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ENTRETIEN – Nary Ly, une femme de défis

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 27 avril 2010, mis à jour le 13 novembre 2012

Nary Ly est une chercheuse franco-cambodgienne de 37 ans. Depuis 2009, c'est aussi une marathonienne qui a décidé de mettre sa carrière entre parenthèses pour suivre un nouvel objectif : encourager les femmes du Cambodge en leur montrant qu'elles sont capables de grandes choses, y compris d'aller aux Jeux Olympiques

Lepetitjournal.com : Comment avez-vous commencé à courir ?
Nary Ly : Je finissais mon doctorat entre l'Institut Pasteur du Cambodge et l'Université de Bordeaux 2 sur "la caractérisation moléculaire du polymorphisme du VIH et la résistance aux antirétroviraux au Cambodge". Je courrais un peu puis j'ai décidé de participer au semi-marathon international de Siem Reap de 2006 pour recueillir des fonds d'aide aux enfants séropositifs. Je me suis entraînée pour y courir 10 km. Mais pendant mes entraînements, un ami m'a fait remarquer qu'après avoir couru 18 km, je n'avais pas l'air trop fatiguée et il m'a suggéré les 21 km.

L'année dernière, vous avez terminé le marathon de New York en 3h34. 42 km, c'est une distance ! Comment vous êtes-vous entraînée ?
Après avoir soutenu ma thèse, je suis partie en mars 2007 à New York pour des recherches postdoctorales. J'ai découvert que NYC était une ville de coureurs. Au début je courais dans Central Park pour garder la forme et éliminer le stress. Puis je me suis inscrite au club principal (New York Road Runners) pour des courses puis à un club local (New York Flyers) pour m'entraîner et améliorer ma vitesse.

La course est devenue une sorte de défouloir de mes journées difficiles passées au laboratoire, mais aussi une découverte de moi-même, de mes capacités tout autant que de mes limites. Avant de rentrer au Cambodge, j'ai voulu clôturer mon expérience postdoctorale avec un article en premier auteur et un marathon.

Aujourd'hui, vous avez décidé de mettre de côté votre carrière pour pouvoir vous consacrer aux marathons, pourquoi ?
Quand je me suis inscrite au semi-marathon de Siem Reap, les organisateurs ont été surpris de me voir arriver sous la bannière du Cambodge. Ils m'ont dit que j'étais la seule femme cambodgienne à courir 21 km ! Ça m'a surpris. Depuis, j'ai eu envie de contribuer au développement de cette discipline. C'est un défi personnel, mais c'est surtout pour motiver les femmes cambodgiennes en leur montrant qu'elles sont capables de faire aussi bien, voire mieux que moi. Je veux leur donner confiance, leur donner goût à l'indépendance. Quand vous arrivez au bout de 42 km, vous êtes fatigué, mais vous avez un sentiment de satisfaction et d'accomplissement personnel...

C'est pour ça que vous envisager les Jeux Olympiques de Londres en 2012 ?
Oui. Etre la première cambodgienne à courir pour les JO, c'est important. Pour le pays autant que pour les femmes. Je ne compte pas être dans les premières, mais je veux finir ce marathon dans un temps qui puisse faire honneur au Cambodge. Je ne veux pas que ma performance soit risible. Mais, si moi je n'ai pas commencé à m'entraîner assez tôt pour être dans le peloton de tête, je peux au moins donner envie à des jeunes de courir, et d'un jour aller jusqu'aux Jeux.

Etait-ce nécessaire d'arrêter de travailler ?
Pour courir aux JO, il faut non seulement que j'améliore mon temps ? le plus proche possible de 2h45 ? mais il faut aussi obtenir des résultats dans des courses locales. Il s'agit d'un entraînement intensif et d'un investissement à plein temps. Si je trouve un directeur de laboratoire souple, qui accepte que je travaille à mi-temps, ce serait l'idéal. Mais la recherche est un travail qu'on fait avec passion et il est difficile de se limiter à des horaires précis. Par les temps qui courent, le manque de fonds, c'est le moment de faire une pause. Et les JO, c'est un rêve, je veux le mener à bien et sérieusement.

Justement pour l'entraînement, vous n'avez encore ni sponsor, ni entraîneur, ce n'est pas trop compliqué de tenir le coup dans ces conditions ?
Oui, pour le moment ce n'est pas aussi facile de s'entraîner ici comparé à NYC, mais j'ai espoir de trouver des pistes à travers la Fédération Amateur des Athlètes du Cambodge ainsi que les sponsors locaux et internationaux pour m'aider à préparer dans de bonnes conditions les JO. Pour le moment, il faut persévérer avec les moyens qu'on a, c'est-à-dire, les sites Internet, les livres, et les conseils d'amis coureurs?

Puis depuis deux mois, je cours avec un groupe. Pour pallier au manque d'infrastructures, on s'organise des courses entre nous, avec un système de relais à moto pour ceux qui font les courtes distances. Ainsi, on se soutient et on se motive...

En 2009, Nary Ly a remporté plusieurs courses dont le semi marathon international d'Angkor Wat. En 2010, elle a fini première de son groupe d'âge au marathon international de Khon Kaen en Thaïlande et au semi-marathon de Kep, sans compter les petites courses. On ne peut que lui souhaiter le meilleur pour la suite.

Propos recueillis par Elodie LLanusa  (www.lepetitjournal.com/cambodge.html) mercredi 28 avril 2010

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Publié le 27 avril 2010, mis à jour le 13 novembre 2012

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