin. Aucune n’avait reçu de formation professionnelle. « Elles ne savaient pas couper un légume selon les règles d’hygiène, ni organiser un poste de travail. Certaines ne savent ni lire ni écrire. » L’un des volets majeurs du projet est donc la formation : « Je leur ai appris la qualité, l’hygiène, la sécurité alimentaire, les normes HACCP. Le fonctionnement d’une chambre froide, qu’elles n’avaient jamais eue. L’importance des gestes, de la tenue, du nettoyage. »


Le travail est long, parfois difficile. Les équipes, en poste depuis quinze ans, résistent d’abord aux changements. « On a modifié les horaires, les méthodes. Elles n’étaient pas d’accord. Il fallait leur expliquer que ce n’était pas pour leur compliquer la vie, mais pour améliorer leurs conditions de travail tout en garantissant la sécurité alimentaire. »

 

 

cuisinères de Happy Chandara
Photo Happy Chandara


Aujourd’hui, la situation est passée de la méfiance à l’enthousiasme. « Je vois qu’elles sont heureuses d’être là. Elles s’entraident. Certaines forment les nouvelles. C’est l’une de mes plus grandes fiertés. »
Bientôt, un partenariat avec une école hôtelière Paul Dubrule permettra aux 25 cuisinières d’obtenir une véritable certification professionnelle.

 

 

La ferme agroécologique et le défi de l’autosuffisance


Le campus développe depuis quelques années une ferme d’un hectare et des potagers intégrés à l’école. Les jardiniers livrent chaque matin les récoltes directement à la cuisine. Aujourd’hui, l’autoproduction couvre 30 % à 40 % des besoins en légumes selon la saison, un chiffre appelé à croître fortement. L’objectif : frôler l’autonomie alimentaire d’ici cinq ans. « C’est ce qu’on appelle notre modèle “farm to table”. On adapte le menu aux récoltes. C’est un cercle vertueux. »

 

 

agriculitureur cambodgien. Habby chandara
Photo Anthony Holvoet

 

 

 

L’enjeu sanitaire : lutter contre la malbouffe et la dénutrition


Les données médicales internes montrent une situation paradoxale : les élèves qui arrivent en maternelle sont à la fois sous-exposées à une alimentation nutritive et trop exposées au sucre.
« On observe une augmentation d’environ 15 % du surpoids chez les petites filles de maternelle par rapport aux premières années d’ouverture. Elles mangent peu, mais mal. Beaucoup de produits sucrés. »
Les nouveaux repas, équilibrés et réguliers (déjeuner + deux collations pour toutes, trois repas pour les internes), permettent d’améliorer la concentration, la santé bucco-dentaire et l’énergie quotidienne des élèves. Les premiers résultats, en cours d’analyse, vont dans ce sens.

 

 

plateau repose Happy chandara Cambodge
Photo Anthony Holvoet

 

 

Travailler au Cambodge : un engagement de cœur


Manon parle du pays avec chaleur : « J’adore le Cambodge. Je me sens ici en sécurité, libre de travailler et d’être moi-même. Les gens sont généreux, accueillants. » Les défis existent, notamment la barrière de la langue. « Je communique souvent par gestes, par démonstration. Mais on se comprend. » Ce qui la motive chaque jour : « Voir que mon expertise en hôtellerie de luxe a un impact concret sur la vie de 1 700 élèves et sur la fierté des femmes qui travaillent avec moi. C’est un vrai changement humain. »
« Nos petites protégées sont les mères de demain, elles deviendront des ambassadrices de la santé et de la nutrition. »

 

 

ONG Happy Chandara
Photo Valeria Schettino

 


En devenant lauréate du Trophée ASEAN Hospitality & Tourism 2025 du Petit Journal, Manon Fernandes voit son travail reconnu au-delà du campus. Sa démarche, à la croisée de la nutrition, de l’éducation, de la formation des femmes et du développement durable, montre comment un parcours en hôtellerie peut se muer en levier d’impact social majeur.

 


« Je suis heureuse d’apporter quelque chose d’utile. Et ce projet ne fait que commencer. »

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