Lepetitjournal.com Cambodge a rencontré Sok Visal, créateur du label KlapYaHandz mais également producteur et désormais cinéaste. De la création de son label à ses premières armes dans l’industrie cinématographique, Sok Visal nous a raconté son histoire et confié ses projets futurs.
Leptitjournal.com Cambodge : Vous êtes né au Cambodge et avez grandi en France, comment êtes-vous devenu producteur d’un label de musique à Phnom Penh ?
Sok Visal : Je suis né au Cambodge, mais j’ai fui le royaume avec mes parents avant que les Khmers rouges ne s’emparent de la capitale. Nous avons fui en France où j’ai vécu de 1976 à 1989. Après cela, je suis parti vivre deux ans aux Etats-Unis avant de revenir en France, puis je me suis installé définitivement au Cambodge en 1993. J’étais dans une impasse en France, j’avais envie de vivre de l’art mais c’était impossible, je ne trouvais aucun moyen d’entrer dans une école d’art ou une formation équivalente. Je suis donc parti au Cambodge où mes parents étaient déjà installés. De retour au pays, j’ai commencé à faire mes premières armes dans la publicité. J’ai travaillé pendant six ans comme publicitaire pour Total.
En 2000, j’ai commencé à sampler, mixer des vieilles chansons cambodgiennes des années 60 sur ordinateur pour les mettre à la sauce hip-hop. C’est comme ça qu’est né KlapYaHandz en 2005. Aujourd’hui nous produisons dix artistes et animons une chaîne YouTube qui fonctionne très bien.
Quelle est l’importance de YouTube pour la renommée d’un label de musique ?
Cette plateforme nous a permis d’acquérir une certaine renommée, notamment à l’étranger, mais YouTube ne veut pas travailler avec le Cambodge pour des problèmes de droit d’auteur. Nous gagnons donc un peu d’argent grâce à YouTube mais pas depuis le Cambodge. Cependant la plateforme permet de nous faire connaître et de révéler certains hits de nos artistes.
Certains de vos artistes sont-ils devenus célèbres ?
Certains ont acquis une grande notoriété au Cambodge et parfois à l’international. Je pense notamment à AGO qui a très bien marché à l’étranger ou Vuthea qui a fait quelques hits. Il y en a beaucoup d’autres. Mais nous avons d’abord travaillé à faire connaître le label. Notre chaîne Youtube nous a permis de nous faire connaître aux Etats-Unis et en France. Désormais, nous allons essayer de travailler davantage la notoriété des artistes avec des campagnes de promotion.
Pouvez-vous expliquer quel est le travail du producteur de hip-hop ?
Le boulot de producteur, je l’ai appris tout seul, en faisant des instrus, des beats puis en posant des voix, en mixant et en masterisant. Ensuite il y a un travail au niveau des paroles, du concept. C’est tout un travail qui comprend l’écriture du morceau, la sortie du clip mais aussi la promotion du morceau, sa distribution. En tant que producteur, je m’occupe de tout du début jusqu’à la fin.
Quelle est votre perception de l’industrie musicale cambodgienne ?
Elle commence à se développer depuis deux ou trois ans. Mais encore aujourd’hui, peu de gens sont prêts à mettre de l’argent dans la musique. Vivre de la musique n’est pas encore très courant au Cambodge. Le développement est en cours, ne vous inquiétez pas, on s’occupe de tout !
Quel pourrait être l’acte fondateur de l’industrie de la musique cambodgienne ?
Je pense que l’industrie musicale cambodgienne a commencé quand, il y a peu de temps, certains artistes cambodgiens ont voulu arrêter de copier des musiques chinoises et thaïlandaises pour créer un contenu original. Même si peu de gens en parlent, KlapYaHandz a beaucoup aidé à cela. Même si au début je voulais juste reprendre des anciens succès des années 60 pour les remixer avec des paroles et des instrus plus modernes, j’avais également le projet d’encourager les artistes à innover, à créer une nouvelle scène musicale khmère.
La plateforme de streaming mise en place par Smart nous a également beaucoup aidés. Elle permet aux artistes de gagner un peu d’argent qui est réinvesti pour continuer à créer, à produire du nouveau contenu.
Comment se matérialise l’identité khmère que revendique KlapYaHandz ?
Au départ, je voulais reprendre les vieux succès cambodgiens pour les faire redécouvrir aux jeunes artistes. Il ne faut pas oublier que durant la période khmère rouge, tous les artistes talentueux ont été assassinés. En quelque sorte, nous repartons de zéro. Petit à petit, de nouveaux artistes ont émergé et ont permis la naissance d’une scène hip hop au Cambodge. Ils ont d’abord commencé par reprendre les anciens succès khmers en utilisant des styles plus actuels avant de créer eux-mêmes du contenu original.
L’art urbain a mis du temps à s’implanter mais le mouvement est actuellement en plein boom. Comment cela s’est-il passé pour le hip hop au Cambodge ?
C’est dans les années 1990 que le Cambodge a commencé à s’ouvrir au monde et que sont arrivés au pays des sons de rap venus des Etats-Unis ou de France, grâce à des jeunes qui avaient la chance de voyager ou qui avaient de la famille à l’étranger. A partir de cela, des Cambodgiens ont commencé à sampler, à imiter ces artistes. En 2005, quand nous avons commencé l’aventure KlapYaHandz, il y avait déjà plusieurs d’artistes indépendants qui animaient la scène hip-hop du Cambodge. Ce que j’ai voulu faire, c’est les réunir et en faire quelque chose de plus important. Aujourd’hui c’est plus la K-Pop qui prend le dessus, mais lorsque j’écoute ce genre de musique, j’entends surtout des instrus inspirées de celles que l’on peut entendre aux Etats-Unis, mais les chanteurs sont coréens, donc pour les asiatiques c’est plus simple de s’identifier à eux. Mais je ne pense pas qu’en écoutant de la K-Pop on se dise que l’on est face à quelque chose de typiquement asiatique.
Est-ce que vous avez des projets en parallèle de KlapYaHandz ?
Je m’intéresse en ce moment au cinéma, ce qui m’oblige à mettre la musique de côté pour le moment. Mais ce n’est pas totalement vrai puisque c’est avec les bandes originales de mes films que j’ai fait certains de mes plus gros hits ! J’avais déjà assisté un ami réalisateur sur un tournage. Depuis, j’ai réalisé mes propres films, mais il est difficile d’être rentable. J’aime cependant être derrière la caméra et je travaille actuellement à un nouveau projet de long-métrage. Ce sera un thriller psychologique qui s’intitulera In the Shade. Nous sommes en train de monter le teaser pour le présenter et trouver des financements pour le tournage qui est prévu l’année prochaine.